7 - Date sans date

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J'ai le seum, le seum parce que je ne suis pas solitaire par choix, du coup je m'attache vite aux gens, trop vite.
Il a suffit d'un rien, une soirée à parler dans un studio photos du bendo et :

[De Axel] (non, il n'est plus en +33) : Je suis bien arrivé, j'aurais juste dû te laisser le casque pour être sûr d'un prochain date.

[À Axel] : Ravie de savoir que nous étions en date. Quant au casque, j'aurais très bien pu le garder pour mes sessions Daft Punk et ne jamais te le rendre donc t'as bien fait de le récupérer.

[De Axel] : Au pire, maintenant que j'ai ton adresse... mais je suis sérieux, j'aimerais bien qu'on se revoit. Et ne me réponds pas que de toutes façons on se voit samedi au théâtre. T'as bien compris ce que je veux dire.

[À Axel] : C'est pas très drôle si t'anticipes mes réponses.
Ok, mais seulement si c'est moi qui t'emmène quelque part.

[De Axel] : Où tu veux...

[De Axel] : Par contre est-ce ce qu'on peut se voir demain, j'ai une proposition à te faire ?

Rappelez-moi pourquoi je suis rentrée dans son jeu déjà ? Non parce que là c'est clairement mort, on ne va pas se mentir et faire semblant d'avoir une simple relation (beurk, juste le terme m'écœure) de camarades de théâtre.

Après ça je me suis endormie et nous ne nous sommes pas échangés d'autres messages de la semaine. J'ai une fâcheuse tendance à ignorer certains messages, parfois par flemme ou lorsque je ne sais pas quoi dire. Puis ça traîne et je me dis que c'est trop tard.

...

Nous sommes mercredi et aujourd'hui je suis de fermeture au magasin.
La déco c'est bien joli mais qu'est-ce qu'on s'ennuie quand on travaille dans un magasin spécialisé. Moi en tout cas, je m'ennuie mais j'ai un loyer à payer et puis il y a pire donc je ne m'en plains pas.

Rien de bien palpitant dans cette journée. Après avoir fermé le magasin, notre manager est parti de son côté après nous avoir dit au revoir à Samuel et à moi, qui nous sommes aventurés vers une autre sortie du centre commercial.

- Je te dépose Hali ?

- Arrête avec ce surnom, si tu ne veux pas que je t'appelle Sam...

Samuel est un collègue que j'apprécie beaucoup. Il est sympa et pas prise de tête donc c'est cool de travailler avec lui, on rigole bien. Et heureusement, vu l'ennui qui règne parfois dans le magasin. En dehors de la boutique, vous connaissez votre go (aka moi), on ne se côtoie pas.

- Tu veux jouer à ça Hali ? Dit-il en insistant bien sur le surnom pour me provoquer.

- Je t'avais prévenu... Sam ! Il n'a pas le temps de comprendre, que je me précipite en courant pour aller me cacher derrière le premier poteau que j'aperçois, après lui avoir déversé le fond de ma bouteille d'eau dans la nuque.

Nous venions juste de passer la porte de sortie et là, je me suis effectivement pris un mur, plus tôt que prévu et plus vivant que du béton...

- Axel ? Qu'... qu'est-ce que tu fais ici ? Lui dis-je encore essoufflée de ma petite course et assez crédule.

- T'as l'air de bien t'amuser en tout cas. L'autre soir tu m'as dit où tu taffais donc je m'étais dit que je pourrais passer te chercher... te faire une surprise genre, je sais pas. Mais si je dérange et que c'était malvenu y'a pas de soucis.

- Non, non... je reprends peu à peu mes esprits. Je ne m'attendais juste pas à te voir ici, et encore moins à te rentrer dedans, c'est tout. Euh c'est Samuel, mon collègue. Samuel, Axel.

Ils se disent un petit bonjour assez froid de la tête, vous savez, le truc que font les gars là... bref, ça.

- Du coup, je te dépose Hali ?

- Ahah ça ne t'a donc pas suffi ?!

- Merci de proposer mais je m'en occupe... Coupe Axel, avant même que Samuel n'ait eu le temps de répliquer à ma provocation.
À quoi il joue exactement ? C'est quoi ce "combat" de coqs à 3 sous ? Je ne dois rien à personne et je décide encore de comment rentrer chez moi.

- Merci Samuel, c'est adorable mais ne te dérange pas. Je m'approche pour lui faire la bise. À dimanche, j'ai vu que t'étais sur le planning avec moi encore, c'est trop cool !

Lorsqu'il se dirige vers sa voiture, je me tourne aussitôt vers Axel. Que j'ai bien envie de surnommer "glaçon désagréable mais canon". J'essaye de faire abstraction de la scène hyper chelou que nous venons de vivre.

- Je m'attendais pas à te voir.

- Oui, c'est le principe d'une surprise... Hali. Me lance-t-il mauvais, en insistant particulièrement sur le surnom faisant référence à ce qu'il a entendu de Samuel. Je peux t'appeler Hali ou c'est réservé à certaines personnes ?

Ok l'iceberg, on va se calmer.

- On peut savoir à quoi tu joues ?

- "On" c'est toi et ton pote là ? Manuel ?

- Samuel. Et "on" est un pronom indéfini, qui, en l'occurrence me définit.
Donc JE peux savoir quel est le problème ?

- Y'en a pas, à part qu'en général quand on parle des heures et des heures avec une personne, qu'on s'endort, on finit par répondre le lendemain... mais non, toi ton truc c'est de ghoster les gens visiblement.

- Axel, je n'y ai juste pas pensé.

- Juste pas pensé ? Quand on te pose une question dans la vraie vie t'oublies de répondre aussi ? Je t'apprécie vraiment bien Halima mais dans ce genre de comportement problématique, j'ai donné.

- Tu ne trouves pas que t'es un peu dans l'abus ? J'ai oublié... non je n'ai pas eu envie de répondre à ton message pour être honnête et tu sais pourquoi ? Parce que je ne savais juste pas quoi répondre !
Je ne suis pas si "captivante" que ça, je n'ai rien d'intéressant à raconter et des fois je n'ai juste pas envie de parler. Voilà.
Alors si tu me juges "problématique" au bout d'à peine 1 mois parce que je n'ai pas pu/voulu répondre à un message, alors oui effectivement, ça me pose problème aussi.

- Tu sais quoi, je vais te déposer chez toi. S'il te plaît ne refuse pas. Et je te laisserai tranquille.

J'ai enfilé le casque (tu parles d'un second date) sans ne rien comprendre à ce qui venait de se passer et nous avons fait le trajet jusque chez moi dans un silence glacial.
Aucun de nous ne s'était énervé ni n'avait haussé le ton mais tout n'était qu'incompréhension.

- Merci, je lui tends le casque, passe une bonne soirée.

-Je... je voulais pas te vexer. En fait, c'est...

- Je le coupe, non, tu n'as pas à te justifier. J'ai bien compris ton point de vue, c'est l'effet que je fais toujours, tu n'allais tout de même pas déroger à la règle. Encore merci.

Je lui souris, presque triste, en m'avançant vers mon hall d'entrée.

- Bonne soirée Halima.

Halima, raconte !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant