- Embrassez-moi encore mon chéri, dit une voix en français.
L'homme qui était étendu sur les coussins de soie du divan, les mains derrière la tête, ne bougea pas.
- Vous êtes insatiable, Elise, dit-il avec une note d'ironie dans la voix.
- Si je suis insatiable, vous êtes irrésistible!
- Il est tard maintenant, vous devriez rentrer.
- En réalité, il est encore tôt et, aujourd'hui, je ne suis pas pressée.
Elle avait insisté sur le mot « aujourd'hui » et le roi Terrence émit un son qui ressemblait à un grognement.
- Est-ce vraiment aujourd'hui? Demanda-t-il. J'avais presque eu l'espoir que ça n'arriverait jamais.
- Oui, c'est aujourd'hui, dit la femme impitoyablement, que mon mari rentre de Marseille et que votre femme allemande arrive.
Il y eut un silence, ensuite le roi remarqua, presque comme s'il se parlait à lui-même :
- Je croyais qu'elle était anglaise et non allemande...
- Peu importe sa nationalité exacte, répliqua la femme. Pour les Français, les Allemands sont une menace permanente, et les Anglais... hélas... comment pourrais-je décrire les Anglais?
- Je ne vois pas pourquoi vous chercheriez à les décrire, Elise, fit remarquer le roi.
- Je les déteste, proclama Elise Legrand avec passion. Ils sont hautains, arrogants et je suis absolument ravie de pouvoir affirmer qu'on ne trouve chez eux aucune femme séduisante!
- On m'a dit que ma future épouse était très jolie, dit le roi Terrence pensivement.
- Qui a bien pu vous dire une telle ineptie? Demanda la comtesse.
Et répondant elle-même à sa question, elle ajouta :
- Des diplomates? Des politiciens? Ou même la reine d'Angleterre en personne, la femme la plus suffisante et la plus autoritaire que je connaisse.
Elle continua avec un petit rire :
- Je sais ce que vaut ce genre de déclaration, car je suis mariée à un diplomate. Et entre ce que Daniel dit et ce qu'il pense, il y a un monde!
- Espérons que votre mari ne pense ni ne parle au sujet de nos relations, Elise.
- Je suis très discrète, dit la comtesse d'une voix douce et caressante, et je ne pourrais pas vous quitter. Vous le savez bien!
- Ne craignez-vous pas les réactions de ma femme?
La comtesse se mit à rire.
- Elle est jeune et sûrement innocente. Et sauf le cas, bien improbable, où quelqu'un lui parlerait de notre liaison, elle restera dans une ignorance bienheureuse!
- Vous devez agir avec prudence, Elise.
- Qu'entendez-vous par là? Demanda la comtesse. Auriez-vous peur du lion britannique, de la reine Victoria, ou devrais-je dire la lionne? Comment se fait-il que cette femme ait un droit de regard sur tout ce qui se passe en Europe?
Le roi ne répondit pas et la comtesse continua :
- Si vous aviez fait preuve de plus de fermeté, vous auriez refusé ce mariage que l'on vous a imposé contre votre gré. Vous savez tout aussi bien que moi que vous n'avez aucune envie de vous marier, mon cher.
- C'est tout à fait vrai! Acquiesça le roi. Mais comme vous le dites, je n'ai pas eu le courage de résister à la pression que les Britanniques ont exercé sur moi. Et j'ai donc accepté la princesse qu'ils m'avaient choisie!
- Mon Dieu, que cela sera difficile! S'écria Elise Legrand. Mais pendant qu'elle vous fera un héritier, je pourrai continuer à vous rendre heureux!
- Je crains, dit le roi que ce projet ne soit pas, comme disent les Anglais, « fair-play ».
- Les Anglais! Toujours les Anglais! S'exclama Elise Legrand sur un ton exaspéré. Ils me rendent malade! Si vous deviez absolument vous marier, vous auriez dû épouser une Française.
- Malheureusement, il n'y a pas de princesse française à marier, répondit le roi. De plus, la reine Victoria n'aurait pas approuvé une telle union.
Il avait dit ça pour la provoquer, ce qui atteint son but. Eliza poussa une exclamation de colère et elle se redressa. Elle portait un collier d'émeraudes, qui avait dû couter une fortune. Le roi l'admira pendant un moment, sans hâte il se leva du divan ou ils étaient allongés. Le canapé recouvert de coussins de soie multicolore semblait sorti d'un palais des Mille et Une Nuits. Le roi s'était d'ailleurs inspiré de la décoration du palais du sultan du Maroc. Mais le reste de l'ameublement était typiquement français avec ses commodes recouvertes de marbre, ses consoles à dorures et ses élégants miroirs ciselés.
La pièce n'était pas très grande. C'était le salon privé du roi, où personne n'était autorisé à entrer sans une invitation spéciale. La suite officielle était située à un angle du palais, elle permettait aux invitées du monarque d'emprunter un petit escalier au bas duquel une porte dérobée ouvrait directement sur les jardins.
Le roi se dirigea vers la fenêtre et il ouvrit les rideaux de satin.
- Le jour va bientôt se lever, dit-il. Il faut que vous partiez Elise.
- Il n'y a rien à craindre, répondit-elle doucement, ma voiture m'attend de l'autre côté du mur du palais et mes serviteurs sont tout à fait sûrs.
- En d'autres termes, ils vous ont assistée dans le passé pour vos escapades amoureuses, sans jamais mettre votre mari au courant de nos relations et vous en déduisez qu'ils ne le feront jamais.
- Pourquoi le feraient-ils? Demanda Elise Legrand.
- Parce que, actuellement, je suis dans une position tout à fait vulnérable, vous le savez.
- Vous vous faites trop de soucis, répondit la comtesse. Pensez à l'empereur! Il n'y a pas une seule jolie femme à Paris qu'il ne l'ait entrainée dans son lit. Je suis, moi, venue à vous!
- Je vous en suis tout à fait reconnaissant! Dit le roi.
- Écoutez-moi, je n'ai pas l'intention de vous quitter mon chéri. Jamais une femme n'abandonnerait un homme aussi irrésistible que vous!
Elle avait dit ça d'une voix caressante et le roi se retourna pour contempler la jeune femme encore assise sur le divan, presque nue. Il la regarda fixement et elle leva les yeux vers lui.
- À quoi pensez-vous? Demanda-t-elle au bout d'un moment.
- Je me demandais ce qui vous rendait si séduisante. Vous êtes une maîtresse obstinée, une épouse infidèle et si je ne me trompe, votre cœur n'écoute que votre raison! Pourtant, vous êtes si attirante.
- Je peux répondre très facilement, c'est parce que je brûle d'un feu ardent. Ce que je vous donne est quelque chose que votre femme anglo-allemande ne pourra jamais vous donner!
- Comment pouvez-vous en être sûre? Demanda le roi d'un ton amusé, les yeux pleins de malice.
- Les Allemandes sont ennuyeuses, molles et sans la moindre imagination. Quant aux Anglaises, elles sont froides, pleines de taches de rousseur et ne pensent qu'à leurs biens. Comment imaginer que la passion puisse éclore sur des terres aussi ingrates?
Le roi éclata de rire.
- Vous être très loquace sur ce sujet, Élise. Dans quelques heures, nous serons en mesure de vérifier si vos hypothèses sont justes ou si la reine Victoria a été un peu plus fine que nous le supposions.
- Fine? Qu'entendez-vous par fine? Demanda la comtesse. Voulez-vous insinuer que votre femme ne correspondra pas à la description que je viens de vous faire? Mon Dieu! Je connais bien les Anglais et leurs femmes n'ont aucune séduction, aucune. Regardez les Anglais qui viennent à Paris! Que cherchent-ils? L'amusement, la gaieté et les plaisirs de la chair qu'ils ne trouvent pas dans leur propre pays!
- Vous avez peut-être raison, dit le roi avec bonne humeur, et sans doute Paris, nous le savons bien, offre-t-il d'innombrables possibilités de satisfaire ce que vous appelez les « plaisirs de la chair ».
- En ce qui vous concerne, vous n'avez pas besoin d'aller à Paris.
Elle tendit les bras au roi qui ne répondit pas à son invitation.
- Il se fait tard et vous ne pouvez plus rester ici, Élise. Rentrez chez vous. Il ne faut pas que vous soyez trop fatiguée lors du retour de votre mari.
- Je suis toujours aimable avec Daniel, dit-elle en laissant tomber ses bras. Ce sont les Anglais qui créent les scandales en n'ayant pas le bon sens de rester aimables avec leur partenaire officiel lorsqu'ils sont amoureux ailleurs.
- Je suis bien d'accord avec vous! C'est une erreur! C'est pourquoi, je vous répète, Élise, que vous devez retourner à l'ambassade.
La comtesse se leva en poussant un léger soupir. Quand elle fut debout, elle poussa un cri et s'élança vers le roi. Elle lui passa les bras autour du cou pour attirer son visage vers le sien.
- Je vous adore, dit-elle avec passion.
Le monarque laissa ses lèvres effleurer les siennes, puis il se dégagea. Élise fit la moue et se mit à rassembler ses vêtements éparpillés sur le sol. Quand elle fut enfin habillée, le roi posa sur ses épaules un grand manteau de zibeline noire qui lui descendait jusqu'aux pieds et elle se couvrit la tête d'un foulard qu'elle rentra sous la fourrure.
- Quand pourrai-je vous revoir? Demanda-t-elle d'un ton anxieux.
Le roi haussa les épaules et répliqua presque sèchement :
- Sans doute demain matin lorsque le corps diplomatique recevra la princesse, ou peut-être pour le corso fleuri de l'après-midi.
- Vous savez bien que je parle d'autre chose.
- Lorsqu'il vous sera possible de revenir, je vous ferai parvenir le message habituel.
- Vous savez que j'attendrai de vos nouvelles, dit-elle d'une voix douce.
Elle s'arrêta, puis ajouta :
- Je suis très jalouse! Comme je voudrais pouvoir être à la place de votre femme! Cette étrangère...
- Vous êtes aussi une étrangère, ma chère Élise!
- Mais pensez à ce que nous avons en commun...
Il se mit à rire, la prit par les épaules, l'entraîna à travers le salon et ouvrit une porte dissimulée dans un des angles de la pièce. Elle cachait se fameux escalier qui conduisait aux jardins. Il était si étroit que l'on ne pouvait le descendre que l'un pied derrière l'autre.
Quand ils furent dehors, Élise enlaça une nouvelle fois le roi et attira son visage contre le sien.
- Bonne nuit Élise, et merci pour cette merveilleuse soirée, dit le monarque.
Il l'embrassa et porta sa main à ses lèvres. Dehors, l'aube était en train de se lever.
La comtesse s'éloigna vers sa voiture, qui l'attendait. Après l'avoir suivie du regard pendant quelques secondes, le roi referma la porte et regagna le salon par le petit escalier. Ça sentait encore le lourd parfum que préférait Élise. Il quitta la pièce et retourna dans sa chambre. Son valet arriva pour le déshabiller. Il s'était allongé dans le grand lit à baldaquin surmonté d'une couronne dorée, dans lequel tous les roi de Maxence avaient dormi depuis plus de deux cents ans. Mais il ne trouva pas le sommeil. Il pensait à Élise et aux propos désobligeant qu'elle avait tenus au sujet de sa future épouse. Il ne put s'empêcher de se demander si sa malveillance était fondée. Toute la colère qu'il avait ressentie chez elle lorsqu'elle avait appris ce mariage l'autorisait à s'interroger sur sa bonne foi. Il avait toujours eu l'intention de se marier un jour ou l'autre et produire un héritier. Mais il n'avait pas pensé qu'on lui imposerait ce mariage et qu'il se trouverait dans une position telle qu'il lui serait pratiquement impossible de s'opposer aux volontés d'une puissance étrangère. Mais son pays avait besoin de l'aide commerciale et politique de l'Angleterre et le prix que l'Angleterre avait demandé en échange de sa protection – ce mariage, était finalement bien peu de chose.
- Je refuse! Je refuse catégoriquement! Aurait voulu pouvoir dire le roi lorsqu'on le lui avait imposé.
Mais son père lui avait enseigné à s'exprimer sans emportement et à écouter sans commenter les arguments qu'on lui avançait. Ce projet de mariage ne lui plaisait pas et recevoir les félicitations du monde entier était difficile à supporter.
Le Conseil n'avait pas voulu l'écouter quand il leur avait dit qu'il n'y avait aucun danger du coté des Français. L'empereur lui-même le lui avait dit.
Il pensa au déploiement de luxe et de l'extravagance à Paris. Son père avait été strict avec lui, il n'avait donc pas pu s'amuser comme il le voulait pendant ses études. Mais depuis qu'il était roi, il avait visité plusieurs pays et il avait apprécié ses voyages. Mais il n'avait pas fait de voyage en Angleterre. Il y était allé quand il était plus jeune et il s'était ennuyé.
« L'Angleterre est vraiment ennuyante et peut être qu'Élise a raison, ma femme va me faire mourir d'ennui! »
Il pensa à sa future femme. La tempête avait retardé son arrivée.
« Quel malheur que le bateau n'ait pas coulé! J'aurais dû alors respecter au moins une année de deuil avant qu'on ne me propose une autre épouse! » Se dit-il.
Sa mère aurait été horrifiée d'entendre une réflexion pareille de sa part. Elle désapprouvait sa liaison avec Élise. Il aimait beaucoup sa maman, mais il était le roi...
Le navire de guerre anglais n'avait pas coulé bien sûr! Ses sujets espagnols étaient heureux que la princesse vienne de l'Angleterre. Au moins elle ne venait pas de France. Ils avaient peur d'une invasion par la France... Son Conseil voyait que c'était plus sage pour Maxence de se lier à l'Angleterre au lieu de la France. Il trouvait cela ridicule leur manque d'assurance, mais... L'empereur lui avait donné sa parole. Il finit pas s'endormir lorsque les rayons de soleil essayaient de percer les rideaux de satin. Lorsqu'on le réveilla par son valet, il eut l'impression qu'il venait à peine de fermer les yeux.
- Quelle belle journée, Votre Majesté! Les gens sont arrivés pendant la nuit.
- Pourquoi faire?
- Pour accueillir la princesse, Votre Majesté! On vient de me dire que le navire est en vue. Il jettera l'ancre vers 11 heures.
Le roi se réveilla à contre cœur. Il alla s'apprêter pour aller prendre le petit déjeuner avec sa mère. Quand il arriva dans la salle à manger, il trouva la reine-mère Eleonor assise à la grande table. Elle etait toujours tres belle et semblait toujours trop jeune pour être sa mère. Il y avait des journaux sur la table, qu'il regarda distraitement. Elle leva la tête en le voyant. Elle lui sourit.
- Bonjour, mon fils.
- Bonjour, mère, dit-il en lui rendant son sourire.
- Vous avez encore passé une nuit blanche? Demanda-t-elle sèchement, elle était là, n'est-ce pas?
- Je ne sais pas de quoi vous parlez, mère.
- Votre future femme arrive aujourd'hui, vous auriez pu vous abstenir de voir votre maîtresse la veille de son arrivée, tout de même!
- On m'a imposé ce mariage, mère...
- Nous avons besoin de l'Angleterre au cas où la France...
- L'empereur m'a donné sa parole..., interrompit le roi.
- Moi je dis qu'il n'y a pas de fumée sans feu. Cette traînée française est venue dans votre lit pour vous embrouiller, pour vous faire croire que vous contrôlez la situation, lorsqu'en fait c'est la France qui vous contrôle en vous envoyant une maîtresse. Elle est mariée pour l'amour du ciel!
Le roi ne put s'empêcher de penser que sa mère avait peut-être raison. Élise Legrand, la femme de Daniel Legrand, l'ambassadeur de France, était venue lui faire les yeux doux et lui n'avait pas pu résister. Le fait qu'elle soit la femme d'un autre homme rendait la situation plutôt excitante... Mais non! Il avait la situation en main.
- Mère, je vous en prie. Tout va bien. J'ai la situation en main.
- Mon souverain chéri, dit-elle, si c'était le cas, l'Angleterre ne vous aurait pas imposé une princesse à épouser. Je me trompe?
Il jeta un regard noir à sa mère.
- Mère, je vous en prie, laissez-moi la politique et les affaires du pays.
- Déjà, le peuple pense que vous favorisez la partie française, en plus vous avez une maîtresse française...
- C'est tout à fait ridicule! Maxence est composé de deux peuples. Peut-être que je devrais prendre aussi une maîtresse espagnole pour que le peuple soit rassuré.
- Ne soyez pas ridicule! Heureusement que la reine Victoria vous envoie une princesse, l'Angleterre est plus ou moins impartiale dans tout ça...
Le roi voulut répliquer que cette princesse lui avait été imposée, mais il se tut. Discuter politique avec sa mère ne lui plaisait pas. Elle ne prenait pas de gants avec lui, sous prétexte qu'il était le souverain du pays, mais elle était sa mère et la reine et malgré sa position de souverain, elle avait tenu à passer le maximum de temps avec lui et lui montrer tout l'amour que son père ne lui donnait pas.
Comme son fils ne répondait pas, elle prit un des journaux.
- Avez-vous au moins regardé les portraits faits de votre future épouse?
- Ils ne sont pas très clairs, et je vais la voir dans pas très longtemps, mère. Inutile de faire un portait dans ma tête.
- J'espère que vous aurez le bon sens d'arrêter votre liaison avec votre... la femme de l'ambassadeur de France.
- Mère je vous en prie! Je ne vais pas discuter de ma vie d'homme marié avec vous!
Ignorant la réplique de son fils, sa mère continua.
- Vous savez au moins que votre liaison est un secret de Polichinelle? Votre future femme en a sûrement entendu parler.
- Personne n'est au courant mère...
- Moi, je suis au courant, et l'entourage de l'ambassadrice est au courant. Tout le palais est au courant. Tout le monde fait semblant, c'est tout!
Tout en parlant, il buvait sa tasse de café noir.
- Mère, arrêtez, je vous en prie. Je vais aller dans la bibliothèque en attendant l'heure de l'arrivée du bateau.
Il s'approcha d'elle et lui fit une bise sur le front.
- À tout à l'heure mon fils! J'ai hâte de voir votre future. Elle sera sûrement très belle.
- Comment pouvez-vous en être sure? Les Anglaises ne sont pas réputées pour leur beauté. Regardez la reine...
- La reine a pris du poids après avoir eu tous ses enfants, c'est tout. Qui vous a dit que les anglaises n'étaient pas attirantes? Non, laissez-moi deviner, votre cocotte d'ambassadrice? Elle est jalouse, mon cher!
- Savez-vous quelque chose que je ne sais pas, mère?
- C'est la fille de la grande-duchesse Georgie de Willenstein, qui est d'une grande beauté. Et si je m'en tiens au dessin dans le journal, elle est plutôt agréable à regarder et elle ressemble à sa mère...
Le roi, étrangement, au lieu d'être soulagé, était déçu. Si la princesse anglaise était une beauté... Il faut dire qu'il avait été contraint d'accepter un mariage avec une princesse anglaise qu'il n'avait jamais vue, parce que son pays ne pouvait pas se permettre de froisser l'Angleterre, qui lui donnait une « protection » contre la France... qui était superflue, car la France n'allait pas les annexer, l'empereur lui avait donné sa parole...Si la princesse était jolie, comme le disait sa mere, c'était parce que l'Angleterre avait eu le bon sens de lui envoyer une femme au moins agréable à regarder. Elle etait fine, la reine Victoria!
- Eh bien nous allons la voir tout à l'heure, dit le roi en partant, et nous verrons si c'est vous qui aviez raison...
« Ou Élise... » Compléta-t-il dans sa tête, en allant dans sa bibliothèque.
Les diplomates et les politiciens avaient aussi dit qu'elle était très jolie. Sa mère le confirmait, ça ne pouvait qu'être la vérité. Élise était tout simplement jalouse, c'est tout. Pourquoi s'était-il mis en tête que sa future n'était pas très attirante? Pour faire plaisir mentalement à Élise? Ce qui était absolument ridicule! Il pensa à sa future.
« De toute façon, pensa le roi, quoi qu'il en soit, nous aurons sûrement bien peu de goûts en commun! »
Après avoir expédié son courrier, il alla, de mauvaise grâce, enfiler le costume d'apparat qui était de rigueur dans les cérémonies officielles, aidé par son valet.
- Si vous ajoutez encore d'autres décorations, dit-il à son valet, je vais finir par ressembler à un arbre de Noël!
- Mais il faut que vous portiez celle de l'Ordre des Martyrs de Maxence, Votre Majesté! Protesta le valet.
L'attention du roi fut attirée par ce mot.
- C'est bien ce que je suis, dit-il tout en contemplant son reflet dans le miroir, un martyr!
Ensuite, il se mit à penser que, malgré les circonstances qui entouraient ce mariage, il n'avait pas l'intention de se laisser manipuler par sa femme ou de la laisser exercer un quelconque pouvoir sur lui, comme l'avait fait la reine d'Angleterre.
« Si elle pense jouir d'une quelconque autorité ici, une surprise l'attend! Pensa-t-il en colère. Je veux être le maître dans mon propre palais, même s'il m'est difficile de l'être dans mon pays! »
Il traîna la patte et ne descendit les marches du palais qu'à la dernière minute. Il savait que ses aides de camp étaient inquiets car, loin de monter l'empressement d'un futur époux, il retarda volontairement son entrée dans la grande salle jusqu'à l'arrivée de la voiture.
- Le cortège entre dans le parc, Sire, lui annonça un de ses aides de camp, ne pouvant contenir plus longtemps son impatience.
Tout le monde savait qu'il aurait été outrageant pour la princesse de devoir descendre la voiture et de commencer à monter seule les marches du palais. Alors que tous ceux qui l'entouraient le regardaient d'un air implorant et que la porte de la voiture avait été ouverte pour laisser descendre Candice, le roi s'avança enfin vers elle. Avec lenteur, il se mit à descendre l'escalier recouvert d'un tapis rouge, entre deux rangées de gardes d'honneur.
Il aperçut enfin une silhouette vert pâle et un visage bien plus fin qu'il ne l'avait imaginé. Il descendait les marches une à une et la forme verte se rapprochait de lui.
Candy tournait la tête de côté et d'autre pour répondre aux acclamations des invités. Le roi, lui, regardait droit devant lui sans avoir l'air d'y prêter attention.
Avec une précision qui ne fut sûrement qu'une coïncidence, Terrence et Candice se rencontrèrent exactement à mi-chemin du grand escalier.
Le regard de Candy fut d'abord attiré par les décorations que le roi arborait puis elle leva les yeux vers lui, timidement.
Lorsque leurs yeux se croisèrent, Candice eut un sursaut. Elle s'exclama de manière tout à fait involontaire :
- Oh! Vous êtes beaucoup plus beau que je ne le croyais!
Le roi la regarda et toute sa colère s'envola tout à coup. Elle était une bouffée d'air frais!
- Et vous êtes plus belle que je ne l'imaginais! Dit-il en souriant. Puis-je me permettre Votre Altesse Royale de vous souhaiter la bienvenue à Maxence? Je suis très honoré de vous accueillir dans mon pays et je prie le Seigneur qu'il bénisse notre union et que vous soyez heureuse ici.
Il prit sa main tout en parlant et la porta à ses lèvres, ses yeux toujours fixés sur son visage. Il n'avait jamais imaginé la porcelaine de Dresde autrement que rose, blanche et dorée. Et le visage qu'il découvrait avait l'air de cette matière délicate, il vit des taches de son. Il repensa à ce qu'avait dit Élise sur les Anglaises... mais il trouva les taches de son sur le nez de Candice, adorables. Les yeux de Candice avaient le vert des émeraudes, comme celles qu'il avait vu au cou d'Élise. Tout en sa future lui rappelait Élise! On dirait que c'était un signe pour...Non, c'était ridicule!
La bouche de Candice souriait lorsque, au lieu du petit discours qu'elle devait prononcer, elle dit d'un ton embarrassé :
- Pardonnez-moi pour ce que je viens de dire...
- J'ai trouvé ça charmant et très flatteur pour moi. Merci pour le compliment.
- Merci à vous aussi. J'avais préparé un petit discours... mais par malheur, je l'ai... oublié!
- Étant donné que c'est moi qui ai eu cet effet sur vous, je ne vous en veux pas du tout!
La grande-duchesse approchait maintenant et elle se plaça juste derrière Candice. L'ambassadeur d'Angleterre qui la suivait se mit aux côtés de la princesse.
- Puis-je vous présenter Votre Majesté la grande duchesse de Willenstein? Dit l'ambassadeur d'un ton cérémonieux.
Le roi se pencha sur la main de la grande duchesse qui lui faisait une révérence.
- Vous êtes encore plus belle que votre fille, Madame.
- Merci, Votre Majesté.
Ensuite, il offrit son bras à Candice et ils entrèrent dans la grande salle du palais.
- Que devons-nous faire à présent? Lui demanda Candice discrètement.
- Je vais vous présenter à ma mère, ensuite au Cabinet, à la Maison du roi, au Corps diplomatique et aux autres personnalités importantes de Maxence, répondit le roi.
- J'espère que je ne vais pas faire d'impair, murmura Candice.
- Vous n'avez rien d'autre à faire que leur sourire.
« En d'autres termes, il me dit : « sois belle et tais-toi » », se dit Candy.
Ils traversèrent le grand salon et se dirigèrent vers la salle du Trône, une copie de la galerie des Glaces du château de Versailles.
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CANDICE ET LE ROI
FanfictionLa jeune Candice est envoyée par la reine Victoria pour epouser le roi Terrence de Maxence...