À bord du Condor

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Isabella et Zia ne se quittaient pas des yeux.
L'une comme l'autre savait qu'elle n'avait pas rêvé, qu'une voix s'adressait bel et bien à elle, mais pourquoi ? Et pourquoi elles ?

Zia se sentit soulagée. Elle n'était plus la seule à entendre des voix... Mais elle vit la stupeur et la crainte dans les yeux de Laguerra.

"Euh... quelqu'un peut m'expliquer ce qu'il se passe ?" demanda Tao en regardant les deux filles tour à tour. Cela faisait plusieurs minutes qu'elles ne se lâchaient pas du regard, et cela intriguait le Nacaal.

"Rien. répondit Zia avec un dernier regard pour Isabella.

-Rien." confirma Isabella en évitant le regard de Mendoza.

Elle laissa son regard se perdre dans le ciel qu'elle voyait à travers la vitre du Condor, se murant dans le silence. C'était mieux ainsi. Elle eut une petite grimace en songeant qu'Ambrosius arriverait sûrement à Bangui une heure après la tombée de la nuit alors que l'oiseau d'orichalque devrait attendre le lendemain pour parcourir la dernière heure de trajet. Durant deux heures et demie, l'oiseau avala les kilomètres, rapprochant peu à peu le petit équipage de la capitale du Centre-Afrique. Les silences succédaient aux conversations et aux rires et Isabella se sentait de plus en plus à l'aise avec eux. Elle se rendait compte que les multiples barrières qu'elle avait dressées entre elle et le reste du monde étaient en train de s'écrouler, et elle avait bien du mal à les empêcher de tomber. Alors elle décida de faire un effort, au moins avec les amis de son marin. La fille du Docteur écouta Sancho et Pedro se chamailler à propos du nom de leur taverne, leur en suggéra même quelques uns, discuta péripéties et voyages avec Mendoza et les enfants, resta bouche-bée devant le savoir de Tao et confia à Esteban qu'elle avait passé une partie de son enfance avec Athanaos, lui racontant volontiers les pires situations dans lesquelles le père du garçon s'était fourées. Ces trois enfants et marins étaient tous d'humeur joyeuse et rieuse, et plus le temps passait mieux elle se sentait en leur compagnie.
Petit à petit, le poids sur son coeur s'allégea. C'est dans un rire qu'elle confia à Tao avoir passé des nuits blanches dans la bibliothèque du Roi d'Espagne à dévorer nombre d'ouvrages savants, et Mendoza éclata de rire lorsqu'elle leur raconta comment elle s'était introduite en cachette dans le bateau qui amenait son père, Athanaos et Ambrosius à Chambord lorsqu'elle avait sept ans. Elle passa cependant sous silence le fait qu'elle avait passé son adolescence en tant qu'apprentie espionne au service de Charles Quint, même si sa dernière mission remontait à deux années maintenant.
Elle savait que cela éveillerait de nouveau quelque méfiances à son égard, et dieu qu'elle en avait marre d'être méfiée !
Elle songea à tout ce qu'elle aurait à leur dire, tout ce qu'elle aurait à leur expliquer. Sa vie était si compliquée...

"Mendoza, j'ai faiiim. se plaignit Pedro. On ne pourrait pas s'arrêter un peu ?

-Nous avons déjà perdu trop de temps, Pedro. Il nous faut au moins arriver au Centre Afrique. répondit Mendoza.

Isabella baissa les yeux en prenant conscience qu'ils avaient été retardés à cause d'elle. Mais d'un autre côté, cela signifiait qu'ils tenaient à elle...

Que Mendoza tenait à elle...

"Mais Ambrosius avait sa Nef complètement détruite ! Argumenta encore Pedro. Il ne pourra pas repartir de sitôt !"

Isabella se redressa. Elle n'avait pas pensé à ce détail...

Malheur, Ambrosius...

"La malédiction de Rana'Ori" murmura t-elle.
Tous les regards se tournèrent vers elle, surpris.

Bravo, Isa, toute l'attention est sur toi maintenant.

Les Mystérieuses Cités D'Or-Le Secret Des HéritagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant