Cache toi si tu peux

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Il se jeta contre le tronc d'un arbre, le coeur battant et la gorge lui brûlant. Mais rien n'était comparable à la sensation paralysante de la balle qui avait traversé son épaule. Il posa la main sur sa plaie et grimaça avant d'exposer ses doigts à la lumière faible de la lune.
Il effaça la petite goutte qui lui perlait au bout du nez et essaya de reprendre son souffle, tentant de calmer le tremblement de sa jambe droite alors qu'il était presque sûr de s'être foulé la cheville.
Il exposa son visage à découvert et regarda dans son dos, ses yeux furetant les fourrés et les basses branches des arbres. Quand il aperçu le faisceau lumineux de la petite lampe du portable de Ramsès, il se remit à courir vers l'opposé.

Il n'avait plus aucun intérêt pour la discrétion où pour éviter les branches aux griffes charnues des arbres. Tout ce qu'il cherchait à faire, c'était mettre le plus de distance entre lui et l'homme qui tenait l'arme qui lui avait percé l'épaule.

Sautillant sur son pied gauche, il s'enfonça encore plus profondément dans la forêt dense, et une petite voix dans sa tête lui hurlait qu'il ne savait pas ce qu'il faisait. Une autre l'appelait au loin, et il ne savait plus vraiment qui écouter, parce que que ce soit l'une ou l'autre, il se ferait tuer s'il l'écoutait.

-Evan!!

Il s'arrêta un instant et se retourna. L'écho faisait se répercuter cette voix dans tous les sens et il avait la désagréable sensation qu'elle venait de devant lui. Peut-être que les derniers événements l'avaient tellement chamboulé qu'il s'était perdu et n'avait que tourner en rond. Il chercha autour de lui, mais la petite lumière avait disparu et dans la nuit noire, tout ce qu'il percevait, c'était les bruits sauvages et le vent qui agitait les feuilles des arbres. Il se frotta les yeux, la fatigue lui donnant le tournis et sauta sur une espèce de sentier un mètre plus bas. Quand il releva la tête, son visage dépassait suffisamment pour voir tout autour de lui. Il renifla.

Il longea le sentier, s'aidant de la paroi de terre qu'il avait quittée pour se guider, manquant de chuter à plusieurs reprises, s'empêtrant dans des racines et butant dans des pierres pointues. Son épaule lui lançait, mais au moins il pouvait toujours avancer, et à en croire le silence, il était seul sur ce sentier et il avait de l'avance.

Il s'autorisa à ralentir le rythme pour reprendre un peu d'énergie et calmer la forte chaleur qui irradiait son pied au fur à mesure qu'il s'appuyait sur sa cheville. Il s'appuya contre un tronc tordu qui glissait lentement vers le sentier, millimètres par millimètres tous les décennies.

Il avait froid. Sa veste molletonnée ne suffisait pas à couper le vent et lui vrillait la peau alors que son t-shirt souvenir était trempé de sueur et de sang. C'était comme ci un courant d'air traversait son bras et refroidissait tout son corps. Il avait envie de se laver, d'aller faire pipi, de dormir et il avait faim.

Il se mit à pleurer silencieusement. Ses petites larmes salées se transformant rapidement en un flot incontrôlé qu'il s'efforça d'étouffer dans sa main.

Il n'avait rien vu venir.

La peur il la connaissait bien, pire encore, il l'avait apprivoisée, il avait appris à vivre avec. Mais la tristesse, c'était si nouveau pour lui. Il l'avait longtemps ressentie, mais jamais avec autant de puissance et de haine. Cette haine envers celui qu'il a été et celui qu'il est aujourd'hui. La haine envers l'injustice de la situation et la stupidité de ses actes. La haine entre son instinct de survie et son incorrigible envie de voir les bons côtés de tout ce qu'il a vécu.

Être bien rodé contre les épreuves de la vie, c'est ce qui fait que l'on peut se battre pour les affronter.

Un ramassis de conneries et de mensonges. C'était ceux qui s'y connaissaient le moins et qui prétendaient être scientifique qui attestaient qu'il suffisait de partir pour réussir. Qu'il suffisait de saisir le bon moment pour dire stop et couper les ponts. Qu'il ne fallait pas avoir peur.

Bruises Où les histoires vivent. Découvrez maintenant