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La lune dispensait par la fenêtre obstruée d'un rideau au-dessus d'elle une clarté assez vive. En fait, les raisons ne manquaient pas pour expliquer son insomnie. Il faisait trop clair. La paillasse était trop dure, et son esprit était encore perturbé par ce qui venait de se passer avec Ivar. Elle gardait encore le souvenir de ce moment magique, hors du temps qu'ils avaient partagé mais auquel ils avaient dû mettre fin après l'arrivée inopportune d'Olàf qui désirait s'entretenir avec son frère. Ils avaient alors échangé un long et profond regard avant qu'Ivar ne lui lance un dernier sourire à travers lequel il lui signifiait non seulement qu'il n'ignorait rien de ce qu'elle ressentait, mais également qu'il était animé par les mêmes sentiments. Le savoir rendait ce lien qui les unissait plus périlleux encore : ce feu qui brûlait en elle le consumait lui aussi et ne demandait qu'à les embraser tous deux. 

 Vaincue par son insomnie, Kaïra se redressa et repoussa sa couverture le plus discrètement possible. Elle se félicitait d'être déjà habillée et de ne pas avoir à chercher ses vêtements dans le noir. Tout ce dont elle avait besoin pour combattre la fraîcheur nocturne, c'était de sa cape, qu'elle trouva pendue à un crochet près de la porte. Elle se glissa silencieusement hors de la chambre puis du batîment. 

À l'extérieur, le clair de lune éclairait presque comme en plein jour. Kaïra n'eut aucun mal à distinguer les détails du paysage : les petites maisons du village, plongées dans l'obscurité ; les enclos où somnolaient les moutons serrés les uns contre les autres ; la ligne plus sombre et hérissée de pics de la palissade en bois, une tour de guet à l'entrée du village, et une autre à lanière. Sans se presser, elle se dirigea vers celle qui commandait l'entrée. Une bien douce nuit pour se promener, susurra sa voix intérieur. Elle se laissa porter par le vent, sans réellement avoir de destination précise : elle voulait juste marcher et tenter d'apaiser son coeur et son esprit au contact du calme nocturne. Elle avait l'habitude de faire cela lorsque l'insomnie la frappait, mais, pour une raison qui lui était inconnue, cette nuit semblait différente.

Les nuages couleurs perles qui dérivaient sous les cieux brûlants le matin même, avaient disparu, laissant les étoiles percer les cieux nocturnes avec ardeur. Les feuilles des arbres étaient d'émeraude scintillante comme en plein jour. Dans cette atmosphère qui appelle à la rêverie, elle commença à s'imaginer étendue sur une prairie d'herbe tendre et de bruyère et s'abreuvait de nectar directement au calice de fleurs perchées au sommet d'élégantes tiges. Ivar se trouverait là, près d'elle. C'était lui qui lui offrirait de boire ce nectar, en murmurant tendrement son nom, en lui caressant le visage, et en lui souriant chaque fois qu'elle levait les yeux sur lui. Quel beau rêve c'était ! Le plus beau, sans doute, qu'elle eût jamais fait... 

Pourtant, cette rêverie prit soudainement fin lorsqu'elle sentit une main se poser sur sa bouche et la tirer dans côté obscur, près de la végétation. Après un court moment de panique, elle se ressaisit et appliqua les leçons de combat qu'elle appris depuis le début de son séjour ici. Elle donna ainsi un cou de coude au niveau de diaphragme de son agresseur qui la lâcha immédiatement. Elle se retourna et s'apprêta à lui donner un autre coup avant d'être stoppé par une voix familière :

- Non arrête grande soeur, c'est simplement Sven et Moi ! s'écria Amalia et se plaçant devant Sven qui essayait de reprendre son souffle et de calmer la douleur

Kaïra se figea soudain et sa respiration se coupa. Elle avait beau savoir qu'elle devait réagir d'une manière ou d'une autre, elle était comme paralysée, les traits figés, comme taillés dans la pierre.

Etait‑elle en train de faire un mauvais rêve comme cela lui était si souvent arrivé ?

Etait‑elle sujette à une apparition ?

SOUS L'EMPRISE DU VIKINGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant