SOUS L'EMPRISE DU VIKING

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Kaïra laissa son regard aller au loin. Parfois, elle s'imagine et songe à ce qui se trouve au-delà de l'horizon, de l'autre côté. Non que la vie ici ne lui déplaise mais elle se posait des questions sur le reste du monde. Erika, sa mère, lui avait promis lorsqu'elle était encore enfant, qu'elle l'emmènerait un jour à la capitale. Mais depuis la mort de cette dernière, son père refusait de laisser la ferme sans surveillance. Puis, après que la fièvre l'ait emporté lui aussi l'année dernière, elle avait finalement renoncé à ce rêve "enfantin" pour ce concentrer sur ce qui importait réellement : désormais, elle devait assumer de nouvelles responsabilités qui ne lui laissaient que de vagues instant de rêve et de répits.

- Alors Kaïra, à qui appartient ce navire ? Tu devrais le savoir en lisait les runes

- C'est un navire birakain. C'est un des nôtres.

- Kaïra en est tu sûre ?

- Certaine. Il n'a pas sombré depuis longtemps. Sûrement cette nuit-même, durant la tempête.

Kaïra s'interrompit un instant, l'esprit assaillit par des milliers de question sans réponse. Pour commencer, comme le navire avait sombré ? Les marins avaient-ils périt pour protéger la baie contre les clans vikings ennemis ?

- C'est bizarre, pensa Kaïra. Normalement nos navires restent à l'abri durant les tempêtes. Tous savent combien la colère de Ran peut être forte. Il faut aller s'informer immédiatement et prévenir tout le monde.

Amalia hocha la tête, partageant l'avis de sa sœur.

- Si mon Sven était là, il aurait prévenu le capitaine de rester au port.

- J'espère que les veuves et les orphelins n'attendent pas vainement le retour de leur père et mari, poursuivra Kaïra sans tenir compte de la remarque d'Amalia

- C'est vrai que je n'avais pas pensé aux victimes et aux naufragés

- Ran a peut être déployé ses filets pour en sauver quelques uns.

- On commence tout d'abord par récupérer le bois et on recherche des survivants. Ensuite, on préviendra tout le monde. Quel dommage tout de même, le bateau ne semble transporter aucune cargaison. Je n'aurai pourtant pas refusé une belle robe

- Toujours aussi pragmatique Amalia, remarqua Kaïra avec incrédulité

Amalia ne semblait jamais envisager l'avenir qu'à l'aune de son propre intérêt, alors que Kaïra ne cessait de s'interroger sur le déroulement et les causes du naufrage.

Amalia retint soudain sa grande sœur par l'avant bras.

- Regarde Kaïra, un navire au loin. Est-ce l'un des nôtres ?

Kaïra mit sa main en visière pour se protéger des rayons du soleil qui troublaient sa vue, et repoussa impatiemment une mèche de ses cheveux noires.

- Le voile contient un motif qu'il ne m'est pas familier, remarqua-t-elle d'emblée. Un damier rouge et noir. Ce n'est pas un navire birkains. C'est un navire viking.

- Combien sont-ils ? Viennent-ils raser et piller nos terres ? Je suis encore trop jeune pour mourir. J'ai encore tant de choses à vivre et à partager avec mon Sven.

- Tais-toi et laisse-moi me concentrer. Tu pleureras sur ton sort plus tard

- Dois-t-on allumer le fanal ?

- Attends, il ne faut pas se précipiter.

- J'ai peur

- Ne t'inquiète pas, je suis là

L'une et l'autre connaissaient les histoires entourant et décrivant les vikings : des êtres sanguinaires, des pilleurs et des voleurs. Leur raid le plus récent concernait le pillage audacieux de l'un des plus riches îles britanniques. Qui pouvait prédire où s'arrêterait leur ambition ? 

- Pour l'instant, je ne distingue qu'un seul navire. Mais il faut néanmoins se méfier. Il faut cacher nos biens précieux, même s'ils ne s'attardent pas chez nous.

- Que font ils par ici ? Ce n'est pourtant pas une route commerciale. A moins d'être venu pour... blêmit Amalia

Kaïra la pris par les épaules et la secoua : ce n'est pas le moment de céder à la panique.

- Amalia tu dois garder ton sang froid. Nous nous savons rien des intentions de ces visiteurs. Moyennant un peu de prudence, cette visite ne nous coutera que quelques cochons ou moutons.

Kaïra se remémora toutes les dispositions à prendre en cas de raid : les endroits où cacher l'or, les moissons, et les bêtes. En tels cas, elle le savait, calme et maitrise de soi valait mieux que force et rage. Elle secoua la tête légèrement, jurant de donner du fil à retordre à ces vikings en cas de raid

- Je ne sais pas quoi faire grande sœur. Si seulement mon Sven était là , lui qui sait toujours quelles décisions il faut prendre dans ce genre de situations.

- Viens, on doit avertir tout le monde...

A peine ces mots prononcés qu'elle vit deux autres navires vikings qui se dirigeaient vers eux. A ce moment là, Kaïra comprit immédiatement qu'ils étaient loin d'effectuer une visite courtoise.

- Va vite courir avertir les villageois. Dit leur que les vikings arrivent, qu'ils doivent cacher leurs bien. Moi je vais prévenir Gurdun après avoir allumé le fanal.

- Mais tu risque de te faire attraper dans la colline

- Ne t'inquiète pas pour moi, va et ne discute pas mes ordres... Attends, Amalia, une dernière chose : faufile toi et cache toi dans la porcherie, aucun de ses barbares n'ira jamais chercher là bas. Je t'y rejoindrais lorsque j'aurai fini, tu m'entends ?

- D'accord, fais attention à toi.

Alors qu'elle courrait vers le Fanal, Kaïra se rappelait des images de destruction et chaos qui l'a hantait jadis toutes les nuits. Elle pouvait entendre les cris des femmes et des enfants percer ses tympans. Elle pouvait sentir son nez se froncer en percevant l'odeur du bois brulé, et sentait les larmes aux coins de ses yeux qu'elle gardait cols en tentant de réprimer les tremblements de son corps. Pendant ce temps, Amalia était déjà arrivé chez elle sous les conseils de sa demi-soeur, après avoir averti les hommes et les femmes sur son chemin. Elle se hâta à tout cacher dans les dépendances : l'or, l'argent, la moisson, les bêtes... Elle avait essayé d'avertir le maximum de personnes sur son chemin. Alors qu'elle s'apprêtait à aider les autres femmes du village à cacher leur bien, elle vit que le fanal n'était toujours pas allumé. Inquiète pour sa demi-sœur, elle décida d'aller la chercher à la colline.

- Où vas- tu Amalia ? Il faut que tu ailles te cacher immédiatement. Leur drakkar a déjà accosté sur le rivage, dit l'une des femmes du village

- Je dois aller chercher Kaïra...

- Attends...

Mais c'était peine perdu puisque Amalia était déjà parti. Elle courait, trébuchait puis courait en accélérant encore après avoir repris son équilibre, jusqu'à avoir l'impression que ses jambes allaient se briser. Cris et coups résonnaient dan son dos. Des gens expiraient, leurs vies arrachées par les lames des pirates du Nord. Impossible de se méprendre sur ces atroces plaintes qu'elle entendait, et sur l'odeur du sang qui la frappa. Elle refusa de se retourner, sachant que si elle s'y risquait, ses dernières forces l'abandonneraient... Son seul et unique objectif pour l'instant était de retrouver sa demi-sœur.

- b y        L I B R E R T Y