Chapitre VIII :

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À la suite des révélations de Caeta, Ama n'avait sut que répondre. Surtout après sa déclaration, Ama avait pris cela comme de merveilleux compliments, l'Hypnotiseuse n'avait plus ouvert la bouche, elle avait ressassé la conversation. Caeta avait décidé de rester quelques temps avec sa fille, ce qui voulait dire que l'Empathe ne pourrait plus fouiller sa chambre, mais elle pourrait poser des questions.

Le soir, lors du repas, Ama était toujours en pleine réflexion, le regard figé sur son verre, elle ne touchait pas à son assiette ce qui créait des vagues de murmures chez ses colocataires.

— Peut-être qu'elle attend que la nourriture lui saute dans la bouche, suggéra George.

— Ou elle attend des réponses, rétorqua Ginny en regardant Caeta d'un regard mauvais.

— Et elle vous entend au passage, fit Ama sans lever le regard.

— Ma chère fille, vas-tu continuer de fixer ce verre encore longtemps ? demanda paisiblement Caeta.

— J'arrêterai lorsque je trouverai le moyen de contacter ce dénommé Elios, répondit Ama.

— Ho bon sang ! Je te croyais plus rapide à la détente que ça, tu veux des réponses ? Alors cherche les, je te l'ai déjà dit. Mais si tu ne peux te passer de mon aide, fais au moins l'effort de poser les bonnes questions et de prendre la peine de les comprendre !

La nouvelle déclaration de Caeta fit l'effet d'un seau d'eau glacée à Ama, la session compliments était terminée, elle ne savait pas si c'était malheureux ou au contraire si ça devait la soulager. Au moins, la mère avec qui elle avait grandi était toujours là. Mais la dernière partie de sa phrase retint son intention.

— Tu as dit quoi ? En tout dernier, demanda Ama pour être sûre.

— Hm ? J'ai dit « prends la peine de les comprendre ».

Une ombre de doute passa dans le regard d'Ama, le professeur Baiard lui avait dit la même chose. Coïncidence ? Elle n'en avait aucune idée, ça pouvait être le hasard, comme ça pouvait être calculé à la perfection.

— Pourquoi tu demandes ça ? demanda Fred, les sourcils froncés.

— Le professeur Baiard m'avait dit la même chose. C'est juste, étrange.

— Je ne connais pas de Baiard, donc cela doit être le hasard, protesta Caeta.

— Sans doute, marmonna Ama en haussant les épaules.

Néanmoins elle restait douteuse, elle voulait bien croire Caeta, mais elle ne pouvait pas croire en le professeur. Espion ? Peut-être. L'avait-il déjà surveillé et l'aurait entendu prononcer cette phrase sans doute dite maintes et maintes fois ? En pensant à cela, Ama frissonna. Elle repensait aux personnes qui les avaient surveillées, elle et Ginny, il y a deux mois. Désormais, elles n'avaient plus aucune nouvelle d'eux, c'était logique après tout, ces personnes n'avaient plus de relations à abimer.

— Ama, savais-tu qu'un jour tu risquerais de d'exploser le cerveau à force de penser sans arrêt ? demanda Ginny.

— Ah. Ce serait problématique j'imagine.

— Elle se fiche royalement de ce que je lui dis, j'abandonne, souffla Ginny.

— Fais donc. Sur ce, je vous prie de m'excuser, mais je pense que m'éclipser sera mieux pour chacun de nous, déclara Ama.

Sans attendre de réponse elle se leva et quitta le manoir, il fallait qu'elle marche, qu'elle réfléchisse, qu'elle pense et tout ça, seule et en paix. Elle s'aventura donc dans les plaines autour de chez elle, tantôt courant, tantôt marchant paisiblement. Cette sensation d'être en paix, d'être en harmonie avec les étoiles au-dessus d'elle, qu'est-ce que cette sensation avait pu manquer à Ama ! Celle qui lui redonnait espoir à condition de regarder le ciel nocturne, celle qui la rassurait à chacun de ses pas, celle qui apaisait ses pensées, celle qui lui faisait croire qu'elle pouvait aller n'importe où. Cette sensation de paix et liberté.

L'Empathe avançait à légères foulées, ses pieds touchant le sol le temps d'un rebond, son regard rivé sur les étoiles qui parsemaient le ciel noir pour le faire briller, ce ciel noir qui apportait une certaine sérénité et un grand calme. La nuit continuait d'enchanter Ama comme toujours.

L'Hypnotiseuse n'avait jamais compris ce fait que beaucoup de personnes préféraient le jour à la nuit, ce fait d'idéaliser et le soleil et de pourrir la lune. Elle n'avait rien contre, c'était en fonction des goûts et les couleurs après tout. Mais, pour Ama, la nuit était enchanteresse, la lune veillait à éclairer le chemin des voyageurs ou des personnes perdues. Les étoiles redonnaient espoir et certaines indiquaient la direction à prendre. La nuit apaisait les esprits, les cœurs, certes c'était la nuit que les sourires s'affaissaient, que les larmes coulaient, mais c'était la nuit que chaque pensée prenait un sens, que chaque battement de cœur devenait une raison, que chaque sentiment était expliqué. C'était la nuit qui donnait la raison de chaque fait, chaque geste, chaque conséquence.

Mais ça, ce n'était que l'avis d'Ama, et elle le préservait.

Perdue dans ses songes, le regard brumeux, le cœur ailleurs, Ama ne regardait pas où elle allait. Elle ne savait même pas où elle était, peut-être loin, ou alors près de Santania. Et honnêtement, elle s'en fichait actuellement, tout ce qui comptait étaient les énigmes de sa mère en ce moment. Il fallait qu'Ama comprenne les questions, qu'elle fasse l'effort de poser les bonnes questions, mais qu'est-ce que ça voulait dire ? Si Ama posait des questions, c'était qu'elle les comprenait et qu'elle cherchait à comprendre les réponses et non l'inverse ! Les bonnes questions, qu'est-ce que cela signifiait aussi ? Qu'il fallait qu'elle emploi un langage extrêmement soutenu pour que cela s'apparente à de bonnes questions ?

Ne regardant toujours pas où elle allait, Ama sentit quelque chose percuter ses jambes de plein fouet ce qui la fit tomber lourdement sur le sol. Surprise, elle se mit sur les coudes et regarda autour d'elle mais ne vit rien à part le ciel, les silhouettes des arbres et les lumières du manoir au loin. Mais elle entendait des bruits de pas furtifs, une respiration sifflante.

— Des questions, encore des questions, toujours des questions et jamais de réponses. N'en as-tu pas assez ? demanda une voix lisse et douce comme une roche polie.

— Qui êtes-vous ? demanda Ama.

— Tu le sauras bien assez tôt. Encore une question qui aveuglera tes pensées ma chère. Tu te tortureras avec cette question. Qui suis-je ? Pourquoi suis-je venu te parler ? Pourquoi m'écoutes-tu ? Pourquoi tu ne m'attaques pas ? Pourquoi moi je ne t'attaque pas ? Tout ceci aveuglera tes pensées, ruinera ton esprit, te fera oublier ce qu'il y autour de toi.

— Comme vous semblez si intelligent pourquoi ne pas répondre immédiatement ?

— Parce que cela serait trop simple et pas assez drôle. Je me dois de partir, mais nous nous reverrons. Enfin, je te verrais, et tu m'écouteras. A très bientôt. Amaterasu.

Un courant d'air passa, puis plus rien, plus de bruits de pas, plus de souffle, plus rien.

Le cœur d'Ama tambourinait dans sa poitrine, en proie à une grande panique elle cherchait à prendre de l'air. Amaterasu. Cette personne, qui était un homme étant donné sa voix, l'avait appelé ainsi alors que peu de personnes connaissait son nom entier. L'homme savait qu'Ama était aisément perturbable spirituellement, il savait que sa faiblesse était les questions sans réponse.

Et il avait su très bien viser pour qu'Ama perde de nouveau notion du temps et de ses pensées.

La Mélodie du Temps. Tome II : Besoin d'airOù les histoires vivent. Découvrez maintenant