Chapitre 35 :

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Je me réceptionne un peu plus bas en roulant au sol et je me relève moins rapidement que d'habitude, mon sens de l'équilibre déstabilisé par le manque de lumière. Je fronce les sourcils.

- Tes yeux brillent dans le noir, je laisse échapper alors qu'une paire d'yeux ambrée luisent doucement devant moi.

- Je vois mieux que la majorité des gens dans le noir, mais je n'aperçois pas plus que des formes et des contours. Peur de l'obscurité ?

Je fixe le noir là où je l'imagine être. Il ne m'a jamais parlé de cette capacité. Quoi d'autre cache-t-il encore sur lui ?

- Non.

- C'est par là, nous lance Kyle.

Le double-âme semble déjà savoir la direction à prendre. Déstabilisée par ma cécité temporelle je lui emboîte le pas et sonde avec tous mes sens restants les environs – c'est-à-dire, mon ouïe, mon odorat et mon toucher. La pulpe de mes doigts me rapporte des murs en bois humides et anciens, ce qui est confirmé par l'odeur de moisis que je sens dans l'air. Les égouts de la ville ne doivent pas passer bien loin. Le passage semble relativement délabré, seulement retenu de l'effondrement par les poutres et les pans de bois contre la terre, ce qui doit expliquer pourquoi personne ne l'emprunte. À part cela, aucune idée de où nous sommes. La voix de Kyle retentit comme un coup de feu dans le silence étouffant, répercutée par des murs qui semblent former un long couloir :

- Je me rappelle plus, il y a des serpents ici ?

Je lève les yeux au ciel. C'est de ça qu'il se soucie, dans un passage souterrain maintenue uniquement par des planches en bois ? Je me demande comment le poids de la terre n'a pas fait céder le bois depuis le temps qu'il semble pourrir ici. Peut-être que c'est le cas dans certaines parties...

- Oui, des serpents avec des moustaches et des oreilles rondes... j'ironise.

- Je suis au regret de t'annoncer que ton humour et le mien ne sont pas compatibles.

J'esquisse un sourire. L'obscurité totale, sans un rayon de lune pour éclairer les alentours, est très perturbante. La voix et l'écho des bruits de pas de Kyle me permettent néanmoins de situer à peu près où sont les murs et de marcher droit. À part les gouttes d'eau qui tombent régulièrement du plafond - et qui viennent sans doute de canalisations dans la terre, le couloir est aussi silencieux qu'une tombe.

La nervosité me rend à fleur de peau. Je n'aime pas les endroits trop silencieux. Ce n'est pas normal, il doit toujours y avoir un souffle, un bruissement, un criaillement, quelque chose qui indique que la vie existe dans n'importe quel endroit. Celui-là fait comme... mort. Il ne fait jamais bon de traîner dans les endroits que même la nature a renoncée à atteindre.

- Comment ça se fait que vous connaissiez ce réseau souterrain ? Je demande à la ronde, en ayant l'impression de parler dans le vide.

C'est débile, mais j'ai l'impression que l'air est chargé de morts, ici. De danger, de sang. Je le sens dans l'atmosphères. Il plombe mes épaules, épaissit l'oxygène. La voix d'Ash me parvient de derrière, distante :

- Connaître tous les passages souterrains de la ville par cœur faisait partie de ce qu'on devait savoir pour succéder à Horton. Il disait qu'on devait pouvoir s'échapper par n'importe quel moment à n'importe quel endroit. (Il fait une pause) Il y en a même un qui passe sous l'Atrium.

Je me demande comment j'ai pu passer à côté de ça. En même temps, les passages étroits sous terre ne m'ont jamais attirée, ils peuplent plus souvent mes cauchemars que ma réalité. En tout cas, ça veut dire qu'on peut aller de l'Atrium à la ville sans passer par les postes de gardes - et déjouer la surveillance de nuit du directeur... c'est Kira et Jack qui vont être contents ! Les bars vont faire du bénéfice.

La Guéparde Dorée - Double-âme [1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant