Ils sont à quelques mètres de moi et je suis pris de panique.
Je démarre le moteur. Je me recule et tourne le volant rapidement. Les pneus crissent sur l’asphalte et je passe en première, poussé soudainement vers l’avant.
Derrière moi, on court. Je suis fichu.
Ils vont me rattraper avec leurs engins sophistiqués. Il y a d’autres voitures sur le boulevard. On klaxonne, l’une d’elles frôle ma voiture avant de disparaître de l’autre côté de la rue, virant bord pour bord dans un tonnerre de crissements. On klaxonne encore, mais je suis déjà loin de l’incident.
Je passe une lumière rouge, encore des klaxons qui me hurlent mon indécence. Je n’ai d’yeux que pour la route devant moi.
Je jette un coup d’œil au rétroviseur et je ne distingue pas d’autres lumières que celles des voitures.
Céleste et ses comparses ne risqueraient pas d’être vus même la nuit et pourtant c’est un peu ce qu’ils venaient de faire en marchant sur le terrain de stationnement du bar vers la cabine téléphonique. J’ai peut-être une autre chance de m’en sortir.
Je dois passer chez Mathieu et nous irons à la clinique dès ce soir. Mais y a-t-il un seul lieu sur terre où je peux être assuré d’être loin de leur emprise. S’ils peuvent me repérer par je ne sais trop quel moyen télépathique, où que j’aille je serai vite repéré.
Je roule donc en direction de la petite maison coquette de mon ami. Les lumières sont toutes éteintes et le lieu a l’air désert. Je stationne la voiture et je cours vers la porte d’entrée.
J’appuie sur le bouton de la sonnette à quatre reprises. Toujours pas de poursuivant, mais je sens qu’ils ne vont pas tarder, s’ils ne sont pas déjà là. Je panique à l’idée qu’ils m’ont peut-être précédé.
Je sonne encore une fois. Une lumière s’allume au salon. Mathieu ouvre la porte. Il resserre la ceinture de sa robe de chambre. Il a les yeux brillants et le cheveu en désordre. Je viens de les déranger dans leur intimité. Je bredouille de plates excuses :
— Ils sont là. Céleste et sa clique me poursuivent. Qu’est-ce que je fais?
— Entre vite. Je m’habille et on s’en va à la clinique tout de suite.
— Qui est-ce mon amour? entends-je en écho dans le corridor.
— C’est Normand. Il est en crise. Je l’amène à la clinique tout de suite, dit Mathieu en me faisant des grands signes de me taire.
J’entends les pas d’Annabelle qui court presque à ma rencontre.
— Norm, mon pauvre petit chéri. Qu’est-ce que tu as fait encore?
Je suis assez brillant pour feindre que je suis complètement saoul. Je vacille, je trébuche, je me lamente, je pleurniche.
Est-ce qu’on sait vraiment ce qu’on a l’air quand on est complètement bourré? En fais-je trop?
Elle essaie de me retenir, de m’aider à me tenir debout. Son corps sent le sexe et je profite de l’occasion pour en remettre. Mathieu arrive sur l’entrefaite :
— Normand, grands dieux, reprends-toi. Tu vas faire tomber Annabelle.
— C’est drôle, il ne sent pas l’alcool comme d’habitude. T’es sûr qu’il n’a pas pris autre chose? Des pilules? De la cocaïne? Occupe-toi en bien et appelle-moi.
Elle l’embrasse et je me reprends un peu, quoiqu’encore gris de son odeur. Que voulez-vous, je suis un pervers. Mais je titube encore quand Mathieu me prend sous les épaules pour me soutenir. Nous sortons.
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Ma femme en bleu [version originale]
Science FictionÉmergeant lentement d'une bonne cuite, Normand Poitras se réveille auprès de celle qu'il appellera Céleste, une femme à la peau bleue, au sang froid et aux yeux baignant dans une gélatine visqueuse. Comme il tente de l'inviter gentiment à quitter le...