La Guéparde Dorée - Double-âme [1]

Chapitre 36 :

Benzine écarquille de grands yeux et ouvre soudain la bouche. En un quart de seconde, Ash dégaine sa parazonium et l'appuie sur sa gorge. Même si je sais que tout ça n'est que pour l'impressionner, je ne peux pas m'empêcher de trouver le mouvement d'Ash trop rapide, trop précis. C'est le genre de rapidité d'exécution qui ne s'acquit que par l'habitude.

- J'aurais escompté mieux comme réaction.

Le cartographe blêmit, ce que je n'aurais pas pu penser possible, mais reste muet. Ses yeux parlent néanmoins pour lui. C'est la peur du danger imminent.

- On ne te veut aucun mal, mais on a besoin de quelque chose qui se trouve en ta possession. On vient le récupérer, lance le Lion.

- Sinon on est gentil, ajoute Kyle en se rapprochant. Promis.

Il montre ses mains vides. Benzine hoche doucement la tête, louchant sur la lame. Une goutte de transpiration descend le long de ses tempes.

- Ash, arrête, tu lui fais peur, je grogne. (Je m'adresse au cartographe). Montre-nous juste ce qu'on te demande.

Ash lève les yeux en l'air, retire la lame et la rengaine d'un mouvement dans son fourreau. Il croise les bras et s'écarte.

- N'importe quoi, je suis très doux !

Benzine se redresse sur son lit, l'air quand même plus rassuré quand Ash est à distance.

- On cherche une carte sur les montagnes, je précise en m'avançant. Pour trouver un passage entre Braçalia et l'extérieur.

Les yeux du cartographe se posent brusquement sur moi.

- L'extérieur ? Vous voulez aller à l'extérieur ?

- Oui, d'où le besoin de la carte, relance Kyle, ne perdant pas le Nord.

- Une... une carte ? Vous venez vraiment juste pour une carte ? murmure-t-il, confus.

- Eh oui, nous ne sommes pas des tueurs. Juste... Ash me regarde. Des fans.

- Et nous aimerions une carte de vous, complète Kyle. Maintenant, si possible.

Benzine se lève, se racle la gorge et dit :

- Suivez-moi.

- Essuie-toi la bouche d'abord, tu baves en dormant, l'informe Ash en faisant tourner son épée dans sa main.

Le cartographe rougit et s'essuie d'un geste discret. Il nous guide dans le couloir par lequel nous sommes arrivés, jusqu'à une pièce spacieuse occupée par une longue table sur laquelle est étalée des cartes vierges. Il semble être en panne d'inspiration, en ce moment. Des encres de différentes couleurs si coûteuses que je n'en ai jamais vu de mes propres yeux sont rangées à côté d'elles. Bleu, rouge, verte... j'ai la tentation de les toucher, mais je me réprime. J'ai d'autres choses sur quoi me concentrer.

Je suis des yeux le cartographe. Je ne pense pas qu'il tente quoi que ce soit, mais il peut essayer d'avertir les voisins par un moyen ou un autre. Il se dirige lentement vers le fond de la salle où sont rangées une multitude de cartes et de posters enroulés dans des tubes en carton. Il en tire plusieurs de leur rangement et les posent sur la table.

- Voilà toutes les cartes sur les montagnes dont je dispose, déclare-t-il sèchement.

Je le regarde du coin de l'œil, mais il n'a pas l'air de mentir. Alors que nous sortons rapidement les cartes de leur étui, Benzine nous arrête précipitamment.

- Stop ! Vous allez tous les froisser ! Laissez-moi faire !

Nous échangeons un regard et reculons. Après tout, c'est lui le pro. Benzine les retirent délicatement tout en grommelant et avec l'aisance de l'habitude, il les étale d'un geste leste à notre vue. Je m'approche. Sur la carte devant moi sont représentées les montagnes à l'Est de notre ville. Leur nom et leur altitude sont précisés au-dessus. Les reliefs paraissent si réels qu'en passant la main dessus, j'ai presque l'impression de pouvoir toucher la roche. Les noms défilent sous mes yeux. "Nipau", "le Mont Terreux", "Canine", "Vellone", "Arentique"... mon regard s'arrête sur un minuscule trait blanc entre "Vellone" et "Arentique". "Roches Blanches", m'indique la légende. Le nom accroche mon attention.