Chapitre 11

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Et tout continua de la même manière pendant le mois d'Octobre. Yuu s'était renfermé sur lui-même, comme au début de notre relation. Je savais qu'il y avait quelque chose d'horrible dans sa vie, mais je ne savais pas quoi. Et ce quelque chose allait bientôt le faire craquer. Moi, je m'en faisait pour lui. Beaucoup. Alors comme un idiot, je ne disais presque plus rien pour ne pas involontairement le froisser. 

Et c'est dans cette situation qu'arriva le 31 Octobre. 

Ce jour-là, j'ai essayé de parler à Yuu. Lors de la pause de midi, je suis allé sur le toit car j'étais sûr qu'il y serait. Lorsque que je passai la porte, je le vis accoudé au garde-fou avec ses écouteurs dans les oreilles. Je m'approchai de lui et m'accoudai à coté de lui. Nous sommes restés dans le silence quelques instants avant que je me lance.

— Yuu, je vois bien qu'il y a quelque chose qui ne va pas... Tu veux en parler ?

— Tout va bien Mika.

— Alors pourquoi tu fais un retour dans le passé et tu te fermes à moi ? Je pensais que tu savais que tu pouvais tout me dire...

— Il ne s'agit pas seulement de toi Mika. Et même si je te disais, tu ne pourrais pas comprendre.

— Si tu ne me dis rien, c'est sûr que je ne pourrais rien comprendre Yuu. S'il te plaît, au nom de l'amitié que nous avons construit, Yuu...

Une erreur. J'avais fait une erreur, lui demander au nom de notre amitié. Ça revenait tout simplement à lui dire que s'il ne me disait rien, autant s'arrêter là. Je tentai immédiatement de me rattraper.

— Enfin, je veux dire...  on est amis donc on se fait confiance, non ? Moi je te fais conf...

— La ferme Mikaëla.

Un ton sec et mon prénom. J'avais merdé, et ma vaine tentative de me rattraper n'avait fait qu'empirer les choses.

— Au nom de notre amitié ? Quelle amitié Mikaëla ? Celle où tu te renferme autant que moi ? Celle que tu mets en avant pour... Pour me soutirer des informations alors que j'ai clairement dit non ? Laquelle, Mikaëla ?

Je ne pus répondre, car il n'y avait aucune bonne réponse. Même le silence me coûterait cher.

— C'est bien ce que je pensais, Mikaëla. Tu parles au nom d'une amitié qui n'a jamais existé. Je dois m'en vouloir qu'à moi d'y avoir cru jusqu'à maintenant.

— Alors t'y a cru ?

— Plus maintenant. En faites, tu es comme les autres. Tu es un de ces innombrables petits vermisseaux qui veulent contenter tout un monde au nom de sentiments répugnants. L'amitié, l'affection... l'amour. Et oui Mikaëla, j'avais commencé à y croire à ça aussi. J'allais te parler de tout, j'ai hésité à ne plus avoir aucun secret et à tout te dire. J'ai bien fait d'attendre.

Une larme perlait le long de sa joue. Moi aussi, une larme perlait le long de la mienne.

— Tu sais quoi Mikaëla ? Oublies-moi. Je n'ai pas besoin d'un clone de plus dans mon entourage.

Et il partit sur ces mots, m'abandonnant en pleurs sur le toit. Toit sur lequel je passai le reste de la journée à pleurer. J'avais tout foiré.

Lorsque j'eus enfin épuisé toutes les larmes de mon corps, il faisait déjà nuit. J'allais franchir la porte pour partir lorsque j'entendis quelqu'un monter. Qui cela pouvait-il bien être ? Je me cachais dans la pénombre dans un coin du toit et observai. Yuu franchit alors la porte, un rectangle blanc à la main. Il alla s'accouder au garde-fou quelques instant, regardant la pleine lune. Il déposa le carré par terre et enleva ses chaussures avant de les placer dessus.

J'étais tétanisé. Je me doutais de ce qu'il allait faire. Il fallait que je l'arrête mais mon corps ne voulait pas bouger. Il passa une jambe par-dessus le garde-fou, puis l'autre suivie. Il prit son téléphone, tapa quelque chose avant de le ranger. Mon téléphone vibra et je lu le message. Il était de Yuu et disais "Viens me rejoindre, j'aimerais te parler".

Mes jambes décidèrent enfin de bouger. Je sortis lentement de la pénombre et fis tinter la chaîne de la porte en faisant mine de sortir. Mieux valait ne pas trop le surprendre.

— Yuu, tu m'as demandé de venir ?

— Mika ? Tu es juste un peu en avance, c'est dommage... 

— Yuu...? Tu fais quoi ?! Reviens là !

Il ignora ce que j'avais dit pour répondre à la question que j'avais posé plus tôt.

— Mika, tu sais, je voulais te parler un peu avant le grand saut. Tu sais, tu as toujours été là pour moi depuis cette année et je voulais te remercier. Bien que j'ai tout gâché ce midi, j'espère que tu me pardonneras... Si tu veux bien m'écouter, je vais tout te raconter.

— Yuu, t'as rien gâché, c'était de ma faute... mais j'aimerais que tu reviennes de mon côté avant de t'écouter, c'est possible ?

— Non Mika. Comme tu dois t'en douter, je suis orphelin. Dans mon orphelinat, on est tous maltraités et en voulant protéger tout le monde, j'ai fait un pacte avec la directrice afin qu'elle ne frappe que moi. Je l'ai fait il y a longtemps, pour aider un orphelin qui avait mon âge à l'époque...

Je le savait tout ça

— ... Et tu te souviens quand tu m'as secoué comme un prunier alors que je dormais la dernière fois ? J'ai été battu parce que je suis rentré trop tard. Mais elle a fait assisté une autre orpheline à ma sanction, c'était horrible. Mais le pire, c'est qu'en rentrant aujourd'hui, j'ai surpris la directrice en train de frapper un autre orphelin. J'ai servi à rien Mika, je suis inutile. Je me suis persuadé que ce que je faisais était suffisant, que j'étais un sauveur et que les orphelins m'appréciaient pour ça. Mais non, Mika. Rien de tout ça n'est vrai. Même en tant qu'ami, j'ai échoué, Mika. Je ne suis la priorité de personne, la voilà la vérité. Je ne mérite personne. Et personne ne te mérite Mika, surtout moi.

C'était horrible d'entendre à quel point il était brisé. Surtout lui.

— C'est pas vrai Yuu ! Tu...

— Je suis un monstre, Mika ! Je suis un monstre d'égoïsme. Je n'ai pas tenté de sauver tout ces orphelins pour rien. Je l'ai fait par égoïsme, car je voulais être reconnu pour ça ! Et j'ai tellement honte. Mais surtout, combien d'orphelins ont encore plus souffert par ma faute ? Je n'en sais rien, mais sûrement plus que je ne pourrais compter. L'enfer m'attends Mika, et je te souhaite la plus belle des vies au Paradis. 

— Tais-toi, Yuu ! Ne dis pas ça quand tu m'as sauvé moi ! Ce gamin pour lequel tu as fait un pacte, Yuu... Ce gamin, c'est moi. Alors je t'en prie, je t'en supplie, ne m'enlève pas mon sauveur et ami, Yuu.

Je vis sur son visage que mes mots avaient fait l'effet d'une bombe. Il ne m'avait pas reconnu mais moi oui. Il consentit enfin à repasser du bon côté et s'écroula à genoux.

— J'ai faillis faire... ça. Je... Je... Je suis désolé, Mika. Je suis heureux que tu sois devenu ce que tu es.

Il esquissa un sourire que ne me laissa pas indifférent, le rouge me monta aux joues.

— Tu es devenu si sympa, si souriant, si plein de vie... si beau. Mais, tu rougis mon Mika ?

— Si seulement tu savais l'effet que tu me fait Yuu...

Et je sautais à son cou pour l'embrasser. Nous passâmes le reste de la nuit dans les bras l'un de l'autre à nous raconter nos vies, à s'embrasser et à nous dire combien l'autre nous avait manqué et combien on l'aimait.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 06, 2021 ⏰

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