Le dilemne de Laguerra

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Un silence pesant régnait dans la cabine du Grand Condor. Cela faisait une heure que Zia avait disparu dans la soute avec Laguerra et depuis, la jeune Inca n'avait donné aucune nouvelle de la Bretteuse. 

"Par la malpeste..." siffla Mendoza. Sancho lui posa une main sur l'épaule. 

"T'en-t'en- t'en fais pas M-Mendodo, Mendoza ! bégaya t'il.

-Mais ouais, je suis sûr que tout va très bien et qu'elle a juste besoin de repos, ta Señorita ! Au fait depuis quand t'es aussi attaché à elle, mmh ?"

Mendoza ne répondit rien, embarrassé. Esteban et Tao échangèrent un regard malicieux en retenant un gloussement. 

"Bah en fait... commença Esteban, goguenard. Quand on était à Kûmlar on a failli tomber dans le vide, avec Tao et Zia et Mendoza essayait de nous retenir. Laguerra est venue l'aider et...

-Et ils se sont bah... embrassés." conclut Tao en réprimant un éclat de rire.

"QUOIII ? s'écrièrent les deux marins, abasourdis en regardant leur capitaine. 

Mendoza soupira et se massa les sinus en secouant la tête tandis que Pichu scandait "Bisou ! Bisou!" à tue-tête. Le marin se faisait toujours un sang d'encre à l'égard de la belle Espagnole, mais il était reconnaissant à ses amis d'avoir allégé l'atmosphère, sa dignité eut-elle dû en prendre un coup.

                                          ***

Laguerra sentit quelqu'un appliquer un bandage sur son abdomen. Elle ressentait toujours une douleur qui la lançait mais ce n'était rien comparé à ce qu'elle éprouvait auparavant. Elle entrouvrit les yeux, espérant voir la personne qui l'avait de toute évidence soignée et eut un hoquet de surprise. 

"Zia !" s'écria t'elle faiblement. Elle voulut se redresser mais sa blessure bien trop récente la fit hurler de douleur. 

"Tout va bien ! lui dit la jeune fille en se précipitant pour l'aider à se rallonger. Il faut seulement que vous évitiez de vous lever. ajouta t'elle. 

-Mais ce- ce n'est pas possible... continua Isabella. Gaspard vous a poussés dans le vide à Kûmlar... 

-Nous avons survécu. répondit Zia en lui souriant doucement. Comment vous sentez vous ? 

-Bien... je crois. dit l'Espagnole, encore sous le choc. Je... n'arrive pas à croire que tu sois là. Comment vont tes amis ? Et Mendoza ? elle rosit légèrement en prononçant ce dernier mot, avant de se sentir envahie d'angoisse. La voix qu'elle avait entendue la nuit dernière lui avait bien parlé des enfants mais... et Mendoza ? 

Elpis...

"Tout le monde va bien. répondit Zia, bienveillante, en lui calant une mèche derrière l'oreille. Mendoza se fait un sang d'encre à votre sujet. ajouta t-elle un brin malicieuse. 

-Vraiment ? ne put s'empêcher de demander Isabella. 

-Voulez-vous que j'aille le chercher ? demanda la jeune fille. 

-Si ça ne te dérange pas." approuva la fille du docteur avec un nouveau rosissement.

Zia lui adressa un sourire en rangeant ses soins et se dirigea vers la porte. Alors qu'elle allait l'ouvrir, elle marqua un temps d'arrêt, se retourna, et alla serrer la bretteuse dans ses bras le plus délicatement possible. 

Agréablement surprise, Isabella se laissa faire. Cela faisait tellement longtemps que l'on ne l'avait pas étreinte de la sorte. Elle lui rendit donc cette marque d'affection autant que le lui permettait son abdomen douloureux en fermant les yeux. Cela ne faisait qu'une quinzaine de minutes qu'elle l'avait retrouvée, mais elle avait l'impression de partager un réel lien avec cette enfant. 

"Contente de te savoir en vie, Zia" lui souffla t-elle à l'oreille. 

L'Elue sourit et lui pressa la main, puis elle sortit doucement de la soute pour se diriger vers la cabine. 

Une fois seule, Isabella laissa ses pensées vagabonder. 

Ils étaient donc vivants. Voilà qui la compromettait autant que la soulageait.
Devait-elle rester avec eux ? Ou retourner à la Nef ? Si elle choisissait Zia, Mendoza et les autres elle  en paierait le prix à sa place ... Et la seule idée qu'elle  doive subir parce qu'elle n'avait pas respecté sa part du marché la rendait malade.

Elle ne devait pas souffrir parce qu'elle, Isabella Laguerra, avait choisi de rester auprès d'un homme.

Mais dieu que c'était compliqué ! Sa relation avec le marin, bien qu'empreinte de tendresse, était aussi fragile que du verre. Entre eux, il y avait une certaine connivence, une certaine complicité, de l'amour, de la passion aussi peut-être.
À ce charmant lot manquait seulement la confiance. Isabella savait  qu'elle aurait pu faire confiance à Mendoza aussi aveuglément qu'elle avait eu foi en son père. Mais elle savait aussi que ce n'était pas le cas de son aimé, et elle ne pouvait lui en vouloir.
Elle avait bien conscience d'être mystérieuse, d'évoluer sur le fil du rasoir et de changer de masque aussi souvent que nécessaire. Mais elle faisait tout cela car elle se le devait. Une vie reposait sur ses épaules, elle ne pouvait se permettre de jouer avec.
Car si cette vie venait à se faire achever, Isabella ne se le pardonnerait jamais.

Les Mystérieuses Cités D'Or-Le Secret Des HéritagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant