Chapitre 4 - Masque

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Je courais toujours comme une folle lorsque j'arrivai enfin chez moi. Le trajet qui m'avait pris une heure en marchant dura à peine dix minutes. Je m'engouffrai comme une tornade dans la maison et me laissai tomber dans ma chambre, complètement essoufflée. Heureusement qu'oncle Henri n'était pas encore rentré...

Mes larmes finirent par jaillir. Alors que je les essuyai, je vis du sang sur ma main. Je pestai en me dirigeant vers la salle de bain. Le miroir accroché au mur me renvoya mon reflet en piteux état. Je ne savais même pas d'où provenait le sang de ma blessure, j'avais déjà cicatrisé et ma peau était complètement lisse. Dans un soupir las, je me traînai jusqu'à la douche puis m'affalai dans mon lit dix minutes plus tard, serrant ma peluche préférée dans mes bras.

Que faisait Askel dans cette ruelle à cette heure-ci ? Connaissait-il les types qui avaient agressé la femme ? Pire, était-il venu pour la drogue ?! Les hommes que j'avais mis hors d'état de nuire étaient bien des dealeurs, le sachet qui était tombé ne pouvait pas me tromper.

Askel m'avait vue, mais pas seulement. Il l'avait vue, elle.

Je n'aurais pas dû la laisser faire !

Encore une fois, je n'avais rien contrôlé, elle avait été trop violente. Qu'allais-je pouvoir dire si Askel venait me demander des explications lundi ? Il allait m'observer, voir si j'étais différente. Il fallait que je me comporte normalement, mais une personne qui rejette les autres n'a-t-elle pas quelque chose à se reprocher ? J'allais devoir me fondre dans la masse, et donc rester avec des gens. Comme toute personne normale.

Quelques heures plus tard, je fis semblant de dormir lorsqu'oncle Henri rentra du restaurant. En vérité, je n'avais pas fermé les yeux, beaucoup trop préoccupée. Il en fut de même le lendemain. Je passai mon dimanche enfermée dans ma chambre à prétendre une tonne de devoirs. J'en profitai pour rattraper les trois semaines de cours que j'avais manquées, mais cela ne me suffit pas pour oublier.

***

Lundi arriva beaucoup trop vite. Le cœur battant la chamade, je dus me faire violence pour franchir les grilles du lycée au lieu de faire demi-tour et partir en courant. Je devais éviter Askel le plus possible, et surtout ne pas être seule. Il n'allait pas parler de ce qu'il avait vu devant tout le monde, si ? Du moins je l'espérais fortement. J'avais donc peut-être une chance d'éviter la confrontation si je restais avec des gens. Ce raisonnement pouvait paraitre idiot, mais c'était tout ce que j'avais.

Après un passage éclair au casier, je me précipitai presque en courant jusqu'à ma classe d'histoire. Le sourire bienveillant d'Alisha m'accueillit, et une vague de culpabilité m'envahit. Je l'avais totalement ignorée vendredi dernier à la fin du sport, et je comptais maintenant me servir d'elle pour m'éviter des problèmes. Je me dégoûtais moi-même.

Ali me désigna la place libre à côté d'elle, et pour la première fois depuis qu'elle me le proposait, je m'y assis. Elle se pencha vers moi pour me faire la bise, je forçai un sourire.

— Salut, tu as passé un bon week-end ? demanda-t-elle.

— Oui ça va, mentis-je. Et toi ?

— Super ! On n'avait pas beaucoup de devoirs à faire, c'était cool.

Le prof entra alors dans la classe et le volume sonore baissa d'un cran.

— Et à propos de vendredi... commençai-je discrètement. Je suis désolée.

Je ne savais pas pourquoi je ressentais le besoin de m'excuser, alors que j'allais probablement mettre de la distance entre nous dès que la menace d'Askel se serait éloignée.

Ailes MortellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant