Chapitre 8 « La lune de miel »

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Lorsque Candice se réveilla le matin, elle était seule dans son grand lit aux draps de soie. Elle essaya de se souvenir des événements de la veille au soir, ensuite elle se rappela avoir bavardé avec le roi mais elle s'était endormie au milieu de leur conversation. Avoir le roi d'accord avec ses conditions l'avait tellement soulagée, qu'elle s'était endormie en paix à ses côtés. Il était monté dans son estime... son cœur battait la chamade quand elle pensait à lui. Mais s'il ne tombait pas amoureux d'elle? Elle sera forcée, la mort dans l'âme, de remplir son devoir conjugal. Mais elle était heureuse que le roi se donnait la chance de la connaître mieux pour voir s'il pouvait tomber amoureux d'elle. Sa mère lui avait dit que le roi l'aimait déjà, il ne le savait pas encore, c'est tout. Disait-elle la vérité? Seul l'avenir le dira. Si sa mère avait raison, ce n'était qu'une question de temps avant que le roi ne se manifeste.

Elle tourna la tête et regarda la lumière des rayons de soleil qui filtraient dans la pièce de chaque côté des rideaux, elle pouvait voir que l'oreiller sur lequel il avait posé sa tête était froissé. Et en partant, il avait délibérément froissé les draps comme s'il avait passé toute la nuit dans ce lit.

« C'était une très bonne idée et cela suffira à tromper les domestiques du palais, » se dit Candice.

Elle se demanda cependant si d'autres couples avaient déjà passé une telle nuit de noces! Elle avait été soulagée de voir que le roi n'était pas fâché contre elle. Elle se trouvait maintenant dans le grand lit où tant de reines avaient déjà dormi, et elle se demandait si elle s'était trouvée confrontée aux mêmes problèmes en soupçonnant l'attachement de leur mari pour une autre femme... L'image de la comtesse Legrand lui revint à l'esprit; ses yeux enjôleurs, sa bouche si bien dessinée suggéraient beaucoup de sensualité, tout comme la grâce de son cou fin et de son corps souple. Elle devait arrêter de penser à elle, comme dit sa mère, c'était elle sa femme, pas la comtesse! Elle devait gagner l'amour de son mari.

Le roi avait été si gentil et plein de compréhension lors de leur conversation sur l'amour. Au plus profond d'elle-même, elle avait peur qu'il ne réfute ses arguments, non par des mots mais en usant de ses droits d'époux. Elle savait que dans ce cas, elle n'aurait rien pu faire. Personne n'aurait pu venir à son aide. Elle aurait aussi fait son devoir d'épouse.

Le roi était fascinant et Candice était sensible à son charme de séducteur bien qu'elle le trouvait encore un tout petit peu intimidant. Elle aurait aimé avoir plus d'expérience, car, pensait-elle, elle aurait exactement su ce qu'elle devait faire avec un homme. Mais que désirait-elle? Elle connaissait la réponse à cette question : elle désirait que le roi tombe amoureux d'elle, elle voulait supplanter dans son cœur la séduisante comtesse française. Elle était sa femme, et elle savait qu'elle l'aimerait aussi, si elle ne l'aimait pas déjà.

Quand Dorothea vint ouvrir les rideaux pour faire entrer le soleil dans la chambre, elle lui dit :

- J'ai appris que Votre Majesté partait en promenade ce matin. C'est une très belle journée et il fera chaud soleil. Il serait cependant prudent d'emporter une veste légère ou un châle.

- Dois-je prendre mon petit déjeuner avec sa Majesté? demanda Candice.

Elle était embarrassée d'avoir à poser cette question et se reprocha d'avoir oublié d'en parler au roi.

- Vous avez dormi tard, répondit Dorothea, et je pense que Sa Majesté a déjà déjeuné.

- Dans ce cas, pouvez-vous m'apporter mon café ici? dit Candice.

Quand Dorothea fut sortie, elle se leva et alla à la fenêtre pour admirer les jardins du palais.

« Que pense le roi ce matin? se demanda-t-elle. Se réjouit-il de la journée que nous allons passer ensemble ou bien préférerait-il être avec la comtesse Legrand? »

Elle se dit qu'elle allait passer du temps avec le roi, elle devait arrêter de penser à sa rivale et jouir de la présence de son mari. Dorothea revint avec sa tasse de café, pour lui dire que le roi avait ordonné que la voiture soit prête dans une heure.

- Eh bien je ne dois pas le faire attendre...Merci pour le café, Dorothea. Apprêtons-nous!

Elle se lava dans un bain parfumé que Dorothea lui avait préparé. Elle sortit de son bain et Dorothea l'aida à se sécher et à enfiler sa robe après avoir mis de la crème parfumée sur son corps. La robe qu'elle mit pour la promenade était jaune pâle, très simple et beaucoup plus légère que sa robe de mariée de la veille. La mousseline de sa robe tombait bien et les talons de Candy lui permirent d'être un peu plus grande et empêcher le bas de la robe de traîner par terre. Dorothea l'avait coiffée.

- Pas de couronne aujourd'hui, hier j'avais l'impression que ma tête allait tomber...

- Sa Majesté peut en faire faire une plus petite et moins lourde.

- Oui, c'est ce que je vais faire. En attendant, je vais laisser ma pauvre tête se reposer, dit-elle en souriant.

Elle descendit cinq minutes avant l'heure convenue. Mais Terrence était déjà dehors en train de faire l'inspection des chevaux. Lorsque son épouse arriva au bas de l'escalier, elle aperçut un cabriolet très élégant qui les attendait. Elle apprit plus tard que c'était un équipage à la mode que possédaient les hommes les plus chics de Paris. Le roi l'avait d'ailleurs acheté lors de sa dernière visite à la capitale française, mais le délai de livraison avait été assez long et c'était la première fois qu'on l'utilisait.

Tiré par deux superbes chevaux blancs, il était peint en noir et jaune. Candice trouva qu'il était parfaitement assorti à son conducteur, car le roi lui-même était superbe et avec elle et sa robe en mousseline jaune aussi.

Elle l'avait déjà vu en tenue civile lors de leur escapade la veille de leur mariage pour aller à la danse du corso fleuri, mais elle le trouva encore plus élégant en tenue civile royale – si c'était possible - qu'en uniforme.

Il se découvrit quand elle s'approcha de lui. Elle n'avait aucune idée de l'effet qu'elle pouvait produire dans la robe en mousseline jaune que Dorothea lui avait choisie avec le plus grand soin. Elle était fort simple mais la jupe très large accentuait la finesse de sa taille et son chapeau, ornée de boutons d'or avec leurs feuilles, était très original. Un parasol blanc cassé complétait sa tenue à elle. Dorothea savait ce qu'elle faisait et Candice la remerciait du fond du cœur.

- Vous ressemblez à un rayon de soleil! fit remarquer le roi, tout en lui baisant la main.

Des laquais aidèrent Candice à monter dans le cabriolet et le souverain prit les guides. Lorsqu'ils furent un peu éloignés, Candice remarqua alors que deux soldats à cheval les suivaient à distance. Le roi s'expliqua :

- Nous sommes obligés d'être escortés, mais ils ne vont pas nous gêner. Ils resteront hors de notre vue autant que possible. Ils savent que je n'aime pas me sentir espionné.

- Cela doit, en effet, être parfois ennuyeux, répondit Candice.

Tout en parlant, elle se demandait si le roi savait que ses domestiques étaient au courant des visites nocturnes de la comtesse Legrand. Il lui était impossible d'aller la voir : comment pourrait-il sortir du palais sans être accompagné?

Il tourna la tête pour lui sourire et elle oublia tout, sauf la joie qu'elle éprouvait d'être à ses côtés, avec la perspective qu'ils allaient avoir une journée entière à eux. En quittant le palais, le roi prit une route qui conduisait vers les collines boisées et serpentait entre les arbres. Au bout d'un certain temps, Candice se retourna et vit Greum juste au-dessus d'eux. Les maisons blanches, les arbres qui bordaient les rues et le bleu pur de la mer dans la baie formaient un ensemble admirable. Mais bientôt elle ne vit plus de maisons autour d'eux mais seulement des champs de vignes et d'œillets.

Tout en conduisant, le roi lui décrivait la vie à la campagne et elle se rendit compte qu'elle était au courant d'un grand nombre de difficultés et de problèmes qui touchaient à l'agriculture et auxquels se trouvaient confrontés les Maxençois. Les montagnes aux sommets enneigés que de si vastes étendues pouvaient évoquer un kaléidoscope – rose, bleu, jaune et blanc – les coquelicots rouge vif se mêlant aux orchidées sauvages roses pâles et aux gentianes bleues.

- C'est tellement beau! Je ne comprends pas que tout le monde ne désire pas venir à Maxence, ne serait-ce que pour un séjour de vacances.

- Je crois que c'est quelque chose que nous pourrions envisager plus tard, dit le roi : attirer des touristes à Greum n'est pas une mauvaise idée; c'est beaucoup plus beau que Nice, où l'on vient de tous les coins d'Europe, même d'Angleterre, en villégiature pendant la saison d'hiver.

Sans réfléchir Candice, répondit :

- La prospérité de Maxence est peut-être un des motifs que l'empereur a de l'annexer?

- C'est tout à fait faux, répondit brusquement le roi. Qui vous a raconté de tels mensonges? L'empereur m'a lui-même assuré qu'il n'avait aucune prétention sur Maxence, ce que je crois comme je crois aussi qu'il n'est pas intéressé par notre pays!

Candice aurait voulu lui faire remarquer qu'elle partageait son opinion, mais que d'autres personne n'étaient pas de cet avis. Mais elle se dit qu'elle n'avait pas de preuve à avancer pour soutenir son argumentation. Comme elle se taisait, le roi continua :

- Je sais très bien ce que votre secrétaire aux Affaires Étrangères, Lord William MacGregor, suppose. Les Espagnols émettent d'ailleurs les mêmes hypothèses. Mais l'empereur est mon ami et j'ai confiance en lui. Vous pouvez donc être sûre que ces calomnies sont propagées par les nations jalouses de la France!

- Je suis sûre que vous avez raison, dit Candice, pourtant la reine Victoria a souhaité notre mariage pour préserver l'indépendance de Maxence.

- Voilà qui est fait, répliqua le roi. C'est pourquoi il est inutile de s'obstiner à prêter aux Français de mauvaises intentions!

- Il n'y a pas de fumée sans feu, dit Candice doucement, son oncle a bien essayé de conquérir le monde, non? Bon, je me tais, je ne dirai plus rien sur la France.

- Un jour, je vous emmènerai à Paris. Vous rencontrerez mon ami l'empereur et sa très belle épouse, l'impératrice Eugénie. Vous serez alors convaincue que vos inquiétudes étaient vaines.

- Pardonnez-moi d'en avoir parlé, dit Candice.

- Je n'ai rien à vous pardonner, répondit-il. Il faut que nous puissions parler librement entre nous, Candice... comme vous l'avez dit la nuit dernière. Rien ne serait pire que d'avoir des secrets l'un pour l'autre.

Candice se sentit soudain bien coupable d'avoir des secrets à son égard, d'avoir intrigué avec Dorothea et demandé conseil au capitaine Salazar. Mais elle pensa que ces secrets ne comptaient pas : si elle agissait ainsi, c'était dans l'intérêt de Maxence et du roi lui-même. Et il ne faisait pas de doute qu'il avait ses propres secrets en ce qui concerne la comtesse. Candice se força de tout oublier pour essayer de distraire son époux. Elle lui raconta son Noël à Windsor et le fit rire en lui décrivant la froideur du château, l'arrogance des courtisans et le mécontentement de la reine lorsqu'ils avaient fait trop de bruit en jouant aux cartes.

- C'est exactement ce que j'ai dû endurer du temps ou mon père était vivant! dit le roi.

- Était-il très attaché au protocole?

- Oui, de façon excessive, répondit-il, c'est à peine si l'on pouvait respirer sans sa permission et il n'approuvait aucune initiative personnelle. Seule ma mère parvenait à l'adoucir un peu.

Elle s'aperçut à ses intonations qu'il avait gardé un souvenir pas très bon. Elle lui dit, soudain passionnée par le sujet :

- La cour ne doit plus ressembler à cela. Il faut que ceux qui ont du talent sachent qu'ils seront accueillis au palais. Je voudrais rencontrer des écrivains, des artistes, des musiciens! Je préfère m'entourer des gens de qualité qu'elle que soit leur origine, plutôt que de m'attacher exclusivement aux quartiers de noblesse de mes hôtes.

- Je crois que vous êtes déjà trop intelligente, fit remarquer le roi.

- Trop intelligente? répéta Candice.

- Vous me faites peur, dit-il, une belle femme n'a pas besoin d'avoir autant d'esprit.

- C'est une idée dépassée, vous le savez bien, répondit Candice, si l'on croit les journaux, il y a des femmes dans le monde entier qui commencent à faire entendre leurs opinions.

- Et qui les écoute? lui demanda le roi pour la taquiner.

- Un jour, vous y serez contraint! répondit Candice, je sais que pour l'instant nous n'avons aucun droit, nous ne sommes qu'assujetties à nos époux. Mais je suis sûre qu'un jour nous aurons plus d'influence qu'aujourd'hui!

- Que Dieu vienne au secours des pauvres hommes! s'exclama Terrence feignant le désespoir.

Puis redevenu sérieux, il demanda :

- Pourquoi n'êtes-vous pas satisfaite de n'être que ce que vous paraissez? Une jolie fleur créée par Dieu pour le plaisir d'un homme!

- Parce que les jolies fleurs se fanent trop vite, répondit Candice, et moi, je veux vivre pleinement!

Le roi détourna son attention des chevaux pour la regarder.

- Je suis sûr que vous réaliserez vos objectifs tôt ou tard, répondit-il. Mais je ne sais pas si cela m'apportera une réelle satisfaction.

Candice ne comprenait pas exactement à quoi il faisait allusion. Pour détourner la conversation, elle montra du doigt un château au loin et demanda au roi de lui en parler.

Ils arrivèrent au pavillon de chasse, une petite maison située au milieu d'une forêt de pins, où ils trouvèrent leur déjeuner prêt. Ils furent accueillis par les domestiques, vêtus du costume traditionnel, qui s'occupaient du pavillon. La nourriture était bonne quoique simple et le vin provenait d'un vignoble des alentours. Installés dans la petite salle à manger autour d'une table, simplement décorée d'un bouquet de fleurs sauvages, Candice pensait que c'était merveilleux de déjeuner en tête à tête.

- A quoi pensez-vous? demanda le roi à la jeune femme qui demeurait silencieuse.

- Je pensais, répondit-elle, qu'il m'était beaucoup plus facile de vous parler ici. Vous n'êtes pas aussi impressionnant qu'au palais!

Le roi la regarda en souriant. Il aimait beaucoup sa candeur!

- Vous voulez dire que vous me voyez maintenant comme...un homme?

- Comme lors de notre escapade? Oui, c'est exactement ce que je voulais dire, répondit Candice en souriant.

Elle souriait tout en lui parlant, leurs yeux se rencontrèrent et ni l'un ni l'autre ne voulait rompre le charme de cet instant. Elle se sentait fascinée sans pouvoir définir exactement son émotion. Il l'attirait à lui comme un aimant et la résistance était difficile! Il n'avait pas bougé et pourtant il lui semblait qu'il serait déjà dans ses bras. Un instant elle se sentit oppressée. Elle ne comprenait pas ce qu'elle éprouvait; c'était une sensation nouvelle et étrange. Par timidité, elle baissa les yeux.

- La nuit dernière Candice, vous m'avez défié, dit le roi.

Candice leva les yeux un peu surprise.

- C'est un défi que j'ai accepté, continua-t-il, celui de conquérir votre amour!

Candice rougit.

- Je... je ne crois pas qu'il s'agissait de cela.

- Vous avez dit, reprit le roi, les yeux fixés sur son visage, que l'homme que vous aimerez devra séduire votre esprit et c'est ce que j'essaie de faire.

Candice se sentit défaillir, comme si son cœur avait fait un bond dans la poitrine. C'était un sentiment à la fois agréable et douloureux.

- Jusqu'à présent, continua le roi, je n'ai toujours désiré et aimé une femme que pour son corps. C'est tout à fait nouveau pour moi d'avoir à conquérir votre esprit, ce petit esprit intelligent qui m'intrigue et me surprend.

Sa voix faisait vibrer Candice.

- Je suis heureuse d'être différente des femmes que vous avez fréquentées, dit-elle en pensant en particulier à la comtesse Legrand, je suis votre femme après tout. Je suis heureuse d'être unique.

« Cette maudite reine savait ce qu'elle faisait ou c'est vraiment le fruit du hasard que ma femme soit aussi fascinante » se dit le roi.

Il la regarda et après quelques instants, il ajouta très doucement :

- Mais puis-je me permettre de vous dire que vous êtes aussi très belle et très désirable?

Encore une fois, Candice fut décontenancée. Le regard du son époux la faisait frissonner. Il lui semblait qu'il y avait une flamme nouvelle. C'était sûrement dans sa tête...

- Savez-vous aimer, Candice? demanda le roi.

Il dut attendre sa réponse :

- Pourquoi penseriez-vous que... je n'en suis pas capable? demanda-t-elle enfin.

- Parce que, répondit-il, beaucoup d'Anglaises sont froides et inhibées et ce qu'elles entendent par le mot « amour » n'est pas ce que j'appelle, moi, de l'amour.

- Quelle signification donnez-vous donc à ce mot? demanda Candice un peu perdue.

« Je suis sûre que sa chère comtesse Française l'a empoisonné sur les Anglaises! » se dit Candy.

- Je suis méditerranéen, répondit le roi, et pour moi l'amour est un feu inextinguible, consumant tous les nerfs et tous les muscles du corps jusqu'à ce que l'on soit complètement anéanti.

Candice avait l'impression d'entendre résonner un concert de trompettes!

- Connaîtrez-vous jamais cet embrasement total de l'être, Candice ? Pourrez-vous vous laisser consumer toute entière par le feu de l'amour?

Il y eut un silence, puis Candice répondit sur un ton hésitant :

- On m'a toujours dit qu'une femme du monde devait toujours se conduire avec réserve et modération et que son mari n'attendait pas autre chose d'elle...

- Et quel est votre point de vue? Est-ce ainsi que vous pensez réagir lorsque vous tomberez amoureuse?

Elle pensa au frisson d'extase qu'elle avait espéré lorsqu'Archibald s'était approché d'elle, mais elle ne l'avait pas ressenti. C'était pourtant ce qu'elle ressentait lorsqu'elle imaginait les lèvres du roi se posant sur les siennes. Son visage laissa voir son émotion et après quelques instants, le roi insista :

- J'attends votre réponse, ma reine aux taches de son.

Candice se sentit mieux après son petit surnom pour elle et elle finit par murmurer :

- Je veux vraiment tomber amoureuse et je sais que ce sera très extraordinaire et merveilleux!

Elle s'arrêta et ajouta :

- Comme atteindre le ciel pour toucher les étoiles ou plonger au plus profond de la mer!

Leurs yeux se croisèrent.

- C'est ce qui vous arrivera, dit-il tranquillement.

Un silence qui semblait rempli d'une attirance inexplicable s'établit entre eux. Le roi se leva soudain de table.

- Nous devrions partir, dit-il d'un ton léger. Nous sommes venus ici par la montagne et nous allons rentrer par la vallée. La route est plus longue mais vous pourrez traverser les villages dont les habitants sont maintenant vos sujets.

- Cela me fera plaisir, dit Candice à voix basse.

Elle était très émue et il lui était difficile de parler avec naturel. Elle se leva aussi de table et alla à la fenêtre pour admirer la vue magnifique sur la campagne. Au loin elle apercevait le scintillement de la mer. Au premier plan se déployait un paysage vallonné couvert de vignes et par plaques parsemé de fleurs aux couleurs vives. Elle restait là, absorbée dans sa contemplation, puis elle se rendit compte que Terrence s'était rapproché et qu'il se tenait juste derrière elle. Elle avait enlevé son chapeau avant le déjeuner et le soleil auréolait ses cheveux de lumière. Elle se tourna vers lui pour lui dire :

- Tout cela vous appartient! C'est votre monde!

Les yeux fixés sur elle, il répondit :

- Pourtant, vous m'avez dit hier que je devrai le conquérir ou bien alors que je serai conquis!

- C'est difficile d'expliquer cela avec des mots, mais le seul moyen le plus sûr de conquérir un pays est peut-être de gagner le cœur de ses habitants.

Elle pensait bien sûr à l'éventuelle invasion par la France... mais comme il ne voulait rien entendre. Le roi eut une expression cynique sur le visage.

- Je me demande souvent comment réagirait la population s'il se produisait une catastrophe, dit-il. Leur dévouement serait-il plus fort que leurs craintes? Se battraient-ils au nom de leur soi-disant fidélité à la Couronne?

Candice réfléchit un moment avant de répondre :

- Je crois qu'il faut tout d'abord gagner leur confiance. Les gens , les gens du peuple ont besoin de croire en ceux qui les gouvernent. Ils doivent aussi être convaincus que ceux-ci sont constants dans leurs jugements comme dans leurs actions!

- Qui vous a appris ces choses-là? demanda le roi d'un ton brusque.

Candice le regarda avec surprise.

- Mais personne! répondit-elle. Je vous dis juste ce que je pense et c'est peut-être idiot! Mais je n'ai jamais eu l'occasion de discuter de ces idées avec qui que ce soit.

- Est-ce bien vrai?

- Pourquoi ne vous dirais-je pas la vérité?

- Parce que vous parlez comme si vous répétiez une leçon que les diplomates anglais vous auraient inculquée à mon intention.

Candice se mit à rire.

- Je voudrais bien que vous compreniez que, jusqu'à ce que l'on m'ait choisie pour devenir votre femme, j'avais trop peu d'importance pour qu'aucun d'eux ne condescende à me parler!

Elle sourit et continua.

- Lord William MacGregor a fait une visite d'une demi-heure à Hampton Court Palace avant mon départ pour Maxence. Et le Premier ministre me m'a adressé que quelques compliments insipides. En dehors de cela, je peux vous affirmer que ma vie a été parfaitement monotone, mais heureuse, auprès d'une mère que j'aime beaucoup mais qui me répétait souvent que je devais me comporter avec plus de dignité!

Le roi se mit à rire.

- C'est une peinture bien triste de votre existence que vous me faites là, Candice! Si je vous crois, le papillon s'est débarrassé seul de son cocon pour devenir une éblouissante créature!

- J'étais déjà une fleur et me voici papillon! dit Candice comme si elle se sentait agressée. Pourtant je voudrais tellement être prise au sérieux.

Le roi se mit à rire. Il pensa à ce qu'il imaginait avant de la connaître.

- Je vous promets que l'on élèvera une statue après votre mort. On placera sur l'esplanade de la Marine et tous ceux qui y passeront se découvriront!

- Mais les moineaux et les pigeons la traiteront avec beaucoup moins de respect! s'emporta Candice.

Le roi rit de plus belle.

- Allons, venez, je vais vous ramener à la maison. Je crois que vous m'avez assez fait la leçon pour aujourd'hui.

- Ce n'était pas mon intention, se défendit Candice rapidement, croyez-moi, je vous en prie! Je n'ai fait qu'exprimer mes propres réflexions.

- C'est bien là ce qui me fait peur, fit remarquer le roi.

Elle n'arrivait pas à savoir si ce qu'elle avait dit l'avait ennuyé ou si, malgré lui, il en avait été impressionné. Sur le chemin du retour, il leur fut difficile d'avoir une conversation suivie.

Lorsqu'ils arrivèrent au palais, le roi fut pris par ses occupations habituelles et Candice monta dans ses appartements privés.

CANDICE ET LE ROIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant