Chapitre 6

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Quand j'arrive à l'orphelinat, je suis accueilli par une directrice furieuse.

— Oh... mais qui voilà ? Le petit Yuichiro qui rentre si tard.

Elle a accentué le "si tard"... On dirait que ça va être la raison de mon passage à tabac du jour.

— Oui Madame, veuillez m'excuser Madame.

Je ne peux pas lutter contre elle. Déjà parce qu'il risque d'y avoir des victimes parmi les autres orphelins, ensuite parce que je n'ai pas d'autres lieux où vivre, comme les autres orphelins. J'ai déjà tenté de prévenir la police. Ils ne m'ont pas cru. Ils sont venus vérifier mes dires, mais la directrice a pu, par je ne sais quel moyen, tout leur cacher. Et bien sûr, elle m'a sanctionné, plus durement qu'à l'accoutumée, dès leur départ et pendant une semaine durant.

Il ne me reste plus aucun recours, et je ne veux impliquer personne. Je fais donc face à la directrice, droit comme un I, attendant que le premier coup tombe.

— Et je peux connaître la raison de ce retard ?

Elle ne demandait pas l'autorisation, elle attendait une réponse. Elle se foutait bien de la vie privée des orphelins, avec son ton de sarcasme et son regard méprisant.

— Je... euh... j'étais avec... un... ami...

— Oh ! Le petit Yuichiro a un ami ! Ça pour une surprise !

Et elle abat le premier coup de canne sur mon épaule. J'ai failli attendre.

— Dans mon bureau, et vite. Le reste t'attends là-bas, dit-elle avec un sourire mauvais

Le lendemain, j'ai mal partout, envie de vomir et le moindre mouvement me donne l'impression que mon corps est écartelé. Mais je garde une démarche normale, seuls mes sourcils se fronçant avec la douleur.

Je vois Mika qui se rapproche, heureux pour je ne sais quoi, de sa démarche sautillante des bons jours.

— Salut Yuu, ça va ?

Je l'entends comme s'il était loin. Si je veux tenir une conversation, il va falloir que je me concentre à fond.

— Ça peut aller, Mika.

Je l'aime bien finalement, il est pas si chiant que ça. Mais je dois faire comme si je le détestais encore pour ne pas l'impliquer dans les violences de l'orphelinat. Même si ce n'est plus trop crédible au vu des derniers événements. Les autres, je les voyais toujours comme une masse grouillante et méprisable.

Je marche dans la cour avec Mika en direction de notre salle, essayant tant bien que mal de tenir la conversation, ne comprenant que vaguement ses mots.

— Dès demain, c'est les vacances. Tu as prévu quelque chose Yuu ?

— Non.

— Oh all... Vec moi !

Oh je suis mal ! Je ne capte que les bouts de sa phrase. On doit arriver vite et je dois m'asseoir. C'est même plus qu'urgent.

— Mmh

Il saute de joie. Je ne sais pas ce que j'ai fait, mais je crois que je viens d'accepter une sortie ou quelque chose du genre. Heureusement, on arrive dans la salle. Je fonce du plus vite que je peux, c'est-à-dire pas très vite, vers ma chaise et m'assoie.

— Du coup Mika tu fais quelque chose toi ?

Il me regarde avec un air surpris.

— Mais... tu viens d'accepter de venir avec moi voir les feux d'artifices le seize Août !

— Ah, oui... c'est vrai... Je voulais dire, en dehors de ça ?

Et merde, je crois que je viens de me mettre dans un sacré pétrin. La directrice va doubler la sanction pour m'autoriser à sortir, cette sadique.

— À part ça, pas grand chose... Du repos et des révisions, sûrement... me dit Mika

La sonnerie met fin à notre conversation et Mika retourne à sa place. La chose qui sert de prof de math rentre et moi, je me prépare à rattraper la nuit dont on m'a privé. J'ai été battu à la place. Je croise mes bras et y enfouis ma tête. C'est parti pour rattraper le sommeil perdu ! Et je m'endors.

Mika me réveille à la pause et me propose de manger sur le toit à voix basse, pour éviter d'être pris. On monte, on s'assoit et on commence à manger dans un long silence.

— Dit Yuu, tu vis où ?

Je m'étouffe presque avec la nourriture que j'ai dans la bouche.

— Pa... Pardon ? Pourquoi ça t'intéresse ?

— Oh, pour venir te chercher le seize !

— Je... laisse tomber... Je préfère qu'on se donne rendez-vous ailleurs.

Il a l'air déçu.

— Mais Yuu...

— J'ai dit non, Mika.

Mon ton est ferme et ne suppose aucune contestation possible.

— D'accord. Comme tu voudras.

Il abandonne bien facilement... C'est étrange...

On finit de manger juste à l'heure et on file en cours pour la dernière heure. Je dors encore, ayant presque rattrapé mon sommeil. Le moment de rentrer se rapproche donc très rapidement.

Lorsque je me réveille, Mika n'est déjà plus là. C'est donc avec une pointe de déception que je prends le chemin de l'orphelinat, sachant que pendant les vacances les maltraitances sont plus violentes que jamais.

Des coups de canne tellement nombreux que les compter serait impossible, je ne dors et ne mange presque plus, je n'ai pas le droit de sortir. Et je n'ai toujours pas dit que j'allais aux feux d'artifices.

La veille des feux, je suis recroquevillé dans un coin de ma chambre, incapable de parler, ne pouvant que produire des petits gémissements. Je ne peux plus bouger, sinon la douleur serait comparable à un millier de couteau s'enfonçant dans ma peau. Respirer est douloureux. Vivre est douloureux.

Ma seule satisfaction, c'est qu'aucun autre orphelin n'est maltraité. Enfin je crois.

In ExtremisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant