Chapitre 2

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Cela fait maintenant un mois que le blond me suit partout. Ou peut-être deux, je me souviens plus. Bon sang ce qu'il est chiant à causer tout le temps, il s'arrête jamais à un moment ? Mais bon, je pense m'être habitué car ça ne me dérange plus autant. Même si je préfère quand même être seul.

Du coup, j'ai trouvé une combine pour qu'il arrête de me suivre mais je peux pas l'utiliser souvent sinon il va comprendre.

À la fin du cours, quand on a des pauses de plus de cinq minutes, je me dépêche d'aller au toilettes et j'y reste deux minutes pour être sûr qu'il m'a pas suivi. Oui, même là il me suit et m'attends à l'entrée, un vrai pot de colle. Une fois que je suis certain qu'il n'est pas là, je me mêle à la foule et me faufile sur le toit, où je suis tranquille.

Aujourd'hui encore, lors de la dernière pause de la journée, je suis sur le toit à regarder la masse grouillante constituée d'élèves en contrebas, accoudé au garde-fou. Personne pour me déranger, le rêve. Mais comme chaque rêve à une fin, le dernier cours de la journée va commencer. Je range mes écouteurs et rentre en classe pour dormir. C'est le machin haineux qui nous sert de prof de math qui fait cours, et je veux pas l'écouter.

Je m'endors donc, la tête dans mes bras croisés, et ne me réveille qu'à cause de la lumière orange que arrive sur mes paupières fermées. Putain ! L'autre truc a fait exprès de pas me réveiller et voilà que le soleil se couche ! Chose étrange, le blond n'est pas là. D'habitude il est capable de m'attendre devant les toilettes et là, il me réveille pas ? Faudrait qu'il revoit sa logique !
Bref. Si je me dépêche pas, la directrice va me passer un de ces savons !

Ce jour-là, en courant comme un dératé dans la cour pour arriver moins en retard, je ne remarquai pas le blond, sur le toit, accoudé au garde-fou, en train de me regarder courir.

Le lendemain, un matin de fin mai, je retrouve mon harceleur quotidien avec moins de haine que pour tout ces inconnus qui grouillait partout. Et alors qu'il jacassait sans fin, comme à son habitude, je suis interpellé par un mot.

Violence. Comme dans mon orphelinat. Violence. Tout les bleus de mon corps résonnent à ce mot. J'ai le souffle coupé, mais je ne dois rien laisser paraître. J'ai mal rien qu'en respirant, mais ça ne doit pas se voir.

Je m'arrête net et me tourne vers lui, à moitié fou de rage, à moitié consumé par la douleur.

— Tais-toi !

J'avais crié. Les autres se sont retournés vers moi. Vers nous. Je le saisit par le col et le secoue dans tout les sens.

— Plus jamais ce mot, tu m'entends ?! Plus jamais le mot violence et tout ce qui s'y rapporte ! Compris ? Si je l'entends encore, je te jure que...

Je n'arrive pas à finir ma phrase, parce que je ne sais pas. Je lui ferais quoi de toute façon, faible comme je suis ? Je n'arrive même pas à protéger convenablement les petits de mon orphelinat, alors me défendre moi-même ? Quelle connerie !

Je le lâche et lui glisse d'arrêter de me suivre et de ne plus jamais revenir dans un souffle, un larme de douleur à l'oeil. Et je pars en cours. Lui, il reste planté là, à se demander pourquoi j'avais réagis comme ça. Heureux sont les ignorants...

Mais c'est en partie pour ça que je déteste les gens. On ne peut pas leur faire confiance. À personne. Ils vous trahissent à la première opportunité et vous blessent irrémédiablement. C'est comme ça depuis mes 5 ans.

Mais c'est aussi parce que je me déteste moi-même. Moi qui suis si minable, le grand qui ne sait pas défendre un petit. Je suis une honte, c'est comme ça. Je fais avec.

Lorsque je vois le truc qui a mauvaise foi entrer dans la salle pour faire cours, je soupire de désespoir. Fallait vraiment qu'il soit là maintenant ? Et merde, pas envie de l'entendre. Et je m'endors sur mon pupitre, comme à tout les cours.

Personne ne me réveille, la sonnerie le fait très bien. Je commence à me lever pour prendre l'air à la fenêtre du couloir quand le blond vient me voir. Encore. Fais chier.

— Tu me veux quoi encore toi ? Dis-je, résigné

Te féliciter. Ce sont les premiers mots que tu m'adresse pour me parler de toi !

Et il me dit ça avec un grand sourire. Il est fier de lui alors que je l'ai secoué comme un fou. Quel idiot.

— T'as compris ce que je t'ai dit tout à l'heure ? Va-t-en et ne reviens jamais me voir !

Sur ces mots, je le bouscule et vais respirer l'air à la fenêtre. Et lui continue de jacasser. Quel idiot. Il lui faudra combien de temps pour comprendre que c'est peine perdue ? Je me tourne vers lui, le regarde avec un air blasé et lui adresse la parole.

— Pourquoi tu crois que j'ai besoin d'un ami ?

— Parce que qui n'en a pas besoin ?

Mais quel idiot !

— Je te demande une vraie raison.

— Parce que j'ai été seul toute mon enfance et que je ne souhaite ça à personne ? Ou parce que je vois que tu vas pas si bien que tu le dis ?

Wow. Pour être sérieux, il est sérieux. Sa personnalité avait radicalement changée. Il était toujours joyeux et souriait, mais moins qu'avant. Il parlait de problèmes qu'il avait vécu avec un inconnu qui l'ignore toute la journée et qui l'évite dès qu'il peut. C'est quoi...

— ... Ton problème ?

J'avais pensé en même temps que je l'avais dit.

— Moi ? aucun ! Et toi alors, c'est quoi ton problème ? Me répondit-il

Mon problème, c'est que je te pose des questions alors que les réponses ne m'intéressent pas.

Et je rentre en classe pour le cours suivant.

À la pause de midi, j'utilise ma technique pour ne pas qu'il me suive. J'avais acheté mon déjeuner ce matin sur le chemin pour éviter qu'il me retrouve à la cafétéria. Je me faufile sur le toit et me cache dans un coin, derrière des tuyaux d'aération.

Je commence à manger, musique sur les oreilles et me laisse porter par les mélodies mélancoliques de ma playlist. Je suis interrompu par un élève qui me regarde de haut, d'un air sévère. Il me fait signe d'enlever mes écouteurs.

J'en enlève un et écoute vaguement ce qu'il a à dire.

— Le toit n'est pas autorisé aux élèves. Je te prierais donc de...

— J't'emmerde. Casse-toi.

Je voyais sur son visage qu'il était outré. Mais il fit demi-tour et s'en alla, en colère. Je quitte le toit avant que la pause prenne fin, pour me laisser le temps de descendre sans être vu. Je suis presque arrivé quand les hauts-parleurs bourdonnent et que le directeur passe une annonce.

— Hyakuya, dans mon bureau. Immédiatement.

In ExtremisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant