Ailes Mortelles

Chapitre 18 - Fuite

Sans bouger, je regardai Merit s'enfuir, ses ailes blanches traînant derrière elle, disparaissant entre l'obscurité des arbres. Une partie de moi me criait de la suivre, de l'empêcher de s'éloigner et de la rassurer, mais l'autre partie me contraignait à ne pas laisser Nessah seule dans cet état.

Mon cœur, lui, avait cessé toute indication, se contentant de battre à un rythme effréné. Il avait eu peur, oh que oui, il avait eu peur, et maintenant il se taisait.

Je me tournai vers Ness qui fixait encore l'endroit vers lequel Merit était partie. Ses mains étaient entremêlées et se pressaient contre sa poitrine, son visage toujours aussi blême était figé comme si elle ne savait plus ce qu'elle devait penser.

— Elle s'en veut, dis-je d'un ton neutre. Elle ne voulait pas te faire de mal.

— Pourtant sans toi elle m'aurait...

La fin de sa phrase mourut entre ses lèvres, je posai ma main sur son épaule pour l'empêcher de vaciller.

Tuée.

— Oui, je sais. Mais ce n'est pas elle qui voulait ça.

— C'était qui alors ? demanda-t-elle en me regardant dans les yeux.

— Nérisse, répondis-je après quelques secondes de silence. C'est elle qui prend le contrôle lors des pleines lunes, Merit ne peut rien faire.

Le regard de Nessah se voila, ses pensées devaient être embrouillées. Elle voulait comprendre, chercher le rationnel dans cette histoire, mais son cerveau avait du mal à accepter que tout cela soit réel.

Pourtant, une chose me perturbait

— Tu l'avais compris avant, que ce n'était pas Merit, non ?

— Que veux-tu dire ? questionna-t-elle.

— Quand je l'ai... empêchée de te faire du mal, hésitai-je. Tu as crié pour que j'arrête quand Merit est redevenue elle-même.

— Oui je... c'était par réflexe. Quand j'ai vu ses yeux. Ses vrais yeux, je veux dire.

Ses yeux...

C'était aussi eux qui m'avaient fait revenir à moi, qui avaient chassé cette vague de rage et de violence que je ne comprenais toujours pas. Durant quelques instants, j'avais eu peur de moi-même, peur de ce que j'aurais pu faire si rien ne m'avait stoppé. J'avais eu envie de le faire, envie de la voir mourir. Et à cause de cela, je ne me reconnaissais pas.

Car je savais très bien qu'en tuant Nérisse, j'aurais aussi tué Merit.

— On ne peut pas la laisser comme ça ! s'écria soudainement Nessah.

Elle avait raison. Merit devait être au plus mal, se maudissant et se haïssant pour ce que Ness avait subi, même si elle n'était pas responsable des actions de Nérisse. Je savais qu'il fallait aller à sa recherche, la ramener avec nous, ou sinon elle était capable de ne pas revenir pour ne plus jamais prendre de risque. Oh que oui, Merit était capable de disparaître de la civilisation, et il en était hors de question.

Mais la simple idée de m'approcher d'elle me tordait le ventre, sensation que je n'avais pas ressentie depuis bien longtemps. Et si la rage que j'avais éprouvée revenait ? Et si je ne me contrôlais pas ?

— Askel !

Le cri de Nessah m'arracha de mes pensées noires, focalisant mon attention sur sa personne.

— Il faut aller la chercher, dit-elle fermement.

Un sourire dénué de joie effleura mes lèvres. Je reconnaissais bien là Ness à cet instant. Elle pouvait risquer sa vie, avoir la plus grande peur jamais ressentie, maintenant que le danger était écarté elle pensait aux autres. Elle ne connaissait pas Merit depuis très longtemps, mais son côté attachant avait vite eu raison de l'affection de Nessah. On remarquait assez rapidement que Merit n'était pas comme les autres, plus renfermée et plus mystérieuse, mais cela poussait certaines personnes à aller encore plus vers elle pour l'aider.