Les Inconnus

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Quand les engins se turent et que les occupants du véhicule posèrent pieds à terre, la première chose qu'on entendit, ce fut des souffles de soulagement.
Il était environ dix neuf heures quand la brigade 118 pu reprendre le chemin de la caserne, installant une ambiance de plomb et de fatigue extrême dans l'habitacle. Aussitôt arrivés, Hen et Eddie se précipitèrent sous les douches désireux de se débarrasser de cette poussière et cette sueur qui embaumait leur équipement. Chimney s'étira longuement, faisant des grimaces à chaque mouvement avant de se précipiter dans un coin privé et de sortir son portable. Bobby, lui, monta à l'étage et marcha rapidement vers la cuisine. A peine repartis du centre ville, il avait promis à ses hommes qu'il prépareraient un repas digne de leurs exploits aujourd'hui, et ils étaient tous impatients à l'idée de déguster quelque chose préparé par le capitaine.
Buck était resté pensif tout le long du trajet, personne n'avait été capable de lui arracher le moindre mot. Arrivé à la caserne il était immédiatement parti dans la salle des vestiaires et c'était assis sur le banc, face aux casiers.

Ses doigts jouaient nerveusement les uns avec les autres, essayant de se débarrasser des taches de sang des personnes qu'il avait essayé de sauver. Comment pouvait-il prétendre vouloir sauver des inconnus quand il n'étais pas capable de se sauver lui-même ?

On frappa à la porte dans son dos et il sursauta, lançant un regard discret vers la personne qui vint s'asseoir à ses côtés.

-Tu n'as pas dit grand chose sur le chemin du retour, commença Bobby en fixant les casiers gris droit devant lui. Tu vas bien ?

Cette fois-ci il avait tourné la tête et rien que ce regard suffit à le mettre terriblement mal à l'aise. Il souffla, se redressant.

-Tout va très bien Bobby. Ça fait juste beaucoup de choses à réfléchir en peu de temps.

-Pour ta première semaine, c'est plutôt solide.

Ils restèrent silencieux quelques instants, le capitaine gardant les yeux posés sur les mains rougies du jeune pompier. Il fouilla dans sa poche arrière.

-Si parler avec tes amis est trop compliqué, la ville nous met des professionnels à disposition. En tant que capitaine je te conseille vivement d'aller discuter avec quelqu'un de cette journée, lui avoua t-il en tendant une petite carte blanche avec un numéro et une enseigne.

Buck la prit entre ses doigts et l'observa vaguement, le regard perdu dans le vide.

-Je prépare le repas de ce soir, j'espère t'y voir. Apporte une joli sourire avec toi, tout le monde en a grandement besoin.

Il se leva et posa une main réconfortante sur son épaule avant de se diriger vers la sortie. Buck se retourna.

-Bobby? L'interpella t-il. Je ne vais pas rester avec vous ce soir. Je pense que ce dont j'ai le plus besoin, c'est d'un peu de calme et de repos. Je suis désolé.

Il cligna des yeux et esquissa un sourire.

-Je te garderais une part au frigo.

Il lui lança un regard fier et compatissant avant de quitter la pièce.

-Et Bobby ! Le stoppa t-il encore une fois en se levant.

Les mots restèrent figés dans le fond de sa gorge, refusant de sortir. Il voulait dire ce qu'il avait vu et fait là bas, mais les avertissements résonnaient dans son esprit, comme les douze coups de minuits, quelques minutes avant que la faucheuse ne vienne le cueillir. Il ne savait plus quoi penser. Est-ce qu'il sera pardonné de s'absenter? Est-ce qu'on le détestera pour être aussi distant? Qu'est-ce qu'il devait faire?

Bruises Où les histoires vivent. Découvrez maintenant