♧La douleur peut prendre deux formes dans ce monde. Elle peut être physique, elle peut vous changer. M. McCall, The Equalizer 2.♧
Alors que je pensais que tout était perdu, que ce bébé et moi allions tomber entre les mains de ce tyran, la grosse porte en métal s'est miraculeusement ouverte. J'ai eu du mal à lever les yeux. J'ai eu du mal à y croire.
- Djavéda ?
- Shuayb..., ai-je lancé dans un murmure.
Le temps n'était pas aux retrouvailles, le prince était toujours là, près à tirer. Mon frère s'apprêtait à dire quelque chose, subitement, il jeta un œil par dessus ma tête et son regard se noircit. La seconde suivante, il s'était jeté sur Sulaym.
J'assistais à la scène complètement impuissante, je ne savais que faire. Autour de moi, j'aperçois le corps de Samir inerte et celui de Riyad, il bougeait encore, il était vivant.
J'ai déposé le bébé qui pleurait encore à l'abri, près du mur et j'ai couru vers Riyad. La balle s'était logée dans son abdomen.
- Je suis tellement désolée...Riyad...c'est ma faute...
- Non..., réussit-il à dire.
Mon frère et le prince se battaient toujours. Il fallait que je l'aide. Sulaym avait pris le dessus et Shuayb avait le nez qui saignait.
J'ai senti la main de Riyad sur mon épaule. Il me montrait une chose, l'arme de Samir qui se trouvait à quelques mètres de moi. J'ai rampé jusqu'à elle et je l'ai prise. Qui aurait crû qu'elle pesait aussi lourd ?
- Malgré toutes vos tentatives de la sauver, elle restera avec moi ! Et je lui ferais tout ce que je veux !, s'écria le prince en braquant son pistolet sur mon frère. Elle m'appartient !
Avec le peu de courage et de force qui me restait, j'ai soulevé cet arme et je l'ai dirigé vers lui. J'ai posé mon doigt sur la détente mais avais-je réellement le cran de tirer. Mes mains tremblaient, je n'y arriverais pas.
Puis j'ai pensé à ces nuits où il me battait avant d'abuser de moi.
J'ai tiré.
J'ai pensé au jour où il s'était comporté en lâche en refusant de m'aider lorsque je me faisais fouetter sur la place publique.
J'ai pensé à Samia et à Dina.
J'ai tiré.
J'ai pensé à la haine qui n'a cessé de s'accumuler en moi et qui me ronge de l'intérieur.
J'ai tiré.
J'ai pensé à Tariq, je l'aimais et je n'aurais jamais l'occasion de le lui dire.
Puis j'ai encore tiré.
J'ai pensé à moi, à ma vie détruite, à toutes ces séquelles, à mon coeur qui a été salement amoché.
J'ai tiré.
Plus de munitions...
Il était raid au sol, immobile, mort. Il ne pourra plus me faire de mal, ni me toucher, ni me battre. C'est fini...
Je me suis effondrée à mon tour. Mes larmes avaient l'air de torrents et mes sanglots me secouaient de tout mon être. J'avais mal au coeur, cependant, c'était une douleur qui faisait du bien, comme lorsqu'on retire une écharde de sa main. Mes épaules étaient à présent allégées, je respirais pour la première fois depuis longtemps.
- Il faut qu'on parte Djavéda ! Ce n'est pas un endroit sûr...
- Oui...mais...Riyad...on ne peut pas le laisser...
- Il va s'en sortir lui mais si on se fait attraper, nous serons torturés.
- Riyad..., dis-je en me dirigeant vers lui.
- Va t'en...
- Non...
- Pars...ils vont t'attraper.
Je ne voulais pas le laisser alors qu'il était blessé par ma faute, il a essayé de me défendre. Mais avais-je le choix ?
- Je ne cesserai de te remercier Riyad, tu m'as défendu...merci...
Il incline la tête l'air de dire pas de quoi.
Je prends le bébé dans mes bras et suis mon frère qui nous entraîne rapidement sur une piste. Il y'avait un petit avion qui y était, sûrement celui dont parlait Riyad.
- Shuayb j'ai peur que Riyad soit mêlé à la mort du prince... les gens vont peut-être penser que c'est lui qui l'a tué.
- Ne t'inquiète pas Djavéda, j'ai appelé quelqu'un qui viendra le chercher...
- Qui ?
- Un ami.
Il monta en premier dans l'appareil et m'aida ensuite à monter.
Avec tout ce qui m'était arrivé, j'avais appris à surmonter ma phobie des appareils volants, sur ce côté là, j'avais fait un immense bond en avant.
Je m'étais installée dans un coin, près d'un hublot. Ça n'avait rien à voir avec un avion commercial. Celui-là était rempli de cartons et de paquets. Nous avons quand même réussi à trouver une petite place avant que l'appareil ne décolle enfin.
C'est terminé maintenant, pour de vrai.
- Comment elle s'appelle ?, demanda mon frère en admirant le bébé qui dormait dans ses bras.
- Je ne sais pas, elle n'a pas de nom...pas encore.
Shuayb n'insista pas plus. Il savait à quel point c'était dur moi d'avoir accepté de la mettre au monde. J'étais prête à avorter, vraiment, mais maintenant qu'elle est là, je dois trouver une autre solution.
- Elle est tellement magnifique...j'ai l'impression de te voir...
Elle me ressemble donc à ce point ?
Je fermai les yeux, en ayant à l'esprit le fait que lorsque je l'ai ouvrirai de nouveau, ça sera dans un autre pays...
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Dituogr 🦋
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Somewhere in the world
General FictionDjavéda, une jeune djiboutienne se rend au Maroc pour approfondir sa science islamique. Trois ans plus tard, elle obtient un diplôme de mémorisation du Coran et décide de rentrer chez elle mais à cause de sa grande peur de l'avion, elle prend la déc...