Chapitre 1

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Y a des jours où la vie de château, c'est vraiment de la merde. Il a toujours été de cet avis, et il est encore au moment où il passe la porte de son appartement ce jour-là. Il pleut des cordes dehors, et pourtant, la fac est toujours aussi pleine.

Il regarde à grand peine ce qu'il se passe autour de lui, et sort son parapluie, comme à chaque fois qu'il pleut. S'ensuit cours d'économie, linguistique, management, et tout ce qui va avec. On apprend à gouverner un pays d'une certaine manière, et cette faculté est le meilleur endroit pour apprendre.

"Preesstige". Le nom sans gêne issu de cette langue qui semble si transparente sur ce mot, et qui est pourtant une véritable plaie à étudier. La langue morte par excellence, et qu'il a dû avaler pendant des années. Le tout dans ce misérable nom d'école géniale, où il passe le plus clair de son temps en compagnie de ceux qui l'aideront à tenir la barre lorsqu'il ne sera plus seulement "Prince héritier de la couronne en titre", mais le putain de "possesseur du pouvoir".

La journée est très longue, pour Aiden. Bien plus longue que d'ordinaire : son ordinateur vient de cracher ses dernières disquettes, son dos le fait souffrir le martyr depuis sa dernière chute d'équitation, et il doit encore retravailler ce fabuleux mémoire sur les mathématiques, que son ordinateur a balancé dans le néant en trente minutes d'intense fumée.

Il s'arrête, les deux pieds à un mètre du pas boueux de sa porte.

Au bout de deux jours de pluie, son pauvre perron en terre est au bord de l'hypoxie, et réclame les soins avancé de quelqu'un qui n'a que ça à faire que de s'occuper de ça.

Il n'est pas contre la terre ou même les jardins, bien au contraire. Mais là, il a besoin de retourner dans le seul endroit de cette planète où il va pouvoir souffler : cet appartement miraculeux possédant cet accès unique sur l'extérieur, et qui lui permet cette liberté dont il manque cruellement. De quoi faire pleurer une madeleine lorsqu'on sait ce qui vient de l'arrêter.

Il regarde longuement la chose accroupie par terre, sous son haut-vent, du papier entre les pattes et le poil ébouriffé. Trempée jusqu'aux os, et sûrement morte le lendemain matin. Mais foutue pour foutue, il s'accroupit.

Il n'est lui-même pas très grand, complexe de taille, d'ailleurs, puisqu'il ne fait qu'un mètre soixante-sept, et il est adulte depuis assez longtemps pour savoir que les contes de fées n'existent pas, il ne grandira plus.

En revanche, parler de taille pour parler de la créature là, ce serait presque euphémisant, comme principe. Aussi, il se contente de relever le tissu trempé sur sa tête, son parapluie toujours dans l'autre main, et de regarder longuement ses traits.

- Hum. Plutôt jolie.

Ouais. Aiden pourrait être un psychopathe. Il trouve la plupart des filles banales jolies. D'ailleurs, il trouve que les filles dans la moyenne sont bien plus utiles et de plus grand intérêt que les filles jolies. Alors naturellement, il pense la même chose des choses, justement. Un chien est joli quand il ne l'est pas tant que ça, et il en vient à se demander si passer sa vie à être un humain foncièrement observé n'a pas finit par lui faire envier la banalité des choses.

- Ce que je ne donnerais pas pour un café, là.

Malgré sa petite taille, et le fait que c'est un prince, Aiden n'a pas grand chose d'autre, mis à part peut-être son intelligence -surtout créée de toute pièce par son éducation, trouver un imbécile qui a des cours particuliers depuis qu'il a cinq ans, c'est dur- mais surtout, son instinct hors normes.

Toutes les décisions qu'il prend sont prises sans la moindre réflexion, du moins, quand elles sont importantes, ou que son instinct se réveille. Il a fait preuve d'une précision telle dans ce domaine, que son propre père l'a déjà appelé au beau milieu de la nuit pour lui demander s'il n'avait pas un pressentiment sur le sujet.

La Vie de ChâteauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant