VI

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 ❄Let's go below zero and hide from the sun

Les années passèrent ainsi, de manière frivole et insouciante. Shoto restait chez lui, protégé des germes et des microbes qui régnait au dehors de sa maison aux rideaux rouges, et Izuku lui rendait visite, affrontant les températures les plus extrêmes, en hiver ou en été, pour les beaux yeux de son bonhomme de neige. Arrivé au collège, sa mère avait pris l'initiative de lui offrir un vélo neuf. Il lui permettait de rejoindre son établissement plus vite, mais surtout, de retrouver Shoto plus tôt à la sortie des cours.

Izuku parlait de lui tous les soirs pendant le dîner. Sa mère l'écoutait attentivement. Elle avait compris que son fils n'éprouvait pas seulement de l'amitié pour ce garçon qui s'appelait Shoto. Il était clair qu'il était complètement épris de lui. Au début, sa mère avait pensé que ce béguin n'était que passager. Après tout, les enfants de son âge ne tombent pas réellement amoureux. Ils peuvent éprouver une certaine attirance pour un camarade, mais ils passent à autre chose au bout de quelques semaines.

Elle fut ainsi surprise en entendant son fils continuer de lui parler de Shoto après plus d'un an à le côtoyer. Ce coup de foudre n'avait rien d'ordinaire, n'importe quel autre enfant se serait lassé de cette étrange relation. Pourtant, Izuku continuait de rendre visite à son ange, jour après jour. Le soir, il lui contait ce qu'il avait fait avec Shoto avec le même entrain et la même passion que lors de leur rencontre. N'importe quel parent se serait inquiété, au bout d'un moment. Madame Midoriya n'avait jamais rencontré Shoto, ni même sa mère. Elle voyait à peu près où se situait sa maison grâce aux descriptions de son fils, mais ça n'allait pas plus loin.

Cependant, Inko n'était pas comme les autres parents. Elle avait élevé son fils seule, et lui avait très rapidement appris à devenir autonome. Elle avait confiance en lui. Elle ne voulait pas lui ôter ces étoiles qui brillaient dans son regard lorsque le prénom de Shoto sortait de sa bouche. Au contraire, elle voulait même encourager leur relation. C'est ainsi que l'idée de lui offrir un vélo pour l'anniversaire de ses onze ans lui traversa l'esprit.

Izuku ne se lassa jamais de pédaler pour rejoindre le chérubin de la maison aux rideaux rouges. Qu'importe les années qui passaient, aucun des deux ne s'ennuyait de l'autre. Izuku avait toujours un anecdote à raconter sur une gaffe qu'il avait faite ou sur ses nouveaux amis. Il lui parlait d'Ochako, son amie toujours souriante et de Tenya, son ami toujours sérieux. Il évoquait également Katsuki, parfois. Une brute qui s'amusait à le bousculer dans les couloirs. Shoto regrettait alors d'être trop faible pour aller au collège, trop faible pour protéger son ami qui lui était devenu si cher.

Être enfermé avait commencé à le ronger. Si étant petit, rester chez lui ne le dérangeait pas — il préférait jouer dans son coin plutôt que de mettre le nez dehors —, désormais, il détestait être obligé de rester dans sa chambre alors qu'Izuku était dehors et s'amusait avec des gens qu'il ne connaissait pas. Il voulait être avec lui, rencontrer ses amis, le protéger de ce Katsuki qu'il détestait déjà. Mais comment faire avec cette maladie qui l'empêchait de sortir au risque de mourir ? Comment faire pour protéger Izuku s'il ne pouvait pas déjà se protéger lui-même ?

Cette chambre, ces rideaux rouges, tout cela lui était de plus en plus insupportable. Il voulait rejoindre Izuku. Il voulait découvrir les jardins où il cueillait les fleurs au printemps, marcher dans la forêt dans laquelle Izuku trouvait les châtaignes en automne. Il voulait grimper à l'arbre de son jardin, manger avec lui les cerises qu'il lui ramenait. Il voulait apprendre à faire les bonshommes de neige qu'il lui construisait en hiver.

Il voulait vivre, tout simplement.

Alors un jour de printemps, Shoto sauta le pas. Littéralement. Il avait ouvert ses fenêtres en grand, était monté sur le radiateur juste en dessous, et avait rejoint Izuku dans son jardin. Ça faisait des années qu'il n'était pas sorti de chez lui. À vrai dire, Shoto ne se souvenait même pas de la dernière fois où ses pieds avaient rencontré la fraîcheur de l'herbe verte en fin d'après-midi. Izuku l'avait regardé faire, les yeux ébahis.

Shoto se tenait devant lui, il n'avait jamais été aussi proche. C'était la première fois qu'Izuku pouvait le contempler de la tête au pied. Ça le blessa un peu dans son ego de constater que son ange le dépassait de plus de cinq centimètres.

— Je, euh, tu es sûr que ça va ? Tu n'as pas froid ? balbutia Izuku qui n'avait pas l'habitude d'autant de proximité.

— Je ne me suis jamais senti aussi bien.

Et il disait vrai. C'était la première fois qu'Izuku voyait ce sourire sur ses lèvres. Un sourire si sincère, si heureux. Cette vision était dure à supporter pour son cœur qui s'emballait au fur et à mesure de sa contemplation. Son regard, qui détaillait jusque là le corps de Shoto dans les moindres détails, finit par s'attarder sur cette tâche autour de son œil. Elle avait largement grossi depuis l'école primaire, et s'étendait désormais jusqu'au dessus de son œil gauche.

— T'es sûr que ça va aller, pour ta maladie ?

 — J'ai été surprotégé toute ma vie. Je ne vais pas te dire que je ne suis pas en sucre, pour la simple et bonne raison que j'ai parfois l'impression de n'être résumé qu'à ça. Un tas de sucre qui pourrait être balayé par un petit courant d'air. Mais il fait bon, il n'y a pas de vent, et aujourd'hui, je ne compte pas aller plus loin que le portail de mon jardin. Donc je pense que ça devrait aller, oui.

SnowmanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant