Chapitre 1.2

87 18 70
                                    

Je ferme la lourde porte en bois derrière moi et baisse la tête pour éviter la poutre qui retient le plafond bas du couloir descendant au sous-sol. L'escalier étroit et humide remonte jusqu'au salon, où la chaleur de la cheminée contraste brutalement avec le froid glacial de la salle d'entraînement.

Mon sourire s'efface immédiatement lorsque je croise le regard furieux de M. Heston, qui tient le bras de sa fille sur le grand canapé rose et gris qui appartient à la famille depuis des siècles. Estelle me lance un regard d'incompréhension.

« Viens ici, jeune homme. Tonne le maître de la maison.

Alors que je m'approche, la tête basse, je remarque une courte plaie, sur l'épaule d'Estelle. Elle a dû s'érafler lors du combat au sol tout à l'heure.

- Je te paye pour la protéger ou lui faire mal ? Espèce de sale... de sale démon ! Tu n'es que le rejeton du diable, je n'aurai jamais du te laisser approcher ma fille. Elle mérite tellement mieux que le pauvre empoté que tu es ! Je t'avais prévenu pourtant Liam ! A la moindre erreur, tu sors !

Il se lève et s'approche à grands pas, et avant que je n'aie pu réaliser ce qu'il faisait, une vive douleur se réveille sur ma pommette droite. Je sens la colère gronder en moi, mais je ne cille pas, habitué à ces accès de violence. Tout en inspirant profondément pour garder mon calme et en serrant la mâchoire, je le laisse me pousser violemment contre le mur à la chaleureuse tapisserie, et il projette son poing dans mon ventre.

Ma tête claque contre le mur dans un bruit sourd sous la force du coup. Je pince mes lèvres, luttant contre la douleur qui m'assaille. Une lumière scintille soudainement, et je n'ai pas le temps d'esquiver, que je sens déjà le sang couler sur mon épaule.

- Si elle a mal, pour toi, ça sera deux fois pire. Menace le père de famille.

- Papa ! S'exclame enfin Estelle avec horreur, sortie de sa stupeur. Mais tu fais quoi ? Lâche-le ! Je t'ai dit que ce n'est pas sa faute !

- Ça m'est égal. Je n'aurai jamais dû accepter de garder le fardeau de ton alcoolique de mère. »

M. Heston me lâche, me crache au visage et tourne les talons. Je m'essuie la joue rageusement, n'osant pas regarder Estelle dans les yeux. Si ces reproches et cette violence sont mon quotidien, il a pourtant habituellement la décence de ne jamais se laisser aller devant sa fille. Mon sang bouillonne et ma tête tourne tant j'ai du mal à me retenir. Je serre et desserre mon poing à plusieurs reprises, tentant désespérément de faire disparaître la bombe sur le point d'exploser qu'à fait naître le mélange de douleur et de colère.

Je déteste paraître faible, je me haïs de ne pas avoir le courage de prendre mes valises et laisser cette maison d'hypocrite derrière moi. Seul Estelle, et la peur de me retrouver seul et à la rue, me retiennent encore ici. Sans un mot, je quitte le salon à mon tour et monte d'un pas raide m'enfermer dans ma chambre.

Avec rage, j'ouvre tous les placards pour trouver les bandages. Le vacarme couvre les injures qui s'échappent de ma bouche. Ce monstre ne m'a pas loupé, la plaie est profonde et a déjà taché toute la manche de rouge. Je me soigne comme je peux, ça ne sera pas la première, ni la dernière fois... je ferme douloureusement les yeux quand le désinfectant rentre en contact avec ma peau meurtrie, mes mains tremblent d'un feu que je peine de plus en plus à contenir.

Je m'effondre ensuite sur mon lit, tentant de réguler ma respiration. J'hésite un instant à appeler ma mère mais je regarde le réveil et ce n'est plus l'heure de visite au centre. Je déteste ces règles et ces horaires, je déteste ne pas pouvoir voir ma mère quand j'en ai besoin, je déteste ce centre de désintoxication et le juge qui a retiré ma garde à ma mère. Et par-dessus tout, je haïs cet homme froid et machiavélique dont elle s'est amourachée pour compenser la mort de mon père, alors qu'il ne faisait que profiter de sa faiblesse.

The Dark SideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant