| Chapitre 14 |

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Nous ne sommes en sécurité nulle part. L'endroit où on est le plus vulnérable ? Notre lit. Sagement endormi, vagabondant dans le pays imaginaire, personne ne s'attend à être dérangé, attaqué et maltraité. Que dis-je, à subir un traumatisme. Le sommeil est une chose précieuse, en plus d'être ce qu'il y a de plus doux en ce monde. Pourtant, ce jour-ci, lors d'un matin sans aucun doute bien trop tôt pour un pauvre homme comme moi, j'ai été la victime de cet acte affreux et inhumain.

Ma troisième nuit consciente, loin de tout coma et de toute seringue, vient d'être bafouée et traînée dans la boue. Elle était si chaleureuse, si paisible et si gentille que j'attendais nos retrouvailles chaque soir. Aujourd'hui, à l'heure des coqs et non celui des hommes, elle n'est plus. Toutes ces merveilleuses sensations ont été balayées d'un seau – d'une baignoire – d'eau glaciale sans états d'âme.

Face à une telle violence, je ne peux que répondre de la même manière : je vais devoir commettre un meutre. Un meurtre sanglant où une multitude de cris de souffrance jailliront dans une symphonie parfaite, des cris comparables à celui que j'ai poussé à mon réveil. Rien que pour le plaisir de me venger, rien que pour les punir de cette terrible erreur.

Saisi par le mordant du froid, je me redresse en vitesse, les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte sur mon éclat de voix. Je rencontre le sourire suffisant de Jasper tandis que je lui lance mon plus beau regard noir. Ne voit-il pas la faucheuse danser à l'intérieur de mon seul iris valide ? Ne voit-il pas la menace que je représente pour lui en cet instant ? Il a commis une grave erreur : me réveiller, moi, la Belle au bois dormant en chef.

Mon gars, toi, tu vas être l'eunuque de la meute.

— Putain, je peux savoir ce qui te prend ?!

Il avait été pourtant compris dans le pack "repos-Isaac" que j'avais le droit à une semaine de repos afin de me remettre de mes mésaventures. Et mon adorable et gentil superviseur attitré a uniquement accepté en sachant qu'Elliot, un lieutenant, me surveillerait pendant ce temps-là. Mes journées devant la télé me convenaient très bien, elles étaient pimentées par les passages répétés de Reyes dans la maison où mes yeux se faisaient un plaisir de le suivre et de ne rien rater.

La seule tâche à l'horizon, c'était Annette et son actrice attitude. Logé, nourri, blanchi : tout était parfait et me tenait un minimum en sécurité, éloigné des tarés de la forêt et d'une potentielle mort. Mais ce même superviseur est en avance de quatre foutus jours. De quatre !

Je demande réparation et remboursement.

Où est Elliot et son joli minois ?

Jasper plisse les yeux et m'observe comme si j'étais un aliéné, sans se départir, bien sûr, de son rictus. Il esquisse une moue innocente.

Je vais me le faire.

— Oh, ça ? me questionne-t-il, agitant l'arme du crime sous mon nez.

Je le fixe, lui et son air faussement angélique.

— Oui, ça ! aboyé-je.

De toute évidence fier de lui, il arbore un plus grand sourire et se contente de me jeter des vêtements à la figure sans aucune explication. Je les rattrape de justesse au vol et adresse une brève œillade vers l'extérieur dans le but de me faire une idée de l'heure.

Autant dire qu'il n'y a pas un seul rayon de soleil, rien, nada. Je me crispe et joue à la statue. C'est une blague, j'espère ?

— Je peux savoir quelle heure il est, au juste ?

Je reporte mon attention sur le loup que je rêve de violenter mais auquel je ne ferais que dalle, malheureusement. J'ai trop les chocottes pour ça.

Un sourire bienveillant, seulement en apparence, maquille mon visage enflé.

Cœur de Glace [En Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant