Chapitre 7

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L'effervescence du réfectoire me frappe tandis que je cherche Estelle du regard sur l'une des innombrables tables rondes. Je finis par l'apercevoir gesticuler aux côtés de son coéquipier et d'Ambre. Celle-ci était déjà partie lorsque le réveil a poussé quelques cris stridents à cinq heures; je la soupçonne de ne pas s'être rendormie après que j'ai quitté sa chambre hier soir.

Son récit l'avait épuisé, mais elle ne faisait que somnoler quand j'ai éteint la lumière derrière moi. Les mots ont coulé longtemps sur ses lèvres alors qu'elle m'expliquait que suite à la sinistre prédiction de la voyante, ses parents se sont mis en tête de faire d'elle la meilleure traqueuse d'ombre du siècle. Pourtant lorsque je m'installe sur la chaise à ses côtés, aucune trace de fatigue ne trahit cette nuit courte et difficile sur son visage.

« Bonjour ! lâché-je nonchalamment, évitant délibérément le regard de l'impertinent idiot qui me fait face et dont je n'ai encore pas digéré l'affront d'hier soir.

Mes camarades me répondent avec enthousiasme tandis que je détaille Ambre quelques instants, jusqu'à ce que mon regard fasse naître des rougeurs sur ses joues. Je me reconcentre sur ma sœur pour ne pas la mettre mal à l'aise.

- Ça va, tu as bien dormi ? M'enquis-je en scrutant le bleu qui a jauni sur sa joue.

- Oui oui, très bien, répond-t-elle dans un sourire forcé.

Ma main effleure sa peau meurtrie dans un geste tendre. Je ne mets pas plus de quelques secondes à comprendre qu'elle cauchemarde elle aussi de cette matinée où tout a basculé, il y a quelques jours. La vision de Heston qui se révèle miraculeusement être un traqueur et celle de l'ombre s'échappant de mes entrailles ne me laissent aucun répit.

- Moi aussi, j'ai bien dormi, bougonne le jeune homme à ses côtés.

Je relève la tête, me détache du pain que je m'étais mis à tartiner pour le fusiller du regard et cingle :

- Il ne me semble pas t'avoir demandé, mais tu m'en vois ravi, Eliott.

Mon ton ironique le fait tiquer. Je vois un muscle de sa mâchoire se tendre tandis qu'il rétorque froidement :

- C'est Elias. Je croyais que tu étais surentraîné et haut potentiel, pour que l'institut recrute un bâtard dans ton genre. Si t'arrives même pas à retenir un prénom, c'est qu'ils vont vite réaliser leur erreur.

Un silence de plomb tombe sur les tables les plus proches qui ont entendu la provocation. Je me lève en une fraction de seconde, envoyant valser ma chaise au passage, prêt à défigurer l'idiot qui cherche à m'humilier. Mon adversaire fait de même et nous sommes sur le point de se jeter l'un sur l'autre, les poings serrés, lorsque la lourde porte en bois de la salle claque bruyamment.

Toutes les conversations s'interrompent, mais lui et moi ne nous lâchons pas du regard. A présent que je suis pleinement reposé, je ressens cette vive énergie qui bouillonne en moi, ne demandant qu'à être libérée. Celle qui a sauvé ma sœur des ombres et qui s'échappait de moi lorsque l'ombre a été expulsée. Je suis sur le point de lâcher prise, bouillonnant, mais une main gelée sur mon épaule me force à me rassoir brusquement, heurtant durement la chaise.

La soudaine froideur qui s'immisce en moi me calme immédiatement. Étourdi, je relève la tête et croise le regard impassible de la directrice. Comme à notre première rencontre, celui-ci me sonde. Le silence qui plane semble peser sur mes épaules, me forçant à courber la nuque et baisser les yeux, jusqu'à ce que l'intimidante femme me lâche et se dirige sévèrement vers la table centrale qui domine la pièce. Elle s'y assoit aux côtés des professeurs, mais dans l'air s'évapore l'avertissement muet et tacite qui fait frissonner les élèves.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 22, 2021 ⏰

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