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Antonin et moi sommes allongés sur le canapé, devant la télé. Notre position peut sembler bizarre, en même temps personne d'extérieur n'est censé nous voir. Nous sommes en caleçon. Il est allongé sur moi, sa tête contre mon torse. Je lui caresse doucement le dos pendant que nous regardons une émission débile. Je ne ferais évidemment cela avec aucun autre mec. Mais il s'agit de mon meilleur pote, il vient de vivre un moment difficile et il a besoin d'affection, de réconfort. Je serais prêt à tout pour lui.

– Je n'ai pas envie de retourner au travail.

– Tu peux encore prendre quelques jours.

– Non, Julien, je ne veux plus jamais y retourner.

J'aurais quand même dû prendre des cours de psychologie. D'ailleurs, j'aurais dû écouter les autres et choisir le métier de psychologue. Selon beaucoup de nos amis, j'ai une sorte de don pour ça. C'est vrai que les gens viennent assez facilement se confier à moi. Je sais rarement quoi répondre, je n'ai pas toujours les paroles qu'il faut. Mais la base du métier de psychologue c'est l'écoute, les gens ont besoin de parler. Après, il faut leur apporter des solutions, les aider, les rassurer, c'est ce que j'aurai dû apprendre.

– Toujours à cause de ce qu'ils auraient vu en fouillant dans ton ordinateur ? Ce sera juste un mauvais moment à passer.

– Je sais, mais en réalité je n'aime pas du tout mon job. Il ne me donne pas envie de me lever le matin, j'y vais à reculons, je m'ennuie.

– D'accord, mais qu'est-ce que tu voudrais faire ?

– Je ne sais pas.

Je me relève, et force donc Antonin à bouger. Ce n'est pas pratique d'avoir une discussion, surtout sérieuse, quand on est allongé l'un contre l'autre.

– Je vais être très moralisateur, mais tu ne peux pas te retrouver simplement au chômage.

– Je sais, j'ai un loyer à payer, les impôts, les factures, les courses. Mais je n'ai vraiment pas envie d'y retourner.

– Tu as un projet ?

– Non, je n'ai envie de rien en fait.

C'est sans doute normal de dire ce genre de chose après une grosse dépression, qui n'est pas terminée, juste suspendue.

– Bon, on va faire un petit exercice très simple pour t'aider.

– Je t'écoute.

– Ferme les yeux.

Il obéit, il est très sage, il est complètement manipulable. Ce n'est pas une bonne chose, je préfère quand il se montre fort, direct et qu'il n'arrête pas de me contredire. C'est le Antonin que je connais, c'est chez lui un bon signe. Là il est faible, totalement vidé de son énergie.

– Maintenant, imagine que tu as réalisé tous tes rêves, ceux que tu as depuis l'adolescence. Si tu avais suivi ton instinct, qu'est-ce que tu ferais aujourd'hui ?

– Je ne sais pas.

– Bien, alors revenons à l'époque de nos études. Tu voulais faire coach sportif. Tu aurais accepté d'être prof de sport dans un lycée ?

– Non.

– Tu aurais voulu entraîner des sportifs de haut niveau ?

– Non.

– Quel était le plan ?

– Faire du coaching individuel. Être indépendant, proposer mes services à des particuliers. Peut-être aussi les accompagner dans une salle de sport. Pas être embauché par une salle, rester en free-lance, mais avoir l'autorisation de coacher des sportifs pour la musculation ou autre.

Refaire surfaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant