Un Réveil Difficile Part. 10

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Il s'avança parmi la foule. Des milliers de personnes accoururent vers lui, un mouvement de masse avait entraîné trois citoyens au sol. Ils avaient très probablement fini piétinées sans aucune vergogne.

Des femmes se glissaient entre les gardes qui encerclaient l'entrée du palais pour tendre leurs mains à Antoine. Les hommes de sécurité n'avaient pas hésité à tirer sur certaines d'entre elles. Antoine put serrer une seule main, et sa détentrice fondit en larmes.

Un homme présenta son bébé, les gardes le retenait pour le renvoyer dans la foule. Il criait : "Touchez-le, je vous en prie ! Bénissez-le ! Prenez-le avec vous, par pitié !"

Quelques heures avant il aurait littéralement été sidéré par une telle requête. Mais le Antoine Duchausson d'il y a quelques heures n'était plus. Il ne ressentait que plaisir et présomption en voyant toutes ses personnes s'agenouiller devant lui.
Il se retourna pour jeter un œil au président qui ne l'avait pas suivi ; il luttait pour rattraper Antoine mais en était incapable. La foule avait adopté un nouvel hymne. Les retardataires ayant enfin appris le nom de leur idole, tout le monde entama en chœur : "Duchausson, Président ! Duchausson, Président ! Duchausson..."
Mais le véritable président contestait ce chant:

-Ce n'est pas votre président ! cria-t-il dans le brouhaha ambiant. JE suis votre président !

Une femme le renversa au sol en criant : "Blasphème !!"

Elle fut suivie de dizaines d'autres fanatiques qui frappèrent le président, le ruèrent de coup jusqu'à lui arracher un bras. Les deux derniers mots que le président eut le temps de prononcer furent : "Misérables ingrats."

Sans aucune autre concurrence, Antoine leva les bras en signe de victoire. La foule était avec lui et elle le vénérait comme un dieu-vivant. Il monta sur une estrade, tout le monde s'écarta de son passage pour ne pas le lui encombrer.

Il ordonna le silence d’un majestueux mouvement de main. Plus un bruit. Un silence de plomb s'installa dans la ville entière où seul subsistait un lointain écho du tumulte passé. Même les bébés s'arrêtèrent de pleurer.

Après quelques secondes d'attente, il entama un discours. Il parlait bien ; il savait parler aux foules, et celles-ci l'écoutait. Il leur dessinait ses ambitions, leur racontait son histoire « incroyable », et les gens le croyait. Les journalistes s'étaient tellement appliqués à décrire les traits sensationnels de la vie d'Antoine Duchausson, qu'aucun nouveau détail, aussi fou qu'il puisse paraître, n'étonnait quiconque.

Dans son discours, il évoquait l’honneur qui l’animait après avoir été élu « démocratiquement », par la population elle-même (qui, en ce moment, avait investi le palais présidentiel pour en débarrasser les résistants au nouveau régime; résistants qui se comptaient sur le doigt d’une main… Tout au plus).

Et Antoine ne s'était pas arrêté là. Il voulait plus. Il savait que le monde entier l'adorait et il voulait en profiter.

-Ensemble, dit-il d'une voix forte et assurée, tel un général d'empire avant la bataille. Nous avons conquis une nation ! Elle n'est plus opprimée par quiconque ! Elle appartient désormais au peuple ; elle appartient désormais
à moi !

Des cris et des encouragements éclatèrent de plus belle, avant de s'interromprent.

-Mais nous ne voulons pas en rester là ! Reprit-il. Des milliards d'autres personnes attendent d'être sauvées de leur gouvernement tyrannique, pourri jusqu'à la moelle. Est-ce que ça serait bien, de notre part, de les laisser dans leur misère ?

"NNOOOONNN !!" répondit d'une seule voix, l'ensemble de la foule.

-Et, sommes-nous les gentils ?

"OUUIIIIIII !!!"

-Alors il est de notre devoir de les aider ! Suivez-moi ! Nous partons conquérir le monde !

Ce discours, ponctué de tremblements de terre, de vibrations de l'air, s'était clôt magistralement en plaçant la révolte des citoyens à son point d'orgue. C'était comme si un seul homme avait déchaîné les enfers.

Un Réveil Difficile Où les histoires vivent. Découvrez maintenant