| Chapitre 15 |

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Je jure que je vais mettre le feu à cette baraque.

C'est la meilleure chose à faire. Cette maison, que dis-je ce territoire tout entier, abrite des êtres dépourvus du moindre soupçon d'humanité. Personne, ici, ne respecte le sommeil. Et c'est juste inacceptable. En tant que défenseur de la paix, citoyen du bien-être et protecteur de Morphée, je ne peux plus tolérer ça. Je me dois d'agir le plus tôt possible et d'éradiquer, littéralement, cette espèce démoniaque. Mesdames, messieurs, je me ferai une joie de libérer le monde de ces ordures immondes.

Les murs de la chambre d'amie vibrent et sont pris de secousses, prêt à subir un terrible tremblement de terre. Une enceinte, pourvue de bien trop de puissance, aboie de toutes ses forces : « Pump it » de The Black Eyed Peas. Et avec elle, comme si ce n'était pas déjà assez, les cris enjoués de ce delta merdique et d'Elena, toujours en compagnie de sa sœur, se mêlent à la chanson. S'ils cherchent à me rendre sourd, c'est plus que réussi. Haut la main, même.

Je déteste cet endroit

En particulier les personnes présentes à mon putain de chevet.

Ils ont de quoi réveiller un mort, et je pèse mes mots.

Mon projet de pyromanie a muté. Mon père et son associé ne seront plus les seuls à rencontrer, très bientôt, la sacro-saint lumière divine. Ni crocs ni griffes acérées ne seront impliqués dans cet incendie prémédité. Ce ne sera nul autre que moi, mille litres de bidons d'essence et une allumette. Pour avoir brûlé la précieuse Maserati de mon cher géniteur à l'aube de mes dix-sept ans, je suis fin prêt à passer à l'étape supérieure.

La colère du latent va s'abattre et aucun, je dis bien aucun, ne s'en sortira. J'en fais la promesse.

Le poids plume en profite pour grimper sur le lit et se mettre à sauter dessus dans une danse improvisée. Complètement dépassé et un manque évident de sommeil, je referme les yeux sans chercher à en voir davantage. Je n'attends pas plus longtemps pour glisser la tête sous l'oreiller, suivi du second – autant mettre le paquet. Je suis en plein cauchemar, je refuse de croire que tout ceci est réel.

Mon geignement de désespoir passe inaperçu tandis qu'une vilaine voix, parmi mes pensées, me chuchote qu'il est à nouveau six heures du matin. Comme hier, et certainement comme les prochains jours à venir. Mon presque évanouissement ne m'a pas empêché une autre journée de sport. Ces loups sont sans cœur...

La banshee va se mettre à hurler et ce sera bel et bien pour annoncer la mort de quelqu'un si, malheur à eux, j'ai vu juste. Ma respiration s'écrase subitement contre ma cage thoracique et ne poursuit pas sa route, frappée et brutalisée par l'enfant kangourou. Merde, qui a dit que ce démon était léger ? C'est un mensonge pur et dur ! J'ai une côte brisée, c'est sûr et certain.

Je l'avoue, il y a potentiellement de l'amplification dans mon auto-consultation mais la douleur, elle, est bien réelle. Elle l'est toujours.

Parole de punching-ball aguerri.

Les rires s'arrêtent, et heureusement pour leur survie. D'une pression exercée sur mon bras, je suis forcé à m'allonger sur le dos. Le visage inquiet de Camille, penché au-dessus de mon corps, m'apparaît. Je me dépêche d'effacer ma mine de détresse et tourne la tête vers Jasper tout en m'évertuant de rassembler, au mieux, mes deux poumons afin de respirer convenablement sans que mon corps ne me brûle. Ou qu'une douleur ne me vrille les côtes, si possible.

Ai-je déjà dit que j'adorais ma vie ?

Oui ? Eh bien, ce n'est pas le cas.

Je bats plusieurs fois des cils, comme les princesses Disney devant leurs princes, avant de clore les paupières.

Cœur de Glace [En Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant