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Une grande discussion commence souvent par un long silence. De son côté, il faut qu'Antonin se prépare à me raconter tout un pan de sa vie que je n'ai jamais soupçonné et qu'il n'a jamais osé m'avouer. De mon côté il faut que je me prépare à entendre ce qu'il a à me dire et que certainement j'aurai dû comprendre depuis longtemps.

– Je ne sais même pas par quoi commencer.

– Bah, peut-être par l'élément déclencheur. Je sais qu'on ne choisit pas sa sexualité, qu'on naît avec une préférence. Mais on a vécu deux enfances totalement identiques. La même éducation, la même instruction, les mêmes goûts pour la musique, les jeux vidéo ou le sport. À quel moment tu as réalisé ?

– Je ne peux pas dater précisément, mais vers treize ou quatorze ans j'ai commencé à me rendre compte que j'étais plus attiré par le corps des hommes que des femmes.

– Qui a été ton premier fantasme ?

– Je crois bien que c'était Luc.

– Qui ?

– Il est arrivé en cours d'année, pendant la cinquième.

– Ah oui, je ne lui ai jamais trop parlé.

– Il s'est développé plus rapidement que nous. Il était bien foutu, viril, sexy et avec une gueule d'ange.

Il était pas mal, oui, mais totalement effacé. Je crois que j'ai dû lui adresser la parole deux fois en tout et pour tout.

– Et puis, son côté solitaire, ténébreux. Je l'admirais beaucoup.

– Mais tu ne lui as jamais parlé.

– Non, je n'osais pas. Toi tu ne semblais pas trop l'apprécier et je ne savais même pas comment m'y prendre.

Ouais, voilà que ça va être ma faute si Antonin a loupé la première amourette de sa vie. Ce n'est pas que je n'appréciais pas Luc, juste qu'il était effectivement solitaire, toujours dans son coin et que je n'allais pas non plus forcer une amitié. Je l'avais même totalement oublié, c'est dire si je ne risquais pas d'en faire un pote.

– Je pensais souvent à lui. J'ai eu mes premières excitations en visualisant son corps.

– Vraiment ?

– Bah oui, quand on était dans le vestiaire, avant et après le sport, je pouvais voir beaucoup de détails. Il était musclé, bien gaulé, parfait.

J'ai compris, c'était le représentant d'Apollon sur terre, inutile d'en faire tout un plat.

– Je n'ai jamais pu voir la partie la plus intéressante, on gardait tous nos slips, mais j'ai toujours eu assez d'imagination pour recoller les morceaux.

– Tu l'as revu ?

– Euh, non.

– Je ne sais pas, peut-être qu'il est gay aussi et que vous auriez pu vous croiser sur un site de rencontres.

Ce qui m'est arrivé avec certaines copines du lycée.

– Un jour, pour passer le temps, j'ai fait une recherche sur Facebook. Il n'habite plus dans le coin, apparemment il a trouvé un job à Hong Kong. Et, toujours selon le réseau social, il est marié, à une femme.

Parce que de nos jours il faut préciser...


Je bois plus qu'Antonin. Non pas que cette discussion soit plus difficile pour moi que pour lui, bien au contraire, mais il hésite à trop se laisser tenter par l'alcool, sa dernière grosse gueule de bois est encore récente ! Je ne sais évidemment pas quelles questions poser. Ce n'est pas un interrogatoire, il n'y a pas une liste de cases à cocher. Mais Antonin attend que je demande plus de détails et de mon côté je n'ai aucune idée de ce que je peux demander. Comme je n'ai rien vu venir, je n'ai aucune préparation.

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