The Dark Side

Chapitre 1.1

Je pousse la lourde porte de la salle de boxe, pénètre dans la fraîcheur de la nuit et me dirige lentement dans la ruelle sombre qui mène au château, la tête baissée, perdu dans mes pensées. Seuls quelques lampadaires et la lune scintillante éclairent mon chemin, le vent agite mes cheveux noirs charbon, et dégage mon visage.

La nuit, le quartier est relativement silencieux, seuls les bruits du centre de Paris nous parviennent. Ce silence est apaisant mais malgré tout je ne suis pas serein : je sais qu'il est tard, bien trop tard pour rentrer à la maison... Enfin, façon de dire. Ça n'a jamais été, et ne sera jamais chez moi.

J'arrive enfin devant l'immense bâtisse de pierre. Un frisson d'angoisse me traverse tandis que je songe au châtiment qui m'attend. D'une main qui se veut ferme, je saisie la cloche et l'agite violemment.

Quelques longues minutes plus tard, une sombre silhouette se découpe dans la nuit et vient ouvrir le portail, d'une démarche raide mais rapide. Les battements de mon cœur s'affolent, sans que je ne puisse les contrôler. Le visage fermé, M. Heston attrape brutalement mes cheveux et me tire jusqu'à lui, déclenchant une sourde vague de douleur dans mon crâne.

« Est ce que c'est une heure pour rentrer ça ? Qu'est-ce que tu crois, que t'es à l'hôtel ?! hurle-t-il soudain. Je te préviens Liam, la prochaine fois que tu rentres à cette heure, tu n'auras plus qu'à faire tes valises ! Estime toi heureux que je continue à t'héberger, c'est uniquement de la pitié envers ta mère. Je ne voudrais pas lui laisser un fardeau tel que toi sur les bras. File dans ta chambre sans réveiller Estelle »

Il me lâche brusquement et je baisse les yeux, sans un mot. Entre les mèches de mes cheveux qui cachent une partie de mon visage je lui jette un regard noir, mais ne répond rien. A quoi bon? Cela fait 15 ans que c'est la même chose, ses menaces, je les connais par cœur.

C'est un homme grand et mince, dans la cinquantaine, pourtant les rides sur son visage anguleux lui donnent 10 ans de plus. Ses jambes maigres et ses mains osseuses cachent en vérité une force insoupçonnée, une force malsaine entièrement dominée par la colère. Sans mot dire je pousse la porte et monte immédiatement les escaliers en colimaçon qui mènent à ma chambre.

La chaleur de la pièce m'enveloppe, apaisant légèrement la douleur de mon crâne. Je passe devant l'antre de ma sœur et ne peux m'empêcher de jeter un coup d'œil à l'intérieur. La porte se bloque contre un tas de linge sale qui a été abandonné au sol, la chambre en est jonchée jusque sur le bureau. La fine lueur de la lune éclaire faiblement son visage : empêtrée dans ses draps blancs, Estelle dort sur le dos, la bouche légèrement ouverte. Je ne me peux réprimer un sourire attendri et referme silencieusement pour aller me glisser sous les draps à mon tour.

***

"Hey Liam ! C'est l'heure !" S'exclame une voix familière.

Je soulève difficilement mes paupières pour apercevoir l'immense sourire d'une brunette assise en tailleur sur mon lit. Sa peau claire et ses beaux yeux verts sont la grande fierté de sa mère. Enfin, après sa part de lumière bien sûr... on me reproche toujours mes yeux sombres, mon teint livide et l'aura ténébreuse qui émane de moi.

"Lève-toi c'est l'heure de l'entraînement !" s'écrit-elle, me sortant des limbes du sommeil . Je me retourne sur le ventre en grognant, peu enclin à me lever si tôt, après une nuit bien trop courte. C'est sans compter l'énorme masse qui s'affale sur moi, m'obligeant à m'extirper de la chaleur de mon lit. Je finis par poser les pieds sur le sol froid avant de chercher à tâtons ma tenue de combat.

Je me prépare en vitesse puis on dévale les escaliers pour prendre notre petit déjeuner. Une odeur alléchante parvient à nos narines.

« Moins vite, les enfants ! » nous réprimande la cuisinière sur notre passage. Un sourire amusé étire mes lèvres à cette remarque maternelle, lancée pour la forme puisque c'est la même chaque matin.