Cœur de Glace [En Réécriture]

| Chapitre 13 |

Mon regard se perd sur le bruissement apaisant des arbres, juste au-dessus de ma tête. Il n'y a pas à dire, être tenu éloigné des membres de la meute me fait un bien fou. C'est une pause inespérée, où aucun danger ne peut flirter avec moi tant que je ne bougerais pas d'ici. Si, bien sûr, on oublie ce léger détail : à défaut de métamorphes, je suis entouré de vrais loups. Et étrangement, pour une obscure raison, ils ne semblent pas encore prêts à me quitter.

Disons que c'est déjà ça de pris.

Je ne vais pas m'en plaindre. Pas tout de suite.

La brise fraîche du vent d'octobre me fait autant frémir que regretter de n'avoir aucun bon sweat à capuche sur le dos. Je n'ai pas subi de perte cette fois mais pour les prochaines fois, s'il y en a, je demanderai à Olivier de garder mon haut. Sérieux, je commence à en avoir marre de jouer les nudistes. Je file cauchemar après cauchemars, manque plus que mon mini moi s'amuse à faire l'hélicoptère.

J'ignore combien de temps s'est écoulé depuis ma confrontation avec Grincheux et pour être honnête, je m'en moque. Je compte bien profiter de ce répit avant de devoir refaire face à Gaston et ses chéries. Ces petits cons se sont tous amusés de la situation. Tous sauf moi, sans surprise.

Le cul vissé sur ce tapis shaggy, soit-dit en passant d'une douceur inégalable sous mes pieds nus, je frotte mes bras et détourne mon attention sur le ciel nuageux.

— Putain, on se les gèle, marmonné-je. Avec ma chance, je vais finir mort congelé.

Pour la millième fois, je survole ma nuque où désormais, à la place de la marque abjecte de George, se trouve celle d'un alpha particulièrement effrayant. Juste un peu, sans plus. Cette réflexion me provoque une grimace et un frisson d'effroi. Honnêtement, je ne sais pas ce que je préfère. Arborer la marque, même temporaire, d'un ours à la stabilité mentale douteuse et qui a tenté de me faire sien par la force ou celle d'un loup - putain de sexy et bandant - dangereux au possible et qui nourrit, certainement, des envies de me tuer dans d'atroces souffrances ? Rah bizarrement, le choix est dur. Pourquoi n'ai-je jamais le droit à une troisième option, putain ?

Une vision de Kaeden me prend de court et me coupe le souffle. Je ferme instantanément les yeux, replie mes jambes contre moi et enveloppe ma nuque de mes deux mains. Ça aurait pu être pire, tellement pire. J'ai eu ma troisième option et je l'ai subie, j'ai reçu une marque indélébile.

Mille fois, et sans hésitation, je choisis le loup. Il est bien le seul à ne pas avoir tenté le pire...

D'ailleurs, je ne peux pas totalement lui en vouloir. Sous l'excès de rage qui m'a foudroyé tout à l'heure, je suis celui à l'avoir mordu. Tout comme je suis également le premier à être surpris d'avoir fait et réussi une chose pareille, chose que je pensais pourtant impossible pour quelqu'un comme moi. Qui sait ? Je ne suis peut-être pas entièrement un vulgaire humain comme le pense mon père... Je suis capable, comme tout bon métamorphe, d'apposer ma marque sur un autre en signe de revendication temporaire. Et seulement temporaire, Dieu merci.

Je n'ose imaginer ce qui serait advenu de moi si je l'avais mordu si profondément que je l'aurais revendiqué en tant que partenaire officiel. Il aurait été mien à la vue de tous et de toutes, à jamais. Si mon cœur loupe un battement, sans aucun doute de frayeur, c'est tout simplement un grand : « non, merci ». Être lié à un fou furieux pareil ? Bien qu'on pourrait croire l'inverse, je tiens à ma vie et j'aime que ma tête soit visée sur mes épaules.

Dans tous les cas, quand bien même je l'aurais revendiqué, cela n'aurait rien changé à la situation et n'aurait strictement rien voulu dire. Le beau Gaston aurait pu faire je ne sais quoi avec je ne sais qui que je n'aurais été, à aucun moment, jaloux. Ça aurait pu être le cas, je ne le nie pas, mais seulement si j'avais été un métamorphe - mes sens auraient été nécessairement altérés et trompés par la marque.