Chapitre 20 - Précipice

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J'observais les particules de poussières virevolter dans le rayon de soleil qui traversait la fenêtre. Depuis combien de temps ? Je n'en avais pas la moindre idée. Mes membres ankylosés me criaient de bouger, mais je n'en avais pas envie. Cela faisait plusieurs heures que j'étais allongée sur le canapé miteux qui me semblait à présent trop dur. Le soleil avait depuis bien longtemps inondé la vieille cabane de lumière ; je n'avais eu aucune réaction.

Je n'étais pas rentrée chez moi la veille, et cela faisait presque une journée que je m'étais réfugiée dans la cabane cachée en forêt. J'essayais de ne pas penser à oncle Henri, et me répétais sans cesse qu'il était plus en sûreté sans moi. Mais mon cœur était emprisonné dans un étau qui ne se desserrait pas.

Une sortie. Je m'étais autorisé une sortie après tout ce temps de solitude... et il avait fallu que je tombe sur un fou furieux qui n'avait pas digéré de s'être fait larguer. Et bien sûr, Victoria avait tout vu...

Quelle merde...

Je n'étais pas faite pour ce monde, voilà tout.

Épuisée, je me retournai et enfouis mon visage dans la mousse qui s'effritait.

***

Lorsque j'ouvris à nouveau les yeux, l'obscurité m'entourait. Je pris quelques secondes avant de discerner des formes dans la pénombre et de me redresser. Mon ventre se tordait de faim, mais je l'ignorai. La nuit était enfin arrivée, je me sentais mieux. Je pouvais me cacher, me fondre dans les ombres, ne plus croiser personne.

À pas lents, je sortis de la cabane. Les hauts sapins qui s'étiraient jusqu'aux étoiles s'étendaient à perte de vue devant moi.

Le bruit du vent dans les branches, le murmure des animaux, le silence de la ville... J'avais fini par apprécier tout ça.

Mais un son me manquait. Je voulais l'entendre, je voulais le contempler.

Sans hésitation, je m'élançai vers la forêt. Les sens aux aguets, j'évitais chaque arbre avec précision, contournais chaque animal. Mes pieds martelaient la terre avec vigueur, toujours plus vite ; j'avais presque l'impression de voler. Les branches trop basses et les buissons épineux me griffaient les joues et les jambes, mes blessures se refermaient aussi vite que de nouvelles apparaissaient. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine, mon souffle rapide me brûlait la gorge, mais mes jambes ne faiblissaient pas. Cette sensation de vitesse était grisante, et c'était probablement le seul pouvoir que j'appréciais.

Je finis par arriver à destination au bout de longues minutes de course intense. Je freinai brutalement, la respiration sifflante, à quelques centimètres du bord de la falaise. Le bruit des vagues grondait devant moi, s'écrasant contre les parois en contre bas. Cette falaise était devenue mon refuge. Mes pieds n'étaient qu'à quelques centimètres du vide. Encore un pas, et tout serait terminé. Pouvoirs ou pas, ils ne pouvaient pas me sauver de la noyade. Tout pouvait s'arranger, plus aucune souffrance, plus de monstre.

Il suffisait d'un pas...

Un pas, et les vagues m'engloutiraient. Un pas, et cette eau salée s'infiltrerait en moi, coupant tout oxygène. Un pas, et mon corps s'enfoncerait dans les profondeurs glacées.

Un pas, et ce serait la paix.

***

Askel

J'encaissai l'argent de la dernière guitare que je venais de vendre. L'horloge murale affichait dix-sept heures, Jim était censé arriver. Mais le connaissant, je pouvais encore attendre un petit moment avant de voir un bout de dreads.

Saisissant une guitare sèche, je m'assis dans le vieux fauteuil de la boutique et commençai à jouer. Je n'aimais pas le faire devant des gens, car la musique me plongeait dans un autre monde. Un monde que je ne voulais pas partager. Les notes naissaient sous mes doigts, à chaque corde pincée, créant des sons différents. Vidant mon esprit, je me concentrai uniquement sur mon instrument, perdant la notion du temps.

Ailes MortellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant