Chapitre 27

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Je pose mon regard sur lui, étonnée. Sérieusement ? Après le nombre incalculable de fois où il m’a dit qu’il ne pouvait pas me répondre, il m’autorise à lui poser toutes les questions que je veux, sans restriction ? Non, il doit se jouer de moi, une nouvelle fois…

— Pour de vrai ?

— Oui, j’y répondrai, dans la mesure du possible, avec concision et franchise.

Ce qui veut dire, si on lit entre les lignes – car il y a toujours une clause sous-jacente quand on contracte un engagement avec une créature des ténèbres – qu’il ne répondra pas à toutes mes questions, seulement à celles pour lesquelles il n’estimera pas trop déraisonnable de le faire : autrement dit, c’est une entourloupe !

— D’accord, que veux-tu en échange ? demandé-je, désireuse de lui montrer que je ne suis pas tout à fait aveugle à son petit jeu.

Il sourit.

— Rien. Ma récompense se trouve dans le fait que tu te sentes mieux. Et j’ajoute que s’il est possible de s’offrir un tel luxe en cédant la bagatelle de quelques réponses à tes questions, ce serait faire preuve d’une bien grande médiocrité de ma part de nous en priver.

Je suis très touchée par ce qu’il vient de dire. On dirait qu’il tient à moi. Il a même dit « nous », comme si nous formions un couple. Serait-ce vrai alors ? Il veut me permettre de me sentir plus à l’aise à ses côtés.  D’abord, il m’a confié la dague qui me permettrait de le tuer, maintenant il accepte de s’ouvrir à moi ; ses efforts me laissent songeuse.

— Tu rougis, ma belle ?

Oh non… Je pose rapidement mes mains sur mes joues brûlantes alors qu’il éclate de rire.

— Bon, première question ! m’exclamé-je pour couper court à sa moquerie.

Commençons facile : je me doute que tu n’es pas ingénieur, évidemment, mais qu’es-tu exactement ? J’ai entendu beaucoup de gens autour de toi t’appeler « Roi » ou « Majesté », du coup je ne sais pas trop…

— Je suis Roi des vampires. J’ai été couronné Roi en 50 et je le suis resté depuis. J’ai eu le plus long règne de tous les temps, mais forcément une telle longévité ne donne pas vraiment place à la concurrence. Beaucoup ont cherché à me détrôner ou à m’éliminer. Mais j’ai toujours réussi à supprimer mes ennemis. Je suis à l’heure actuelle le plus puissant des vampires.

— Le plus puissant… Par « 50 », tu veux dire : en 1950 ? Il sourit et répond :

— Non, je suis né en l’an 20 après Jésus-Christ et j’ai été couronné en l’an 50 après Jésus-Christ.

Qu… Quoi ! Si vieux ! C’est impensable ! Je n’en reviens pas ! Je m’attendais à ce qu’il soit âgé, très âgé, mais là ! Même Mathusalem ne peut se vanter d’avoir vécu autant ! Du haut de ses deux yeux, vingt-et-un siècles me contemplent ! Dante est une créature légendaire, encore plus mythique que Dracula, Nosferatu, Edward Cullen… Les grands cataclysmes et les grandes découvertes, les inventions, la naissance des civilisations, les batailles mythiques, il a tout vu, il a assisté à tout !

S'il y a une chose que je lui envie, c'est bien d'avoir été là, spectateur parmi le monde au moment où ces choses se sont produites. Mais s'en rend-il compte ? Sa condition d'immortel lui permet-elle de jouir au même degré que moi de toutes ces merveilles bouleversantes ? A-t-il suffisamment de recul pour appréhender le sens et la beauté des choses, par rapport à moi qui suis née obscurément quelque part, et dont l'existence n'a cessé depuis lors d'être absurde, sachant que j'allais mourir un jour ? Est-il capable de posséder une conscience historique ? Le sort de sa si longue existence, contrairement à la mienne, n'est pas tragique. Toutes ces interrogations me font réaliser qu'au fond je n’envie en rien sa longévité millénaire ; au contraire, je découvre des raisons de préférer à sa condition de vampire ma condition humaine, car la fragilité de ma vie est ce qui me la rend si précieuse et si passionnante. Au bout d’un moment, songé-je, quand on pense avoir fait le tour du monde et de toutes les choses qui le peuplent, quand on a épuisé toutes les richesses physiques et intellectuelles, je me dis que l'on doit finir par croire que la vie n'a plus rien à nous apprendre, que l’on sait déjà tout. C'est sans doute un tort, mais si ça ne l'est pas, ça veut dire que l’éternité est encore plus affreusement barbante que ce que j'imagine.

— Quoi ? Mais ça veut dire que tu as près de deux mille ans ?

Il réprime un ricanement devant mon air ébaubi et acquiesce :

— Oui. Ça faisait longtemps que personne n’avait eu cette réaction face à moi.

— Longtemps à l'échelle de ton existence, c'est une miette de la mienne ! Tu as dû vivre tant de choses ! Non, que dis-je ! Tu as tout vu, tout vécu, toute l’histoire du monde moderne, tu as connu les guerres, pendant des siècles des siècles, tu as tout traversé !

— En effet.

— Bon sang ! Moi qui ai toujours aimé voyager à travers les livres, tu me transportes loin, très loin, là, Dante ! Comment imagines-tu que je puisse me comporter en ta présence, désormais ? Tu m’inspires… Oh, je n’ai jamais rien vu d’aussi grand et d’aussi beau que toi ! Mais, dis-moi, es-tu né vampire ou as-tu été transformé, comme dans les livres ?

— Tes références m’amusent beaucoup ! Dracula est une pure invention. Ne crois pas tout ce qui est écrit dans ces fictions. Bien souvent, ce ne sont qu’un ramassis d’inepties ! Sinon, pour répondre à ta question, je suis né vampire. Pour cela, il faut que deux vampires aient un enfant. Certains vampires sont nés humains avant de subir une transformation, mais ce n’est pas mon cas ; nous, vampires de souche, surveillons d’ailleurs beaucoup le flux des transformations afin de préserver l’anonymat de notre espèce ou, devrais-je plutôt dire, la part d’ombre qui lui est si chère. Et puis, cela nous permet de conserver un régime alimentaire assez… Riche.

Je comprends mieux ce que Mike a voulu dire l’autre jour à la bibliothèque au sujet des vampires de naissance ou de transformation.

— Je vois. Ton âge me choque toujours autant, bon sang, je n’arrive pas à m’y faire ! Moi qui me disais que si j’atteignais le seuil des cent ans j’entrerais dans le cercle très fermé des doyens de l’humanité ! Alors là, tu viens de me voler mon ambition et tout le prestige qui va avec !

Il rigole de bon cœur.

— Pourtant, tu t’y feras ! Regarde, tu t’y fais déjà. Vois ! ça ne change rien, je suis toujours là avec toi, ici même, égal moi même. Nous partageons une seule et grande vérité : l'intimité du présent. Outre cela, fais-moi confiance, rien d’autre n’a fondamentalement d’importance.

— Non, justement, tu n’es pas toujours le même, réponds-je avec un soupçon de tristesse et de reproche dans la voix. Mais, d’ailleurs, en parlant de régime alimentaire : je sais pertinemment que vous ne ruminez pas de l’herbe, mais tu pourrais m’en dire plus ? Que je sache à quelle sauce je risque d’être mangée.

— À moins que tu aies été marinée dans ton sang, tu n’as rien à craindre de moi, plaisante-t-il. Nous buvons du sang, en effet, mais notre clan évite de tuer. Après, je peux beaucoup moins répondre des actes des vampires de l’extérieur, que j’essaie malgré tout de surveiller et de contrôler. C’était le cas, par exemple, de la vermine qui t’a agressée dans la forêt. En revanche, même si c’est sans doute ce que tu penses, je ne veux pas que tu assimiles vampire et tueur ; ce n’est ni une généralité, ni une fatalité. Chacun décide d’être un monstre ou non.

— Tu veux dire que vous avez une conscience ?

— Cette question se pose-t-elle seulement ? Par exemple se pose-t-elle pour les animaux, qu’ils soient domestiques ou sauvages ? Toi-même, te poses-tu la question de savoir si tu possèdes une conscience ? Oui et non. Tu ne te le demandes pas, parce que le simple fait de te le demander te permet de constater sa présence. La vérité réside dans cette impression claire et toute à la fois obscure que nous laisse la pensée de soi-même, que l’on soit vampire ou humain, c'est la même chose.

— Donc, oui, je déduis de ton raisonnement que vous êtes dotés d’une conscience, même si c’est indémontrable.

— Justement, parce que c’est indémontrable… rectifie-t-il.

— Oui, bon ! Dis donc, tu as dit que tu essaierais de répondre à mes questions avec « concision », je te rappelle, alors tiens ta promesse ! Cesse de vouloir m’embrouiller avec toutes ces réflexions !

— Pour en revenir à notre régime alimentaire, reprend-il après avoir répondu à ma remontrance par un sourire, il y a encore une chose importante que tu dois savoir. Avec mon clan, nous essayons de rester fidèles à une certaine éthique, sans pour autant perdre nos instincts sauvages, comme tu as eu l’occasion de le constater. Pour nous nourrir, nous faisons appel à des donneurs ou nous nous nourrissons du sang d’animaux de la forêt.

— Des donneurs ?

— Oui, certains humains décident par eux-mêmes de nous donner leur sang et acceptent de garder le silence sur notre existence.

— Je l’ignorais parfaitement. En moyenne, vous consommez quelle quantité de sang par jour ?

— Cela fait longtemps que j’ai cessé de me nourrir quotidiennement. Le besoin de sang diminue avec l’âge : un jeune vampire pourra consommer jusqu’à un litre voire plus pour être repu pendant une semaine, alors que pour les plus anciens, quelques gouttes suffisent à nous rassasier pour longtemps. Le désir, l’envie du sang nous reprennent généralement avant même que nous puissions ressentir la « faim ».

— Est-ce cela la clé de votre immortalité : votre organisme apprend à fonctionner en autonomie, indépendamment ou presque de tout apport nutritionnel extérieur ? Et malgré tout, comment as-tu fait pour arrêter de vieillir ?

— Tu soulèves, à la vérité, une réflexion bien intéressante que moi-même, en plus de deux mille ans d’existence, je n’ai jamais eu la présence d’esprit de me formuler. Pour ce qui est du vieillissement physique : les vampires qui se font transformer conservent l’apparence et les facultés qu’ils avaient lors de leur transformation. Alors que pour ceux qui sont nés vampires, c’est beaucoup plus complexe. On peut arrêter de vieillir à n’importe quel âge. J’imagine que la psychologie, si ses principes étaient imputables à la conscience des créatures de mon espèce, aurait beaucoup à nous apprendre sur le fonctionnement de notre organisme. Pour ma part, c’est à l’âge de trente ans que j’ai pris ma dernière ride, et je m'en porte plutôt mieux ainsi !

Je ne le lui fais pas dire. Il est tellement beau ; encore en ce moment, sa peau rayonne d'un éclat à la fois étrange et particulier. Mais, en effet, j’imagine à quel point cela pourrait donner lieu à des situations  handicapantes ! Avoir dix ans pour l’éternité, quoi que certains puissent en penser, ce ne serait sans doute pas la panacée ; d'abord, on serait condamné à ne jamais être pris au sérieux, ensuite on serait limité intellectuellement, sans parler de toutes ces choses qui nous demeureraient interdites, comme les relations sexuelles, par exemple. Et dans le cas contraire… Oh mon Dieu, non ! Ce serait vraiment trop bizarre…

— Mis à part ce phénomène physiologique, je suppose que vous, vampires, possédez des facultés spéciales, étrangères à celles des humains, comme des pouvoirs par exemple ?

— Je comprends ce que tu veux dire. Oui, nous avons une vue surdéveloppée, plus puissante que celle d’un aigle et, comme tous les animaux nocturnes, une vision infrarouge. Nous nous déplaçons aussi vite que l'éclair, notre force naturelle est comparable à la puissance d’un troupeau de buffles lancés à pleine charge, notre ouïe est configurée pour être capable de percevoir un bruit à des kilomètres, enfin, et ce n'est pas négligeable, nous disposons d'une santé de fer.

— C’est impressionnant ! En plus d'être immortels, vous êtes imbattables dans presque tous les domaines. En somme, vous êtes des armes de guerre, la pointe de la technologie, à vous tout seuls !

— C’est un peu effrayant dit comme ça, mais oui.

C’est une bête, c'est un surhomme ! C'est un monstre ! Je ne sais pas quoi dire, je ne trouve pas les mots pour exprimer mon étonnement ; plus j'apprends à la connaître, plus cette créature me fascine.

— Mais si vous êtes aussi puissants, quels sont les moyens pour vous éliminer ?

— Ah, ah ! Voilà la question cruciale. J'y répondrai en toute franchise, comme je l'ai fait pour les autres. Pour nous tuer, on peut : nous planter un pieu dans le cœur, nous arracher la tête, nous brûler vif. Il s’agit là des techniques les plus courantes et les plus efficaces pour nous éliminer. Au reste, nous sommes susceptibles d'essuyer tous types de blessures, néanmoins elles ne nous affectent pas vraiment, et nous n'en gardons aucune trace. Dans la plupart des cas, quelques secondes, tout au plus quelques minutes, suffisent à nous rétablir.

— Seulement ?

— Oui ! Fais le calcul, c'est logique : notre organisme fonctionne en autonomie, nous possédons la vitesse de la lumière, combinée à un système immunitaire infaillible : nos cellules se régénèrent en un claquement de doigts !

C’est fou ! Là où les hommes mettent des jours, parfois même des mois à guérir d'un bobo, si tant est encore qu'ils le peuvent, les vampires, eux, peuvent se relever à chaque fois de leur tombe comme si de rien n'était. C’est ahurissant ! Ça dépasse l'entendement. Les scientifiques de la planète entière seraient affolés à cette découverte ! Hormis ça, je ne réalise pas bien que je m’adresse à Son Altesse, le Roi des vampires. Pour moi, c’est juste Dante, un homme au charme fou, bipolaire, charismatique et un peu sadique. Un homme que j’ai rencontré dans un club de strip-tease et qui m’a envoûtée, avant que la vérité ne me gifle en plein visage. C’est Dante, pas un « Roi ».

— Comment en es-tu venu à devenir Roi des vampires ? demandé-je ensuite, intriguée.

— Mes parents étaient le couple souverain de l’espèce vampirique. Très logiquement, ils m’ont ensuite fait accéder au trône et je suis devenu Roi. Ce statut privilégié m'a bien sûr causé beaucoup d'ennuis. Il a très vite fallu faire ses preuves. Au début, on a beaucoup comploté contre moi, et quand bien même je déjouais ces tentatives de renversement, on continuait de me remettre en cause dans mon dos. La situation que tu observes ici, dans ce château, est le fruit d'un combat sans relâche. Il m'a fallu une éternité pour me faire accepter, j'espère à présent que je pourrai en passer une autre à régner.

Il me fait penser aux grands Rois qui ont dû se battre pour défendre, sauver ou reconquérir leur trône, comme Richard Coeur de Lion ; mais quoi que recèlent ces récits, michroniques mi-légendes, à mon sens aucune tête couronnée n'a jamais été plus admirable que la sienne.

— En deux millénaires de vie, tu n’as jamais été lassé ?

Son étonnement semble croître au fur et à mesure qu'il sent augmenter mon intérêt pour lui, son passé, sa vie et la façon dont il l'envisage. À le voir réagir ainsi, on a l'impression que personne ne s’est jamais vraiment intéressé à lui, à ce qu'il ressent. Mon Dieu, est-ce possible ?

— On ne peut pas vivre deux millénaires sans finir par se lasser, et heureusement, rassure-toi, on se lasse bien avant. Cependant, que faire quand on est condamné à vivre ? Et puis, je n’ai jamais seulement songé à abandonner la vie car je suis utile à mon peuple, que je n’ai pas de descendant auquel léguer ma couronne et que, même si je ne me suis pas clairement assigné d'objectifs, j'ai la confuse sensation que je n'ai pas encore atteint au but ultime de ma vie.

— Mais, si tu le pouvais, tu serais tenté d'arrêter de vivre ?

— Non, je n'ai pas dit ça, je t’explique simplement que même si je le voulais je ne le pourrais pas. C'est ainsi. On ne saurait jamais renoncer totalement à l'existence, même au fond de l'acte le plus désespéré il y a une lueur d'espoir ; or, moi, la nature a eu beau me doter de tous les pouvoirs, il y a encore une chose plus forte que moi, qui me domine, et que je ne surpasserai ni n'égalerai jamais en puissance : c'est la vie. Le goût de la vie.

— Le goût du sang ?

— Oui.

Il me scrute et enlève soudainement ma main, la porte à ses lèvres avec fougue pour y déposer un baiser plein de dévotion, de ferveur et d'émotion. Je la retire précipitamment, comme si je l'avais approchée trop près du feu. Bien loin de le refroidir, ce geste aiguillonne son désir. Il me pousse doucement sur le lit et se positionne au-dessus de moi, haletant légèrement d'excitation, ses deux bras de part et d’autre de mon visage, me privant de tout moyen de lui échapper, même en détournant le regard. Je ne peux plus bouger.

— Qu’est-ce que tu fais ? demandé-je, apeurée malgré la conversation que nous venons d’avoir.

Il me sourit malicieusement.

— Je veux goûter à la vie qui me domine. Ce désir qui enfle et s'empare de moi. Cette envie de toi dont je suis esclave, Céleste.

— En me plaquant contre un lit ?

Il enfouit sa tête dans mon cou avant de souffler contre ma peau :

— Parfaitement.

Il embrasse et mordille avec lenteur ma gorge, dont la peau est parcourue de frissons. C’est tellement agréable...

— En m’embrassant ?

— Parfaitement.

Après des baisers légers et très agréables allant de la mâchoire jusqu'à la pointe de l'épaule, il commence à sucer doucement ma peau, me faisant gémir, malgré moi. Dieu que c’est bon… Je me cramponne aux draps par réflexe pour ne pas me laisser envahir par le plaisir, par l'extase, pour ne pas perdre la tête. Et je le pousse à exprimer plus encore son envie de moi.

— En me suçant la peau ?

— Parfaitement.

Il grogne contre cette dernière qu’il mordille. À mon étonnement, je n’ai plus peur qu’il me morde. Il m’a promis qu’il ferait tout pour me protéger, et je sais désormais la valeur qu'a pour lui le sang, ce que cela représente. Si dans sa bouche mon sang peut acquérir tant de prix, je ne serai pas fâchée qu'il me croque... Cela ne signifie pas pour autant que je lui voue une confiance aveugle – pas encore –, mais simplement je crois en ses mots, ce qui est peut-être un début, car la croyance génère souvent la confiance. Oh ! et ses baisers me font un bien fou ! Ils me comblent et me rassurent. Inconsciente, je passe les mains sur son dos et sur sa nuque en poussant un gémissement.

Répondant immédiatement à mes caresses, il trace avec ses mains un parcours le long de mes hanches, sur mon ventre, sur mes épaules qu’il encercle de ses bras. Je commence à onduler sous lui n’arrivant plus à tenir en place. Je sais que je ne devrais pas. Je devrais lui en vouloir, mais je n’y parviens pas. Après être montée si haut, touchée par ces révélations, mon âme ne fait que céder à l'appel, à la tentation de l'abîme, comme le soleil, une fois atteint son zénith, est tenté par la chute et la lune, le crépuscule, mariage des forces diurnes et des forces nocturnes. Si, donc, je cède, m'abandonnant à lui, c'est parce qu'il s'est d'abord abandonné à moi en répondant ouvertement à toutes mes questions, en m’expliquant comment les éliminer, en me confiant la dague qui livre son cœur à ma merci.

— Pourquoi moi ? demandé-je dans un souffle.

Il s'arrête brusquement au milieu de son étreinte pour me fixer avec intensité. Je jurerais lire l'expression même du désir dans ses yeux. Trouverait-il donc mon corps si désirable ? Dante, le vampire de deux mille ans qui a tout vu, tout affronté et tout conquis me désire, moi ! J’exagère peut-être, mais ça me fait quelque chose, je ne peux pas le nier.

— Parce que tu es toi, Céleste.

— Mais pourquoi ? Tu pourrais avoir des filles toutes plus belles et sophistiquées les unes que les autres, alors pourquoi moi ? Je ne suis même pas une vampire !

Il prend mes poignets et les plaque au-dessus de ma tête. Il replonge la sienne dans mon cou pour m'embrasser avec fougue, puis murmure :

— Tu n’as pas besoin d’être une vampire pour m'apporter ce que j’adore le plus en toi.

— Mon sang ?

— Ta vie.

Il répand une traînée de baisers le long de ma mâchoire et continue de m'embrasser tandis qu'il prononce ces mots :

— Tu as une âme. Tu es dotée… de cette... âme... qui transforme… ta beauté naturelle… en l'être magnifique... que j'ai sous les yeux.

Il relève légèrement la tête, son regard croise furtivement le mien avant qu'il n’embrasse le bout de mon nez.

— Cassidy te rend encore plus belle. Sa cruauté, sa sournoiserie, son caractère perfide et manipulateur transcendent par comparaison l'humilité de tes manières de mortelle.

Il suce doucement la peau fine et fragile de mon cou ce qui me fait couiner un peu bêtement, frotte son nez dans le creux mon épaule, comme une bête voulant s'imprégner de l'odeur de son territoire, et soudainement plaque sa bouche contre la mienne. Son baiser est ardent, brûlant de passion, il y met tellement de fougue que ça en devient presque violent. Après l'avoir laissé caresser mes lèvres du bout de sa langue j’entrouvre la bouche, lui cède enfin, où il s’engouffre aussitôt à l’intérieur. Nos langues se rencontrent, se croisent, s'épousent... Il la suce, la caresse, la frôle… C’est délicieux. Sa bouche a un goût d’interdit et de péché pour moi, ce qui rend l’action d’autant plus excitante. C’est bien connu, braver les interdits est un comportement inscrit dans la nature humaine. Peut-être reste-t-il donc encore un peu de cette flamme en moi que, jadis, Prométhée est allé voler aux dieux célestes réfugiés au sommet de l'Olympe. Avec fougue, ma langue caresse ses dents puis, trouvant une pointe d'audace supplémentaire, ses canines.

À ma déception, il les rétracte à peine la tendresse dont je tente de les entourer entre en contact avec elles.  Sans doute veut-il encore continuer à baisser les armes devant moi, peutêtre est-ce un moyen supplémentaire pour lui de faire tomber les barrières qui nous séparent. En tout cas, ce geste a ses raisons, et elles me touchent. Comme ses mains, d'ailleurs, qui arpentent de plus en plus fiévreusement mon corps, partent à la découverte de ses formes, s'aventurent sous les replis profonds de mes vêtements, tandis que nous continuons de nous entredévorer la bouche. Le froissement des habits le bruit de ma respiration haletante et celui de nos lèvres mouillées emplissent toute la pièce. Au bout de plusieurs minutes, il décolle nos bouches, provoquant l'irruption involontaire d'un grognement de frustration dans ma poitrine, plonge son regard dans le mien et jure :

— Je ne veux que toi…

Envoûte-moi ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant