Chapitre 2.2

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Je sors après Estelle dans l'étroit couloir du sous-sol, monte les escaliers sur la pointe des pieds en sautant la 3ème, la 7ème et la 16ème marche, qui grincent, et me faufile dans la tourelle où se trouve la chambre des parents. L'escalier en colimaçon est plus discret, il me suffit de me glisser derrière la porte du bureau, inoccupé en fin d'après-midi, et d'attendre le signal. La voix d'Estelle ne tarde pas à résonner dans la grande cage d'escalier :

«Papa, Maman ! Y'a du courrier ! Ce sont des papiers de l'ordre, je crois !»

Très vite, des pas précipités passent près de moi. Je sors ensuite discrètement de ma cachette, et pénètre dans l'immense chambre parentale. Un grand lit et des vieux meubles en bois ornent la salle aux innombrables miroirs, tandis que le soleil rasant du soir effleure la pièce, faisant briller la poussière en suspension dans l'air. Les fenêtres donnent sur le parc du château, à la pelouse impeccablement tondue, et aux arbustes dignes de Versailles. Tout ce luxe, mais les Heston ne mettent jamais un pied dehors... 

Je me dirige rapidement vers la somptueuse coiffeuse dont m'a parlé Estelle, et fouille son contenu, plein de pinceaux à poudre qui manquent de me faire éternuer, trahissant ma présence dans la pièce. Pas la moindre trace de clef. Je passe un regard circulaire sur la chambre pour identifier une cachette possible. J'ouvre les tables de nuit, la grande armoire, mais elle est introuvable. Soudain, des pas se rapprochent. Je me fige, cherchant en vain une sortie possible, puis finis par me jeter dans l'armoire ouverte devant moi et la refermer juste à temps. A travers la serrure, j'aperçois la silhouette gauche et boitillante de M. Heston entrer dans la pièce. Je retiens mon souffle et me plaque contre le fond de l'armoire, malgré un point de douleur naissante dans mon épaule droite. Machinalement,  je tords le bras pour tenter d'identifier la cause de celle-ci, et ma main rencontre à ma grande surprise une deuxième petite poignée, qui s'enfonçait dans ma peau. Je tire légèrement dessus, ouvrant un minuscule compartiment, contenant quelques bijoux de valeur, et... une clef. Un rictus victorieux se dessine sur mon visage. Je m'en saisis, puis tente de refermer le plus discrètement possible. J'attends encore quelques minutes, puis sors peu après M. Heston et rejoins rapidement Estelle dans ma chambre.

« T'en as mis du temps ! S'exclame-t-elle.

- T'avais omis de préciser qu'il existe une cachette secrète à l'intérieur d'une armoire... répliqué-je en m'effondrant sur le lit à ses côtés, qui grince un peu sous nos deux poids.

- Sérieux ?! Et comment t'as trouvé ?

- J'ai de l'intuition, conclus-je avec un clin d'œil malicieux. On monte au grenier voir si le coffre y est vers minuit ? Ce serait plus prudent. »

Estelle acquiesce, et je tente de prendre mon mal en patience.

Heureusement, cette nuit-là, la lune pleine éclaire faiblement l'intérieur du château, et le moment venu, nous n'avons aucun mal à trouver l'étroit escalier caché dans un recoin de l'aile gauche du château, que nous n'utilisons que très peu. La plupart des immenses pièces sont vides, seulement encombrées par les épaisses poutres du toit et les quelques meubles recouverts de draps blancs poussiéreux. On monte quatre à quatre les marches, avant de pousser la petite porte en bois. Celle-ci ne bouge pas, la poignée est bloquée. Je laisse échapper un juron et réessaye plus fermement. « C'est pas vrai, y'a une clef pour la porte aussi ? Mais c'est une blague, ce n'est pas un flukophone mais un trésor, qu'ils cachent ! Pesté-je.

- Attend, essaye avec ça, réplique ma sœur en me tendant la clef que j'ai récupérée dans la chambre. »

En effet, la petite clef, gravée d'inscriptions étranges, rentre parfaitement dans la serrure. Après deux tours, la porte s'ouvre dans un grincement qui nous fait grimacer.

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