La dernière ligne droite

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Son regard était rivé vers un point lointain qu'elle seule pouvait voir. Fama avait perdu dix kilos et son visage froissé faisait pitié à voir. Aida savait que sa propre mine ne devait pas être meilleure mais faisait l'effort d'entamer une conversation même si sa cousine ne lui répondait que par des sons incompréhensibles.

Elle commençait à se demander si leur petite sortie était une bonne idée. En voyant que Fama dépérissait dans sa chambre d'où elle ne voulait plus sortir, Aida avait insisté pour qu'elles aillent se promener au bord de la mer en espérant que ça pourrait leur faire du bien.

Sauf que, inéluctablement, leur douleur les suivait partout.

Elles avaient fini par s'installer sur une terrasse et Aida avait commandé des cocktails tout en sachant qu'elles n'y toucheront pas.

- Il était heureux vers la fin

finit t'elle par dire plus pour elle même que pour Fama.

- Pour la première fois il était heureux et c'est grâce à toi. Tu as donné un sens à sa vie.

- Et tu vas me dire qu'il serait malheureux de me voir dans cet état c'est ça? Sauf que maintenant il s'en fiche, il est mort Aida. Si ce qu'on dit dans notre religion est vrai alors en ce moment il n'en a plus rien à faire de nous.

- Oui mais c'est à travers nos prières qu'on peut encore lui servir à quelque chose. Il a juste besoin de ça, de prières.

- J'ai tellement mal Aida. Tellement!!

- Je sais, moi aussi j'ai mal. On partage ce même  sentiment de désespoir. On partage la même douleur et d'une certaine manière, nous refusons encore d'accepter la réalité mais il le faudra bien si on veut guérir un jour.

Des sanglots lui répondirent. C'est vrai, malgré l'evidence, une partie d'elles refusait encore de laisser Omar partir. Le temps soigne tout apparemment mais combien de temps cela prendra t'il avant qu'elle ne recommence à vivre sans ce sentiment de vide? Aida en était arrivé à mesurer chaque matin son état et le comparer à celui de la veille pour verifier si sa douleur avait diminué. La triste vérité était que chaque jour était pire que la veille. La seule fois où elle s'était senti à peu près bien c'était quand elle était avec Cherif. Et là à cet instant il lui manquait tellement!!

- Bonjour.

Rama venait d'arriver, elle s'assît timidement à cote de Fama et lui caressa le dos pour calmer ses sanglots. Aida l'avait invité à leur petite sortie entre autre pour pouvoir s'excuser de sa réaction de la dernière fois.

- Je suis tellement tellement désolée des filles. Vous ne pouvez pas savoir à quel point je m'en veux.

Rama aussi était dans un état lamentable, avec les yeux rouges et le visage gonflé comme si elle avait reçu des multitudes de gifles à répétition.

- Ce n'est pas à cause de toi qu'il est mort Rama.

- Non mais c'est à cause de moi s'il n'a pas pu avoir la vie qu'il méritait. Je vivrai avec ça tout le reste de ma vie et j'espère que Dieu me punira. J'avais un frère et j'ai décidé de le détester et de gâcher sa vie. Je n'en dors plus. Les regrets me rongent continuellement. Vous êtes chanceuses d'avoir partagé sa vie. De l'avoir aimé et de savoir qu'il vous aimait en retour jusqu'à son dernier souffle. Moi je n'ai eu que sa haine. il est parti en me détestant de toute son âme. Après ça vous pensez que je pourrai un jour m'en remettre? Non, je ne veux même pas, il faut que je paie.

Rama avait parlé d'une traite et avec conviction. Finalement c'est Fama qui due l'a consoler. Elles étaient vraiment pitoyables toutes les trois, le coeur en miettes, ruminant leurs regrets et essayant de trouver un moyen de ressentir autre chose que cette peine.

Choix d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant