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 ❄I want you to know that I'm never leaving

L'ange réapparut. Izuku se demanda pourquoi c'était à cette image qu'il l'identifiait. Il n'avait pourtant rien de chaleureux, c'était tout le contraire. Même le regard noir de sa maîtresse n'arrivait pas à la cheville du regard de glace que lui adressait ce curieux garçon. Mais c'était cette aura qu'il dégageait, cette apparence angélique qui lui rappelait la beauté irréelle de ces créatures divines.

Le bonhomme de neige grandit un peu, comme s'il s'était mis sur la pointe des pieds, et enclencha la poignée pour ouvrir la fenêtre. Il ne l'avait pas complètement ouverte pour ne pas trop entrer au contact du froid, mais cet espace était suffisant pour pouvoir communiquer sans avoir besoin de crier.

— Je m'appelle Shoto.

Izuku ouvrit de grands yeux. Sa voix cristalline avait résonné dans son cœur. Izuku avait l'impression de se trouver au paradis et qu'un véritable chérubin venait de daigner adresser la parole au simple mortel qu'il était. Sa réponse avait beau avoir été prononcée sur un ton las, elle réjouit Izuku dont le sourire rejoignit les deux oreilles.

— Moi, c'est Izuku ! Dis, tu crois qu'on pourraient devenir amis ?!

Les joues blanches de Shoto se teintèrent de rouge. Son visage ressemblait désormais à ses cheveux sucre d'orge.

— Pourquoi voudrais-tu devenir ami avec quelqu'un comme moi ?

— Parce que je te trouve magnifique !

Et Izuku le pensait. Même si pour lui, aucun mot n'était capable de décrire sa beauté avec exactitude tant celle-ci était éblouissante. Il aurait beau écrire mille mots sur son apparence, ça ne suffirait toujours pas pour exprimer l'ardeur qu'il ressentait lorsqu'il posait ses yeux sur lui.

— Les morts ne sont pas magnifiques, Izuku. Mais merci, c'est la première fois qu'on me dit quelque chose d'aussi gentil.

Sur ces dernières paroles, Shoto ferma la fenêtre, remit les rideaux rouges en place, et disparut derrière eux.

Les pieds d'Izuku étaient désormais recouverts de neige. Il était resté planté là longtemps, à se demander quel sens pouvait bien avoir les mots de cet ange qui semblait trop triste pour être un enfant. Shoto avait beau faire la même taille que lui, il ne ressemblait pas du tout à ses camarades d'école. Il avait l'air beaucoup plus mâture qu'eux. Qu'avait-il bien pu vivre pour avoir des yeux aussi vides et dépourvus de ces étoiles qui animent le regard de tous les enfants ?

C'est sur cette première et singulière conversation qu'Izuku décida de revenir le voir tous les jours. Ce garçon aussi froid qu'un bonhomme de neige semblait avoir un cœur de glace qui se serait brisé en mille morceaux, et c'est justement ce qui intriguait Izuku. Il voulait percer ce secret qui l'entourait, comprendre pourquoi il agissait comme un fantôme. Mais surtout, il voulait faire fondre son cœur comme lui avait faire fondre le sien.

 ❄❄❄

 — Qu'est-ce que tu fais ? demanda Shoto en observant les deux bonshommes de neige qui se trouvaient sous sa fenêtre.

Izuku, qui venait de planter deux brindilles dans le ventre blanc du premier bonhomme pour lui faire des bras, se tourna vers Shoto pour lui sourire de toutes ses dents.

— Je me suis dit que tu devais te sentir seul, à être enfermé ici toute la journée. Alors je t'ai fait deux amis.

— Ils ressemblent plus à des tas difformes qu'à des amis.

Izuku le prit comme une insulte à ses talents de façonneur de bonshommes de neige. Il y avait souvent de la neige dans la région, alors Izuku était habitué depuis tout petit à construire des forts ou à se lancer dans des batailles de boules de neige avec ses camarades. Il avait accumulé pas mal d'expérience, avec le temps. Il était fier des progrès qu'il faisait tous les hivers, et ses bonshommes de neige étaient de loin les plus beaux de toute l'école primaire. Les comparer à des tas difformes le blessait dans son ego.

— Tu pourrais être plus gentil avec moi !

— Pourquoi faire ? Les morts n'ont pas d'obligation.

— Mais tu n'es pas mort !

— Pas encore.

Qu'est-ce qu'Izuku pouvait bien répondre à ça ? Il se demandait d'ailleurs pourquoi cet ange plus beau que le paysage hivernale semblait tant obsédé par le repos éternel. On lui avait toujours dit qu'il avait la vie devant lui, qu'il était jeune et que la mort n'arrivait qu'aux personnes âgées ou aux malades. Shoto n'était pas vieux, il devait avoir son âge. Alors il était malade ? Mais ce n'était pas un rhume qui allait le tuer ! À force de réfléchir à son secret, le cerveau d'Izuku allait finir par fulminer et faire fondre la neige qui s'était déposée sur son bonnet.

Bien que vexé, Izuku poursuivit sa création. Il n'était cependant pas aussi doué que Shoto pour dissimuler ses émotions derrière un visage impassible, alors il garda une moue bougonne jusqu'à la fin de l'élaboration de ses amis neigeux. Il planta deux autres branches dans le ventre du second bonhomme, leur glissa deux glands chacun en guise de paire d'yeux et leur enfonça une dernière brindille au milieu du visage en guise de nez.

 — Tu trouves toujours qu'ils ressemblent à des tas difformes comme ça ?! Parce que laisse-moi t'apprendre une chose: je suis le créateur de bonhomme de neige le plus doué de l'école, alors à la place de critiquer mes chefs d'œuvre, tu devrais te sentir fier d'avoir le privilège de posséder ces deux bonshommes de neige sous ta fenêtre !

Shoto le regarda avec des yeux étonnés. Il considéra Izuku pendant de longues secondes. Ce n'était que de vulgaires boules de neige empilées les unes sur les autres, alors pourquoi semblait-il les prendre autant à cœur ? Sa réaction lui passait au-dessus de la tête. Néanmoins, il devait reconnaître qu'Izuku s'était donné du mal pour lui construire ces deux... amis. Alors peut-être bien que oui, ça valait la peine de le remercier.

— Tu es bizarre.

— Comment ça ?! s'emporta Izuku. C'est toi qui es bizarre, à ne pas apprécier mes bonshommes de neige à leur juste valeur !

— C'est vrai. Merci, Izuku.

SnowmanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant