The Dark Side

Chapitre 5.2

Sans réfléchir, je me lance à toute allure vers la provenance de ce bruit. Un second retentit, je crois devenir fou à force d'emprunter toujours un nouveau couloir qui ne mène nulle part. Je trébuche plusieurs fois contre les plis de la moquette et jure lorsque l'angle d'un meuble vient s'enfoncer dans ma cuisse.

Brusquement, je me stoppe, les yeux brûlants à présent qu'ils sont habitués à la pénombre. Une grande salle, majoritairement occupée par une immense table ovale et des portraits colossaux accrochés à la tapisserie colorée, est faiblement éclairée par un lustre. Mon regard glisse sur l'équipier de ma sœur, pétrifié devant la porte, et se fixe sur la silhouette entourée de deux ombres tournoyant autour d'elle. Ses mouvements saccadés indiquent qu'elle tente de se défendre, mais seule contre deux, elle ne fait pas le poids. 

Je n'ai pas le temps de prendre une décision rationnelle que, le cœur battant à vive allure, je me jette dans la salle, en dépit du cri d'Ambre qui parvient à son tour devant la porte entrouverte. Cependant, à ma grande stupeur, tandis que m'approche des créatures du mal, celles-ci évitent mon chemin et semblent redouter mon contact. Leur consistance vaporeuse se déforme près de moi, elles se courbent, se distendent, s'étirent et se rétractent, pour épouser l'air sans jamais me toucher. Je ne me laisse pourtant pas distraire et repère ma sœur qui s'est réfugiée sous la table, profitant de la distraction que je lui ai offerte.

« Liam !! » Hurle soudain Ambre qui m'observe depuis l'entrée. J'ai à peine le temps de me jeter au sol qu'une lourde chaise au velours rouge est emportée dans le tourbillon de noirceur, pour être violement projetée en ma direction. La force du choc lorsqu'elle s'écrase sur le mur dans un fracas assourdissant est telle que trois portraits accrochés au mur se détachent et se brisent en mille morceaux, projetant dans la salle des bouts tranchants qui nous cisaillent la peau.

L'agitation des ombres finit par provoquer un vent glacial qui me transperce de part en part, paralysant mes muscles, et gelant mes cils. Perdu au cœur de ce tourbillon de noirceur, mes pensées se déroulent au ralenti, engourdi par cette énergie ténébreuse. Je croise finalement le regard bleu glacier de ma coéquipière dans une tentative désespérée de demander de l'aide. Elle me crie vaguement de me protéger le visage mais ses paroles sont étouffées par la cacophonie stridente du vent qui hurle à mes oreilles. Je ne peux que rentrer ma tête dans mes épaules quand soudain, l'un des sabres de collection exposés dans la salle est lancé avec force vers la chaîne qui suspend le lustre dans un bruit métallique grinçant. Celui-ci vacille dangereusement, mais le coup ne suffit pas à faire céder l'attache dont seul un maillon s'est brisé, faisant pencher le luminaire sur un côté. Dans un éclair de lucidité, je saisis l'idée d'Ambre.

  « Votre meilleure amie pourrait devenir votre pire ennemie. » 

La lumière. 

Je remarque l'absence d'interrupteur à l'entrée de la salle et utilise donc ce qui semble être mes dernières forces pour soulever une lourde chaise, la tenant à bout de bras. Elle ne tarde pas à être m'être arrachée des mains et emportée par le souffle des ombres au-dessus de moi. L'assise vient percuter le lustre avec force, dont toutes les ampoules explosent dans un éclair de lumière aveuglant. Je me couvre le corps en m'accroupissant comme je peux, protégeant mes oreilles de me mains.

Le silence tombe soudain sur la salle. Mes oreilles sifflent et ma tête tourne. Lorsque mes paupières s'ouvrent, nous sommes à nouveau plongés dans l'obscurité, de sorte que l'on pourrait croire s'éveiller d'un long cauchemar. Aucune ombre ne peut apparaitre dans un noir aussi complet. La première chose dont je prends conscience lorsque je parviens à reprendre mes esprits, c'est le corps tremblotant d'Estelle qui s'accroche au mien comme à une bouée de sauvetage. Instantanément le mien se détend et j'enlace ma sœur, soulagé.