Chapitre 37

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Céleste


Nous sommes en fin de journée et dans quelques heures, le bal aura lieu. Notre idylle au chalet a été écourtée d’une journée, conséquence de l’attaque du vampire : Dante a préféré rentrer le lendemain pour ma sécurité, prétextant qu’il craignait qu’on s’en prenne à moi parce que j’étais importante pour lui. J’ai été très émue, lui qui d’habitude ne laisse rien transparaître, surtout pas ce qu'il pense ou ce qu'il ressent – alors encore moins ce qu'il pense de ce qu'il ressent ! Cette dernière journée loin du château s’est déroulée dans un climat de douceur et d'intimité. C’était fabuleux. Mais, au retour, les choses ont changé. Durant les quatre derniers jours avant la fête, il s’est montré froid, distant et il m’évitait. La nuit, il ne venait que quand je dormais, et il repartait aux aurores avant que je ne me réveille.

Et quand je parviens à l’intercepter pour lui parler, c’est à peine s’il ose me répondre. Je ne comprends pas son brusque changement d’attitude, j’estime n’avoir rien fait pour mériter ça… Il m’arrive parfois de pleurer éveillée dans la nuit à cause de cette situation et je sais qu’il ne dort pas, car il me serre plus fort, dépose des baisers sur mon épaule et dans ma nuque, il a été jusqu’à m’embrasser quand mes pleurs ne voulaient cesser. Est-ce dû à sa nature de créature des ténèbres : il est doux et tendre la nuit, glacial et indifférent le jour. C’est pour ça que je sens une joie confuse m'envahir au retour du crépuscule à ma fenêtre. Mon cœur amoureux souffre ; peu importe s’il ne m’aime pas tant qu’il me témoigne un peu d’attention, mais là je n’ai plus rien. Du moins, il ne me montre plus rien. Sa présence à mes côtés durant la nuit me garde du désespoir. Je réalise que l’amour que je lui porte est devenu fort, si pur, simple et primitif qu’il me détruit. Il faut que je découvre la cause de son comportement.

Léna fait irruption dans la chambre avec une grande housse blanche et une mallette, suivie de Mike qui tient un sèchecheveux et un fer à boucler. Je les regarde intriguée alors qu’ils posent leur armada sur le lit.

— Qu’est-ce que vous faites ?

— Je viens te préparer pour la soirée bien sûr ! répond Léna avec enthousiasme.

— Je crois que ce n’est plus la peine…

Ils me regardent avec des yeux ronds comme des billes.

— Mais pourquoi ?

— Ça fait quatre jours que Dante m’évite, le message est assez clair, ne lui imposons pas ce qu'il n'est pas capable de m'avouer lui-même : il ne veut plus que je l’accompagne au bal.

Au départ je ne voulais pas y aller, puis je me suis surprise plusieurs fois à m’imaginer danser au bras de Dante, et petit à petit cette image a pris le pas sur ma réticence. Ça aurait été mon premier bal et j’aurais été à ses côtés toute la soirée, que demander de plus ? Mais j’ai bien compris à son attitude que ma présence n’est plus désirée…

— Mais enfin de quoi tu parles, Céleste ? Il vient à l’instant de me demander de te préparer en me confiant une robe qu’il a achetée spécialement pour toi !

— Vraiment ?

— Si je te le dis ! Bon, maintenant, Mike sort d’ici, t'es gentil. Céleste va se changer.

— Oh, ça ne me dérange pas de rester, rétorque-t-il, un sourire suggestif au bord des lèvres.

Elle lui lance un regard noir dont l'effet se fait immédiatement sentir :

— Du calme, ma jolie, je m’en vais.

— Bon vent ! lui crie-t-elle quand la porte se referme derrière lui.

Nous l'entendons rigoler puis ses pas s'éloigner.

— Cet enfant me fatigue…, soupire-t-elle.
Je rigole à mon tour de sa remarque ; ils sont mignons… Ça fait du bien de retrouver enfin un peu de légèreté après plusieurs jours passés à me morfondre.

— Tu ne vas pas t’y mettre toi aussi ! me gronde-t-elle. Va à la douche !

Je consens à lui obéir et à me prêter au jeu malgré tout, quoique j’ai le moral en berne. C’est peut-être ma seule chance de rattraper le coup avec Dante, me dis-je. Peut-être puis-je encore profiter de cette occasion pour le reconquérir. Je veux me faire belle pour lui, que ce soir il n’ait d’yeux que pour moi, que je l’impressionne, qu’il m’aime… Je ressors de la douche dix minutes plus tard, emmitouflée dans un peignoir, mon corps sec sentant la vanille et mes cheveux mouillés humant la rose, enroulés dans une serviette éponge.

— Parfait, assieds-toi sur la chaise, commande Léna en me voyant sortir de la salle de bain.

— Tu sais, ça me met mal à l’aise que tu fasses tout ça pour moi… Tu n’es pas ma domestique…

— Mais non, voyons ! Je suis ta cuisinière ! ironise-t-elle en éclatant de rire puis, se reprenant, ajoute plus sérieusement : ça me fait plaisir, tu es mon amie, et cela me semble naturel ! Maintenant, pose tes petites fesses sur cette chaise !

En riant, je m'exécute à nouveau, tandis qu'elle se munit d'une palette de maquillage. Au bout de vingt minutes environ, elle s’attaque à ma coiffure. Elle peigne doucement mes longs cheveux et les sèche, après quoi elle laisse quelques mèches flotter de chaque côté de mon visage et noue élégamment derrière ma tête le reste de ma chevelure. Pendant ce temps le fer à boucler a atteint la température idéale pour former de grosses boucles sur les petites mèches libres. Elle finit par prendre la grande housse blanche, ouvrir la fermeture éclair et en extraire une splendide robe unie, d’un vert menthe à l'eau, le haut se composant d'un bustier drapé jusqu’à la taille serti d'émeraudes, puis toute la partie inférieure jusqu’à l'ourlet formant une aérienne et gracieuse cascade de tulle. C’est une robe de princesse : ajustée en haut, bouffante en bas. Je porte les mains à mon cœur, le souffle court tant j'éprouve de l’admiration pour ce que je vois.

— Elle… Elle est magnifique ! Je ne peux pas la porter, elle est bien trop belle !

Léna sourit de satisfaction.

— Mais si enfin ! Elle va t’aller à ravir, Dante va tomber par terre ! Allez, approche ! Je vais t’aider à la mettre, mais avant…

Elle prend un corset blanc et me le présente. Mon Dieu ! Elle n'espère tout de même pas me faire enfiler ça ? Je n’en ai jamais porté, mais comment ignorer leur terrible réputation ? Même les femmes de l’époque où c'était censé être la mode n’aimaient pas en mettre. Je vais me sentir oppressée toute la soirée…

— Ne me dis pas que je vais devoir porter cet objet de torture ?

— Désolée Céleste, mais j’ai bien peur que si.

Elle le met en place et maintient les liens.

— Prête ?

— Quand faut y aller, faut y aller… Juste, ne m’étouffe pas, s’il te plaît.

— Ne t’inquiète pas.

Elle commence à serrer les liens. Quelle horreur ! J’ai l’impression qu’on m’empêche de respirer, et mes seins généreux n’ont jamais été à la fois aussi plaqués et aussi gonflés sur le dessus… Alors elle arrête de tirer, noue les liens et me fait enfiler la robe de soirée dont elle referme sans aucun mal la fermeture éclair dans le dos. Elle m’applique pour finir un peu de parfum dans le cou puis, la touche finale : elle me tend une paire d’escarpins vert menthe. Une fois prête, elle m’examine :

— Tu es juste… Waouh ! Dante va avoir de la concurrence !

Je vais me regarder dans la salle de bain et reste scotchée, bouche bée. Le reflet dans la glace est magnifique. Mes yeux émeraude sont savamment mis en valeur par un trait d’eyeliner et de crayon, ainsi qu’avec un beau dégradé de marron, de doré et de noir sur les paupières et d'une couche de mascara. Mes joues sont légèrement creusées par une ombre et mes lèvres recouvertes d’un beau rouge à lèvre rouge sang ; idéal pour donner des envies à un vampire... Grâce au corset, je dois admettre que j’ai l'air d'avoir une taille de guêpe et ma poitrine ainsi rehaussée paraît généreuse, ma peau onctueuse, mes atouts sont mis en valeur sans être vulgaires pour autant. Quant à ma coiffure, œuvre des doigts de fée de Léna : je l’adore. J’ai l’impression d’être l'héroïne d'un conte de fées, la Cendrillon d’un soir, un personnage auquel il ne peut arriver que des aventures exceptionnelles ; ce n’est pas exactement moi dans cette tenue, mais quelqu’un qui dégage beaucoup plus d’assurance, de grâce, de charme, de sensualité… Je ne me reconnais tout simplement pas parce que jamais je n'aurais pensé pouvoir être aussi belle. Aussi femme.

Léna entre dans la salle de bain juste au moment où les larmes me montent aux yeux, et c'est une chance car sinon le maquillage aurait été à refaire.

— Ah non ! Je t’interdis de pleurer, tu vas ruiner ton maquillage !

Je ris de bon cœur à sa remarque pince-sans-rire.

— Oui, excuse-moi, ce serait injuste de ma part. Tu as fait des merveilles. Merci infiniment pour ce que tu viens de faire pour moi, Léna…

Elle sourit humblement comme je la sers affectueusement dans mes bras.

— Je t’en prie, répond-elle, rien ne me fait plus plaisir que de voir mon amie si heureuse.

Je m'écarte d’elle quand on frappe à la porte. Je suis soudainement très stressée. La réalité me rattrape. Et si Dante me méprisait ? S'il ne me trouvait pas jolie ? Peut-être que, malgré tout, je ne serai pas à la hauteur de ses espérances… Je respire profondément et mon cœur se met à battre plus fort.

— Calme-toi, Céleste, tu es splendide. Tu n'as rien à craindre. Joue ton jeu. Allez, maintenant, dit-elle en m'embrassant sur la joue, je récupère mes affaires et je vous laisse, les tourtereaux !

Je ne peux m'empêcher de rougir malgré tout et n'ai d'autre choix que de rester dans la salle de bain, le temps de reprendre le dessus sur mes émotions. Cependant, j’entends la porte s’ouvrir et des bribes de conversation me parviennent :

— Elle est prête ?

— Oui, elle est dans la salle de bain.

— Bien, merci Léna.

— Je vous en prie, Votre Altesse.

La porte se referme et la voix de Dante s’élève dans la pièce.

— Céleste…

Je n’ai plus le choix maintenant, plus possible de faire marche arrière. Les talons claquent lentement sur le sol, j’entre dans la chambre... Dante se tient fièrement debout dans un pantalon de costume noir ceinturé sur une chemise noire, audessus de laquelle il a revêtu une longe veste rouge cousue de fils d’or où sont brodés des blasons héraldiques et piqués des rubans de décoration militaire. Il est magnifique. Il a vraiment l’allure d’un Roi, il me fait penser à un Dieu grec. Je m’arrête face à lui. Son regard est perçant, ses pupilles dilatées. Il semble me dévorer par la pensée. Je suis l’objet de sa convoitise. Il prend ma main dans la sienne et dépose avec ferveur ses lèvres dessus, comme la première fois que nous nous étions rencontrés.

— Tu es renversante, Céleste…, admire-t-il.
… De quoi perdre un instant les pieds sur Terre.

Envoûte-moi ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant