Eden est levée avant lui. Ce n'est pas la première fois, le prince a remarqué que régulièrement, l'étudiante a l'air bien plus occupée que lui. Ce qui lui semble aussi peu probable qu'envisageant, mais le livre qu'elle lui tend soudainement, une brioche dans la bouche, lui ouvre de nouvelles perspectives.
- C'est quoi ?
Elle lui fait signe qu'elle ne va pas lui répondre la bouche pleine et qu'il faudrait qu'il lui délivre une main pour qu'elle s'exécute, et il prend l'ouvrage épais, avisant l'assiette de biscuits qu'elle a dans l'autre.
- Le livre sur les Notions d'Economie Primitives. Que tu devais lire pour aujourd'hui. Que tu as oublié sous mon lit, d'ailleurs. Je t'ai imprimé un compte rendu, ajoute-t-elle lorsqu'il ouvre le livre, intrigué par un renflement de la couverture.
Il avise les quelques pages noircies de caractères, puis sa colocataire.
- Tu as lu mon livre.
- Oui, et je t'ai fait un résumé. J'ai mis des marques pages aux endroits intéressants, et j'ai précisé les paragraphes avec des lignes de couleur repositionnables. Il y a des renvois à ces passages dans ce que je t'ai écrit, et bien entendu, il faudra penser à tout retirer avant de rendre le livre en fin de semaine. J'ai aussi fait quelques trucs ici et là, j'ai eu une insomnie, et j'ai été franchement incapable de lire le bouquin que j'avais pour moi, la bibliothèque étant fermée... j'ai préféré faire du rangement dans mes notes, et avancer quelques lectures pour toi. Petit déjeuner ?
Il la regarde par-dessous, franchement suspicieux :
- Tu ronflais, à trois heures.
- Oui, eh bien, merci d'avoir ouvert et refermé la porte, j'ai pas réussi à me rendormir, dit-elle.
En réalité, elle a tellement eu peur qu'il ne se soit levé pour travailler aussi tôt le matin qu'elle n'avait pas réussi à se rendormir. Alors autant s'occuper de ce qui l'inquiétait, elle a peut-être fait la plupart des recherches qu'Aiden avait à faire pour les deux prochaines semaines. Elle a tout organisé sur la table, par post-it, couleurs, et surtout, le tout à l'ordinateur. Elle s'est d'ailleurs découvert une amélioration en écriture tapuscrite qui lui a fait gagner du temps, et elle est assez satisfaite du rendement de ces quatre dernières heures. Sans parler de ce livre qu'elle a en réalité commencé la veille pour essayer de passer le temps, à la place de celui trop mal écrit qu'elle aurait pu lire pour ses propres cours... ça et le fait qu'elle avait emprunté son maximum de livres pour la journée, après avoir fait des aller-retours entre le bureau de ses enseignants-employés, la bibliothèque, et l'appartement.
- Je me demande presque quand je me suis rendue en cours pour la dernière fois.
Elle ne sèche que les cours magistraux, histoire de gagner du temps sur ce qui sera de toute façon redit encore et encore dans les cours en groupes soi-disant « d'application », mais quand même. Si elle pouvait assister à plus de deux heures de cours par jour, ce serait peut-être mieux. En attendant, elle assiège la bibliothèque jusqu'à son ouverture, et l'occupe jusqu'à sa fermeture. Tout ça à cause de ces maudites réglementations sur les quantités maximum d'emprunt.
- Eden... je sais que je t'ai demandé un coup de main pour certaines choses, mais je suis certain que je t'ai confié des travaux linguistiques, et ça... dit-il en désignant l'ouvrage, assez fin, compte tenu du massacre historique dont il fait preuve, au sens de l'écrivain en herbe.
- Je sais, mais je ne suis pas d'accord. Je t'ai précisé d'autres sources, et d'autres réponses pour valider, ou invalider, assez souvent, je te l'avoue, ce qu'il dit. Parce que ça, poursuit-elle en posant la main à pat dessus, c'est vraiment le pire bouquin sur l'économie que j'ai jamais lu. Entre nous, j'ai trouvé deux autres auteurs qui en parlent mieux, et j'avoue, dit-elle plus bas, que j'ai lu un extrait de livre scanné sur internet. Mais je ne suis pas sûre que ce soit très légal, donc tu vas oublier cette information, termine-t-elle avec un sourire entendu. Toujours pas de biscuit ? Je les ai acheté à la cafétéria. L'assiette, c'est pour nous convaincre qu'ils ne sont pas du tout surgelés, et que je n'ai pas eu besoin de les faire décongeler une heure au réfrigérateur.
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La Vie de Château
ParanormalEden est un génie des langues, capable d'en parler huit, et d'en inventer. Elle n'a pourtant que vingt-deux ans et s'est lancée dans le projet de devenir écrivain. Mais si elle est si douée dans la philologie, elle est une catastrophe ambulante, et...