In Extremis

Chapitre 9

C'est le matin de la rentrée, ça y est. Comme cette saloperie de directrice m'a retiré mon réveil, elle me lève à grands renforts de coups de canne.

- Debout, tire-au-flanc ! C'est la rentrée et tu es en retard !

J'ai du mal à bouger et à respirer. Mais, par volonté de ne pas inquiéter Mika, je me lève et me prépare. Punition oblige, je ne mange ni ne bois. Je m'habille donc et prends mon sac. Je pars en direction du lycée, le pas lourd, la fatigue et la douleur m'accablant.

Lorsque je passe le portail, je me sens sombrer. Mais je ne dois pas m'évanouir ! Ce serait honteux de m'effondrer devant la masse grouillante que représente les autres élèves à mes yeux. Je hâte le pas vers la salle de classe, de toute les forces que je puisse déployer. C'est-à-dire pas grand-chose.

J'arrive juste à temps dans la salle, m'asseois lourdement sur ma chaise et pose mon sac. Je peux enfin souffler avant que Mika arrive. Il ne doit rien voir, c'est primordial. Et comme le hasard est une petite enflure, Mika arrive pile à ce moment là.

- Salut Yuu ! Comment ça va ? Tu as fait quoi pendant ces vacances ?

Il est rayonnant. Un sourire qui en ferait tomber plus d'une, un visage d'ange et un caractère adorable. J'aimerais tellement être comme lui...

- Yuu... ? Tout va bien ?

Merde, je lui ai pas répondu. Si je continue comme ça, il va comprendre.

- Oh, pardon ! J'étais dans mes pensées... Tout va bien et toi ? Quant à mes vacances, j'ai... rien fait de spécial.
Et toi, alors ?

- Eh bien ça va, merci ! Pendant les vacances, je suis partis avec mes parents en France ! C'était super ! Comme mon père travaille avec des français, il n'a plus trop de mal à parler leur langue. On est allé dans un petit village médiéval, et puis à Paris, à Disneyland, bien que je sois un peu vieux, et puis....

Il ne s'arrêtait plus de parler. Et moi, je ne pouvais plus l'écouter. J'étais au stade ou il fallait que je choisisse entre ma conscience et la conversation. Je hochais la tête de temps en temps, glissais un "C'est super, ça!" au hasard et le fixait dans les yeux. Et quels yeux ! Il était décidément un ange descendu des cieux ! Si j'avais été une femme... oublions.

- ... peux m'en dire plus sur ton "rien de spécial" ?

J'étais soulagé et anxieux à la fois. Heureusement que j'avais entendu sa question sinon il aurait pu se douter de quelque chose. Mais comme je ne savais pas quoi répondre, j'allais garder le silence jusqu'à ce que je trouve. Ce qui n'était pas vraiment mieux. Tant pis, j'allais essayer de broder.

- Je... euh... j'ai... tu es sûr de vouloir savoir ? Parce que c'est pas intéressant...

Réfléchis ! Réfléchis, bon dieu !

- Dis-moi, ça m'intéresse d'en savoir plus sur toi...

Il est adorable... attends ! Il me drague ou quoi ?!

- J'ai... euh... lu ! J'ai lu et je suis sorti me promener autours de chez moi !

Ouf, trouvé. Mais faut pas qu'il continue avec ses questions.

- Et tu as lu quoi ?

Putain de hasard.

- Des livres de... maths. J'ai révisé un peu tout, mais je me suis avancé dans les maths.

Re ouf. Maintenant ça suffit avec tes questions, Mika ! D'ailleurs, il avait arrêté de parler. J'ai peur de ce qu'il va dire...

- Yuu...

- Oui ?

- Tu t'ennuyait autant que ça ? Tu aurais du venir quand j'étais là !

Enfin sorti d'affaire.

- J'avais du travail à la maison

- Ah ? Et quel genre ?

- Le genre tâche ménagère, cuisine, et tout ce qui va avec.

Par chance, la sonnerie nous interromps et le truc non respectable qui nous sert à étudier les maths entre dans la salle.

- À vos places, sortez vos livres pag... Hyakuya, vous allez où comme ça ? Revenez immédiatement, c'est un ordre !

Il avait commencé avec une voix monotone qui a déraillé vers les aigües.

- Monsieur, je ne reviendrais pas. Je ne reviendrais d'ailleurs plus en maths, car vos cours me sont inutiles. Sévissez si vous le souhaitez, je n'en ai rien à faire.

Je ferme la porte sur ces mots, l'entendant fulminer. Je n'en reviens pas, j'ai eu assez de force pour marcher et parler en même temps ! Allez, fais un effort Yuu, un de plus ! Il faut que tu montes jusqu'au toit !

Un pas après l'autre, prenant mon temps, me tenant à la rembarde de l'escalier comme à une bouée, j'arrive au toit. Je me faufile entre les deux battants et je ne fais que deux pas. Au terme de ces deux pas, je m'effondre de fatigue.

Les dernières forces que j'aies me sont fournies par ma volonté, juste assez pour me mettre sur le dos, mettre mon sac sous ma tête, et prendre la position du gars qui dort tranquillement. Et puis je sombre, dans un sommeil sans rêve.

J'émerge alors que quelqu'un me secoue avec vigueur. Lorsque j'ouvre les yeux, je vois une tête blonde que je connais bien.

- Yuu, debout ! Aller !

- Salut Mika... tu... tu pleures ?

- Ça fait un quart d'heure que je te secoue, alors j'ai cru... j'ai cru...

Je prends Mika dans mes bras et lui caresse la tête en l'étreignant.

- Tout va bien Mika, tout va bien. Je dormais juste...

Quel doux contact que celui de Mika dans mes bras, son odeur enivrante parvenant à mon nez et ses doux cheveux. J'aurais souhaiter rester comme ça pendant une éternité. Mais comme tout les bons moments ont une fin, je sens Mika se détacher de moi.

Je regarde son visage et je constate qu'il est rouge. Il ne pleure plus et paraît même... heureux ? Gêné ? Peut-être un mélange des deux, ce qui expliquerait pourquoi il est aussi rouge.

- Merci Yuu, ça va mieux... mais me refait jamais un coup comme ça !

- À vos ordres, chef ! Dis-je en rigolant

Nous partons chacun de notre côté et c'est après coup que je revois la scène. Qu'est-ce qu'il m'a pris de faire ça ?! Je suis malade ! Et ces pensées que j'ai eu, on dirait que... non, juste non.