Chapitre 22: Récit

162 25 10
                                    


"J'avais à peine 17 ans quand je suis entré à l'Académie des sciences politiques. J'avais obtenu une des bourses mises en place par notre ancien régent. Mes professeurs me pensaient brillant et promis à de grandes choses. 

Je pense qu'avec le temps, moi aussi j'avais fini par y croire. Quand je suis parti, Victor, j'étais sûr que je pourrais revenir et vous rendre tous fier. Ma grand-mère, les gens de notre quartier, ta mère, toi.... Mais ça ne s'est pas passé comme ça.

Les premiers jours ont été difficiles. Je ne connaissais personne et je me suis vite rendu compte que la plupart des élèves de cette filière étaient des aristocrates, pour la plupart des descendants des Dragons Rouges ou des autres clans qui ont fondé notre société telle que nous la connaissons. Autant vous dire que le nom de Florian Salvi faisait tâche à côté des Ambrefeu, des Rougefeu, ou même des Sorcemer. Je n'étais pas comme eux, et ils se sont bien assurés de me le faire comprendre.

Ça a commencé par les habituelles remarques sur mon visage. Le dégoût et la moquerie. J'ai essayé de ne pas y prêter attention. Après tout j'avais l'habitude des regards insistants et des murmures dans mon dos. Mais je n'avais pas prévu de me retrouver si vite aussi... Isolé. J'étais écarté de tous leurs rassemblements, de tous les événements, de toutes les conversations. La haute noblesse ne s'abaisse pas à frapper aux yeux de tous ou à abuser de sa force physique dans ces écoles. Elle est plus fourbe.

Mes professeurs reconnaissaient mon talent. Mais ils ne faisaient rien pour m'aider en dehors des cours, certains fermaient même franchement les yeux quand mes affaires disparaissaient ou que des mots affreux se retrouvaient gravés sur ma table. 

J'ai survécu à ma première année avec une boule d'angoisse au fond de la gorge et la peur constante de ce qu'ils pourraient me faire.

Un jour, en deuxième année, j'ai senti des mains me pousser alors que j'étais en haut d'un escalier. Je me suis rattrapé de justesse mais j'aurais pu me briser le cou. Ils n'attendaient que ça. Que je montre la moindre faiblesse pour se jeter sur moi et me mettre en pièce. C'est à partir de là que je me suis isolé. Quand ma grand-mère est morte j'ai plongé dans une sorte d'état passif où plus rien ne m'atteignait. Je pense que ça les a un peu calmé.

Cette année là, nous avons reçu la visite de Monsieur Goldberg. Il était un jeune ministre à la recherche de jeunes talents pour rejoindre son équipe. Je ne sais pas pourquoi à ce moment là il m'a choisi, mais ses yeux glacials se sont posés sur moi et ce qu'il y a vu l'a convaincu de me prendre à son service. Je ne l'ai plus quitté depuis 10 ans."

Victor était resté silencieux mais son regard noir parlait pour lui. Il savait que Florian avait vécu des années difficiles à l'université mais il n'avait pas pris conscience du fait que c'était si grave. Il jeta un œil à l'assistant dont le regard était plongé dans l'âtre de la cheminée éteinte. Ni Thomas ni lui n'osaient le relancer, bien conscients que le pire était sûrement à venir. Après quelques minutes douloureusement silencieuses, Florian reprit.

"Je n'en croyais pas mes oreilles. Comment un gamin comme moi, issu du peuple, avait pu atterrir au service de la prestigieuse famille Goldberg ? J'ai fini mon année en effectuant des petits travaux pour le ministre avant d'entrer complètement à son service à l'aube de mes 20 ans. Tu avais 15 ans Thomas, et déjà tu avais cette attitude frondeuse qui rendait ton père furieux. 

C'est en apprenant à connaître votre famille que j'ai compris qui était vraiment Johann. Un homme ambitieux et prêt à tout pour parvenir à ses fins. Même s'il conservait une image froide et mesurée aux yeux de tous, moi je savais comment il était.

Devoirs et Manipulation ~  Keskastel vol 2. [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant