Chapitre 3

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Manquait plus que ça. Le directeur qui m'appelle. Il me veut quoi ? C'est pour le toit ? Mais bon, j'ai pas le choix.

Je rebrousse chemin et me rends devant le bureau du principal. Moi qui espérait me perdre dans les couloirs, c'est peine perdue. Tout est indiqué par de subtils panneaux sur les murs, notamment dans les escaliers. Je trouve donc le bureau rapidement.

En arrivant devant la porte, je prends une inspiration pour me calmer, l'autre élève m'ayant passablement saoulé. Je toque à la porte et attends qu'on m'invite à entrer.

La voix grave du directeur se fait entendre.

— Entrez.

Il a un ton sec, c'est pas bon pour moi.

Je pousse la porte et rentre dans le bureau, décoré de façon assez moderne. En face de moi, le directeur est assis derrière son bureau. Je remarque à côté l'élève qui est venu sur le toit.

— Hyakuya, je vous attendais.

J'avais envie de lui répondre "non, sans blague" mais je devais m'abstenir. Je voulais pas être viré une énième fois d'un lycée.

— Veuillez m'excuser pour l'attente, Monsieur.

— Cet élève, dit-il en désignant l'enquiquineur, est Shiho Kimizuki, un membre du BDE. Il m'a rapporté que vous étiez sur le toit, ce qui est interdit pour raison de sécurité. Il m'a aussi dit que vous ne faisiez cependant rien de dangereux. Est-ce vrai ?

— C'est exact, Monsieur.

— Bien. Puisque vous confirmez, je vous donne une heure de retenue ce soir. À tout les deux. Merci pour votre honnêteté.

Lorsque le directeur énonce la sanction, je vois de l'incompréhension sur le visage de l'autre.

— Sauf votre respect, Monsieur, mais pourquoi me donnez-vous une heure de retenue ?

— Vous étiez sur le toit aussi, Kimizuki. Vous exerciez peut-être vos fonctions de membre du BDE, mais vous avez bravé un interdit. Et je dois vous sanctionner, sinon ce serait du favoritisme et je suis contre.

Le membre du BDE affiche un air neutre.

— Bien Monsieur.

— J'en ai fini avec vous. Kimizuki, vous pouvez partir, Hyakuya, restez.

L'autre part sans un mot et moi, je me demande ce qui va m'arriver.

— Hyakuya, vous avez du mal avec les autre, je le sais. Je l'ai vu. Vous regardiez Kimizuki comme si vous le détestiez. Vous ne le connaissez pas pourtant, n'est-ce pas ?

Et merde, pile le sujet que je devais éviter avec tout le monde. Mais je ne peux pas ignorer le directeur.

— C'est exact Monsieur.

— Je sais que vous êtes dans un orphelinat, Hyakuya. Un orphelinat avec une très mauvaise réputation. Je me doute que ça doit être compliqué ou qu'on vous interdit d'en parler. Mais il faut que je sache. Subissez-vous une quelconque violence là-bas ?

— Taisez-vous !

Et merde, pensais-je, j'ai gaffé. Et je dois lutter contre ma respiration coupée, mes bleus douloureux et mes pulsions violentes. Je souffre encore plus à cette pensée. Je suis violent. Comme eux.

Non, pas comme eux, pas comme à l'orphelinat. Moi je me défends, eux c'est pour le plaisir. Je ne suis pas comme eux. Je...

Je suis interrompu dans mes pensées par un main sur mon épaule. Par réflexe, je m'écarte vivement et le mouvement brusque me fait encore plus mal.

— Je m'excuse, Hyakuya, je n'aurais pas dû...

Perdu pour perdu autant continuer.

— Vous ne savez rien ! Vous ne saurez jamais rien ! Et par-dessus tout, vous ne pourriez pas comprendre ! Alors arrêtez, Monsieur ! Laissez-moi tranquille !

Le directeur me regarde avec de la pitié dans les yeux, mélangée avec un sentiment que je ne connais pas. Il a l'air... de comprendre. Non, c'est impossible.

— Hyakuya, je vous autorise l'accès au toit. Ou plutôt, je ne ferais rien pour fermer la double porte qui y mène. Tant que vous ne vous faîtes pas prendre, c'est bon. Mais si on me rapporte votre présence, je devrais sévir. Vous comprenez, Hyakuya ?

— Oui, Monsieur.

J'avais réussi à reprendre ma contenance, à lutter contre mes bleus douloureux et à reprendre mon souffle.

— Vous pouvez y aller, Hyakuya.

Et tandis que je sors, le directeur reprend sa place derrière le bureau. Je pousse la porte pour sortir de la pièce et je tombe nez-à-nez avec un élève. Blond. Pitié, pas lui.

— Salut, me dit-il le sourire aux lèvres, comment ça s'est passé ?

— Ça va. Tu me veux quoi encore ?

— Juste te raccompagner en cours. Et savoir comment ça allait. Tu as vu, il est super sympa le directeur !

— J'ai vu, j'ai vu...

Il n'avait pas tort. Le directeur est très gentil. En tout cas, assez pour se préoccuper d'un orphelin et des rumeurs sur son orphelinat.

— On a quoi comme cours ?

— Mathématiques

Le prétexte rêvé ! Dieu existe peut-être, finalement !

— Pars devant, j'arrive. Je dois régler un petit truc avant.

— Je t'accompagne !

Putain. J'aurais dû y penser ! C'est un vrai pot de colle et moi je lui dit quoi ? "Je dois régler un petit truc" ? Mais quel idiot je fais !

— Je préfère le régler seul...

— Et moi je préfère t'accompagner. On fait comment ? Me demanda-t-il avec un air de malice

— On fait pas. Tu te barres et j'arrive, c'est tout.

— D'accord.

— Dans tout les cas, tu pourras pas.... attends, quoi ?

— J'ai dit d'accord. Tu m'écoutes pas ou quoi ?

— Bah non je t'écoutes pas. Jamais d'ailleurs.

Il a l'air un peu vexé, mais rien à faire, du moment qu'il part de son côté. Et il le fait.

J'en profite donc pour aller sur le toit, mettre mes écouteurs, et faire comme d'habitude: attendre que ça se finisse. Après le dernier cours, je me rends en salle pour la retenue et –Ô surprise !– je retrouve l'autre chieur. Je vais m'asseoir en silence et me prépare à dormir.

— Eh, toi...

Il va vraiment me faire chier ? Je ne réponds rien.

— Eh, machin, t'es content de toi ?

— Et si tu la fermais ?

— Et si tu travaillais ?

J'arrête de lui répondre. De toute façon, j'ai déjà l'habitude avec le blond. Au bout de quelques minutes, il en a déjà marre de parler et se retourne pour travailler. Moi, je m'endors.

À la fin de la retenue, je suis réveillé par quelqu'un qui me secoue le bras. Je retire vivement le coude et regarde la personne qui me secoue droit dans les yeux. C'est le chieur du BDE.

— C'est la fin, debout.

Je me lève sans un mot et sors de la salle. J'avoue que je suis un peu déçu de constater que le blond n'est pas là à m'attendre. Foutue habitude !

In ExtremisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant