Chapitre 1 - Le loup dans la bergerie

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J'avais froid, mes forces m'avaient quittée. J'errais dans les rues vides et figées, les paupières à moitié closes. Je ne savais même pas comment je tenais encore debout, le monde qui m'entourait était devenu flou. Une légère douleur dans le dos persistait, mais je tentais de l'oublier. Les premières lueurs de l'aube envahissaient le ciel, il devait être quatre ou cinq heures du matin. J'avais l'impression que je marchais depuis une éternité, mes jambes n'allaient plus me porter encore très longtemps.

Un soulagement m'envahit lorsque je vis enfin ma maison. Le problème, c'est qu'il me restait encore à sauter jusqu'au toit pour atteindre la fenêtre de ma chambre, le tout sans faire de bruit. Je levai les yeux et fis un effort pour les ouvrir en grand. Je me concentrai jusqu'à être sûre de la distance. Pas facile avec une vision trouble.

Je rassemblai alors les dernières forces qu'il me restait et pris mon élan. Je sautai et atterris sans grâce sur le toit incliné. Je manquai de tomber en arrière et m'écroulai sur les tuiles. Ma tête bourdonnait, j'étais incapable d'évaluer le bruit que j'avais fait. J'aurais pu rester là, l'idée de me relever m'était presque difficile à envisager. Mais on ne devait pas me trouver ici, et autant ne pas être la bizarre du quartier dès mes premiers jours. Je me redressai donc avec effort et marchai le plus droit possible vers ma fenêtre. J'avais l'impression d'avancer dans de l'eau tellement mes membres me paraissaient lourds.

Je réussis enfin à ouvrir ma fenêtre et me glissai dans ma chambre. Je retirai mes baskets avec des gestes mous avant de m'affaler à plat ventre sur mon lit. Ma tête toucha à peine mon oreiller que je sombrai.

***

Une sonnerie stridente me fit sursauter. Mes yeux semblaient collés avec de la glu tellement ce fut difficile de les ouvrir. Désorientée, je pris quelques secondes pour me rappeler où j'étais. Lorsque la brume qui m'entourait se dissipa assez pour me permettre de placer deux pensées cohérentes, je pus identifier la provenance du bruit. D'un geste las, je coupai le son de mon réveil qui me faisait grimacer. Je détestais cette sonnerie qui ressemblait plus à une alarme incendie qu'à autre chose, mais je l'avais mise pour être sûre d'être réveillée. Je savais que mes musiques habituelles auraient eu du mal à me sortir de ce sommeil profond.

Tandis que le calme revenait dans ma chambre, les évènements de la veille me frappèrent de plein fouet. Avec la violence d'un raz de marée, une succession d'images fut imposée à mon esprit. Des cris de souffrance, du sang qui coulait à flots. Des larmes glissèrent le long de mes joues alors que je revivais le crime de la Chose. Je revoyais le regard empli d'effroi et de terreur de celui qui avait eu la mauvaise idée de sortir cette nuit-là. Son cri de douleur résonna une nouvelle fois dans mes oreilles, créant un écho insupportable. Je plaquai mes mains contre mes tempes comme si cela pouvait le faire taire. J'entendais à nouveau toutes ses supplications, ses plaintes qui imploraient sa pitié. Mais elle n'avait pas de pitié. À ses yeux, tuer n'était qu'un jeu.

- Je suis désolée... je ne voulais pas... murmurai-je d'une voix brisée.

Mais les images ne s'arrêtèrent pas, devenant peu à peu plus affreuses. Le sang giclait à chaque coup qu'elle lui portait, se répandant au sol et créant une mare pourpre. Les cris devenaient de plus en plus déchirants, l'homme se défendait de plus en plus faiblement. Il essayait de s'éloigner, la Chose le regardait ramper avec satisfaction. Elle aimait quand ses proies tentaient de lui échapper, ça augmentait le plaisir de la chasse. Alors elle le laissait souffrir, juste pour se délecter de cet instant. Et lorsqu'elle en avait assez, elle le tuait simplement, et l'abandonnait. De la même manière qu'on se débarrasse d'un vieux jouet trop usé.

Ailes MortellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant