Chapitre 39

1.9K 191 11
                                    

La voiture décélère doucement, mais mon cœur continue de battre à mille à l’heure. C’est trop tard, je suis dans la gueule du loup. Dans quelques minutes, je serai entourée de vampires. Mes mains sont légèrement moites et je regarde un peu partout autour de moi, nerveusement.

— Ne t’en fais pas ma belle, tout se passera bien…

— Facile à dire ! Toi tu as l’habitude, pas moi.

— Tu ne risques rien. À l’intérieur il n’y a que des vampires importants de la haute société. Ils savent se tenir et ne vont pas te sauter à la gorge, de toute façon personne ne t’approchera si tu es à mes côtés.

— Je sais.

Allez, courage Céleste ! Tu es avec le Roi des vampires enfin ! Il ouvre la portière et une fois à terre il me tend  élégamment la main pour m’aider à descendre. Notre voiture est arrêtée à une rotonde qui mène à l’extérieur et où trône une magnifique fontaine de style grec. Nous grimpons les grandes marches en marbre beige recouvertes d’un tapis rouge qui mènent au porche. J’ai l’impression d’être une célébrité qui monte les mythiques marches du Festival de Cannes. Cette situation me fait oublier que je suis Céleste, une fille qui, pour joindre les deux bouts, s’est adonnée au strip-tease la nuit, et s’est improvisée libraire le jour. En y réfléchissant bien, c’est un des points positifs de mon enlèvement : je n’ai plus besoin de m’accrocher à cette barre. Et puis surtout, il y a Dante…

Nous venons d’entrer dans le bâtiment beige dont j'ai pu admirer en passant l'architecture, richement sculptée par endroits de motifs divers, comme sur les grands monuments néoclassiques ; à l'intérieur, on profite de la lumière qui jaillit des magnifiques croisées en fer forgé, si imposantes que l'on dirait des vitraux. Surtout, ce bel éclairage permet d'apprécier la hauteur de plafond que traversent de grandes poutres en marbre et où un beau lustre en or et en cristal est suspendu. Le sol est en damier noir et blanc. En face de l’imposante porte d’entrée en bois massif que nous venons d'emprunter, un autre grand escalier similaire à celui que nous venons de gravir mène à une salle où il semble y avoir de l’animation. Au pied des marches, un homme bien bâti monte la garde, muni de la liste des invités. Parvenus à sa hauteur, ce dernier s’incline humblement devant nous et ne prend même pas la peine de nous demander nos noms. Malgré tout, Dante sort de sa veste le carton d’invitation et le tend à l’homme.

— Merci, Votre Altesse, je vous souhaite une agréable soirée.

Une fois en haut, Dante m’arrête et me tend son bras.

— Me feriez-vous cet honneur ?

Il est courbé, attendant ma réponse. Souriante comme une enfant, je réponds :

— Avec plaisir, Votre Altesse, en prenant une voix d’aristocrate pompeuse avant d'éclater de rire.

Il sourit de mon imitation et reprend son sérieux quand nous entrons dans l’immense salle de bal. Toute la décoration est semblable à celle de l’entrée, à quelques différences près. Sur la droite, de grandes fenêtres sont ouvertes et donnent sur un balcon qui surplombe un jardin à la française. Il n'y a pas un seul, mais trois lustres, également en or et en cristal, qui illuminent les lieux. D'autre part, au fond de la salle, se tient une petite estrade avec un gros siège en velours rouge dont l’armature en bois est recouverte de feuilles d’or. Tous les invités sont vêtus de tenues plus élégantes les unes que les autres.

Soudainement, j’apprécie encore plus cette robe, j’aurais fait pâle figure avec un simple jean et un pull. Les hommes sont chichement vêtus, mais la relative homogénéité de leur style de costume confère une certaine harmonie à leur physionomie, tandis que les femmes, elles, semblent toutes rivaliser d'ingéniosité pour se montrer la plus extravagante ; c'est à croire qu'elles ont à se prouver quelque chose. Mais quoi ?

En tout cas, c’est un réel arc-en-ciel de couleurs, de formes et de matériaux. Dans la salle, des serveurs zigzaguent entre les invités, munis de plateaux sur lesquels reposent des coupes en cristal remplies d’un liquide rouge. Certainement du sang… Ça me dégoûte un peu. Je ne sais pas d’où vient le sang… Peutêtre de jeunes femmes sans défense ou de nourrissons… De toute façon à quoi m’attendais-je ? Ils n’allaient tout de même pas servir des sodas aux vampires aristocrates ! Mais tout de même, quand on n'y est pas habitué, c’est vraiment très étrange.

Dante pénètre plus avant dans la salle ; une vague de murmures curieux naît sur son passage. Les gens s’inclinent respectueusement devant lui et se redressent. Les regards des femmes me témoignent tantôt leur aversion, tantôt leur jalousie, tandis que d’autres, plus rares, me font à peine la politesse d'un sourire, préférant sans doute rester neutres, ou bien ne pas me gratifier totalement devant leur Roi du mépris patent que ma vue leur inspire. Je n’ai pas peur d’elles, je sais qu’elles ne feront rien, étant aux côtés de Dante. Elles sont juste jalouses que le Roi des vampires ne soit pas disponible ; cela brise certainement leurs illusions… Tandis qu’à l’inverse des femmes, les hommes sont très prévenants ; ils me regardent avec envie. Certains sont très beaux, mais ils n’atteignent pas non plus la beauté scandaleuse de Dante. Peu à peu, les discussions reprennent malgré les petits regards curieux qui nous sont parfois lancés.

— Je suis dans la fausse aux lions, glissé-je.

— Et ils n’ont pas mordu… Pour l’instant.

Envoûte-moi ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant