SOUS L'EMPRISE DU VIKING

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Une fois rassemblés, les géants de la mer acceptèrent avec de larges sourires l'hydromel que leur tendait les belles femmes aux yeux bruns, piochant sans hésitation dans les plats bien garnis qu'elle leur apportait. Ivar lui, se contenta d'un morceau de viande qu'il mangea tout en s'assurant que leurs embarcations étaient tirées assez haut dans le sable pour ne pas partir avec la marée. Il balaya du regard les dernières personnes restées sur les drakkar et s'étonna lorsqu'il ne vit pas Kaïra parmi eux. Peut-être était-elle dans une des cabines ?

- On a pu trouver une auberge pour la nuit, dit Forwin en le coupant dans ses pensées. La plupart des hommes peuvent dormir dans les bâteau. Par contre, en ce qui me concerne je ne dirais pas non à un bon vieux matelas.

- Dis donc, l'âge commence à se faire sentir à ce qu'on dirait, plaisanta Ivar

Forwin rit de bon coeur.

- Si j'ai le choix, alors pourquoi pas ?

Des voix s'élevèrent près d'eux, coupant court à leur conversation. Sous l'avancée d'un toit de chaume, une femme tire son mari par la manche, agitant son autre main en direction des vasières. Elle essaye visiblement de le sortir de sa torpeur, inquiète de quelque chose qui se passe là bas, sur la surface mouvante des sables, bientôt recouvert par le manteau de la nuit.

Levant le poing, l'homme repoussa la femme d'un coup violent en pleine poitrine : 

- Tu n'as pas d'ordre à me donne, d'où on connait cette fille déjà ? C'est surement une autre histoire inventée par les enfants pour attirer l'attention.

La femme insista, reprenant son souffle

- Ce n'est pas une histoire d'enfant. Il faut aller chercher la pauvre femme maintenant sinon elle n'en aura plus pour longtemps. 

- Et ? En quoi ça me concerne ?

- Elle a sauvé la petite Mary...

- Et toi bien sur, tu y crois, ricana l'ivrogne

- Elle n'a pas pu inventer une histoire pareille, sa robe était toute tâchée et elle a même précisée le prénom de la pauvre femme, Kaïra...

Comme si ses sens s'étaient démultipliés, Ivar fixa du regard la grande étendue des marécages. Et soudain, son oeil expert repéra un éclat lumineux. Et c'est là qu'il vit sa petite silhouette appelant avec une voix plaintive et affolée.

— Forwin va me chercher une corde, maintenant !

Sans poser de question, il alla la chercher et lui donna quelques instants plus tard avant de voir le jarl s'élancer en direction du marécage.

Kaïra finit par se taire, la gorge déchirée à force de crier. Elle tremblait de manière incontrôlable et la boue glacée comprimait ses jambes et ses cuisses comme un carcan de métal. Elle avait dépassée depuis longtemps le stade de la panique et avait désormais atteint le stade du désespoir, observant sans bouger, avec une horreur muette, le cercle d'eau noir monter inexorablement, prêt à la submerger.

Elle ne luttait plus maintenant, désarmée par l'inéluctable. A quoi bon crier ? C'est trop tard maintenant. Le rivage était désert et tout le monde avait regagné son foyer. Dans un dernier soupir, elle ferma les yeux d'abandonnant lentement à l'irrésistible tentation  de se laisser glisser dans l'eau brune dont les tourbillons tressaillaient maintenant sa taille. Comment sa demi-soeur s'en sortirait sans elle ? Elle avait déjà tant souffert...Des larmes se pressèrent sous les yeux de Kaïra, lui brouillant la vue. Elle ne serait bientôt plus là pour la protéger. Enfouissant son visage dans ses mains, elle s'abandonna à son désespoir tandis que ceinture, plus froide et plus cruelle qu'un corset, lui comprimait désormais le torse.