chapitre 4

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Il faisait un soleil brûlant ce jour-là. Les parents avaient décidé de rester dans le logement pour faire la sieste. A l’époque, je ne comprenais pas ce que cela pouvait signifier. J’avais douze ans, ma sœur deux ans de moins que moi. Nous avions chaud, alors nous avions emprunté le chemin tortueux qui menait à la rivière. Nous riions tandis que, l’une après l’autre, nous buttions contre les rochers et les pierres. « Pas douée ! », je m’étais écriée en m’esclaffant.

 Elle m’avait d’abord regardée méchamment, puis un sourire narquois s’était dessiné sur ses lèvres quand elle m’avait poussée plus avant dans la pente. J’avais légèrement trébuché, puis m’était relevée et avait dévalé la pente, la plantant là. Les grillons fredonnaient leur mélodie incessante, et, les pieds nus plein de terre, je m’étais jetée dans le premier trou d’eau venu. Mes parents aimaient bien la France, c’était un endroit magnifique pour passer ses vacances. Ces derniers jours, nous avions fait des ballades en canoë sur le Verdon, j’avais trouvé ça plus qu’amusant. Il suffisait d’esquiver les rochers et suivre les courants, de se laisser porter. Sachant que c’était l’avant dernier jour, tout le monde était exténué, sauf nous deux bien sûr.

Mary m’avait rejoint dans le trou d’eau cinq minutes plus tard. Peu de temps après, elle s’était exclamée :

-Ca te dirait d’aller un peu plus bas explorer la rivière ?

-C’est dangereux, Mary, avais-je répliqué.

-Allez viens, m’avait-elle suppliée.

Nous avions d’abord évité les rochers et puis, plus hardies, nous nous étions glissées dans les courants. Une autre partie de la rivière, puis une autre. , toutes aussi fascinantes. Pendant ce qui m’avait semblé quelques minutes, nous crapahutions toujours un peu plus loin. Et puis nous nous étions arrêtées devant un courant très puissant. J’avais refusé d’aller plus loin :

 -« C’est de la folie ! Moi je reste là ! Toi aussi tu devrais ! »

Elle m’avait observé d’un air moqueur.

-« J’ai toujours été la plus courageuse de nous deux ! »

J’avais levé les yeux, mais je ne crois pas que j’étais inquiète. Elle s’était levée sur un rocher puis avait simplement sauté. Au début, elle souriait d’un air victorieux, mais petit à petit, elle s’était rendue compte qu’elle ne pouvait pas lutter contre la force qui l’amenait en aval.

« -Eden !

-Mary ! »

-J’arrive pas à revenir ! »

Paniquée, je me précipitai, contournant les roches couvertes de mousse qui glissaient sous mes pieds et m’écorchaient les genoux dès que je tombais.

« -Eden ! », elle pleurait désormais. Ses sanglots résonnaient dans ma tête. Et puis plus rien, un silence assourdissant.

-Mary ! Mary !, je hurlai à présent, j’arrivai à son niveau, par chance, elle était dans un trou d’eau, sans courant. Mais elle était inconsciente. Je la tirai de l’eau et la posai délicatement sur la berge de galets. Je m’approchai de sa poitrine afin de vérifier ses battements et sa respiration. Rien. Le silence. L’angoisse m’étreignit la poitrine et me tordit en deux. Les sanglots commençaient à s’emparer de moi sans que je ne puisse rien faire. Il fallait que j’agisse.

Je courus pendant cinq minutes jusque mes parents et tentai difficilement de leur rapporter la situation. Mes mots traversaient à peine ma bouche, je murmurai. Le temps que l’on arrive jusqu’à ma sœur me donne une impression de flou, de ralenti. Je suis détachée du temps, je n’entends pas mes parents pleurer, juste leurs visages grimacer de douleur et de chagrin, d’angoisse. Je les regarde, et j’ai quand même le regard dans le vide. Je veux fuir. Ils appellent les pompiers. On court, encore. Mais ma sœur n’est plus là. Son corps a disparu.

 #louise

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