Chapitre 31

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Céleste


Il vient de le faire ! Il m’a invitée ! Je ne veux pas y aller… Là-bas, je ne connaîtrai personne. Je vais me retrouver dans un nid à vampires et n’aurais aucun moyen de fuir. Dante est le Roi des vampires, alors c’est évident que toutes les personnes présentes chercheront à lui parler. Et moi, dans tout ça ? Je ne serai qu’une faire-valoir – une humaine ! – personne n’acceptera ça. Moi la première, je ne veux pas être une potiche à son bras. Je ne connais même pas la personne dont on célèbre l’anniversaire ! Que suis-je censée lui dire ? « Bonjour, je ne vous connais pas, mais bon anniversaire quand même ! Bon, alors, où est le gâteau ? ». Non, franchement, c’est audessus de ce que je peux accepter, même par am... En plus ! ce dénommé « Gregory » fête ses mille ans ! Je ne sais pas si Dante se rend compte à quel point c’est intimidant !

— Eh bien… Oh ! Dans sept jours, je ne sais pas si… j’aurai le temps… Je…

Il darde un regard incrédule sur moi tandis qu’une moue amusée fend sa bouche.

— En fait, c’est que… Je n’ai pas de robe ! trouvé-je à me justifier.

— Dans ce cas, ce n’est qu’un détail, on ira t’en chercher une dans la semaine.

Quelle idiote ! J’ai vraiment espéré que ça le bloquerait ? C’est un Roi, et c’est bien connu, tous les rois ont tout ce qu’ils veulent. Maintenant ça me paraît évident qu’il aurait trouvé quelque chose d’élégant à me mettre sur le dos pour l’accompagner.

— Visiblement, tu as tout prévu !

— En effet. J’ai l’habitude qu’on me dise oui.

— Donc je suppose qu’il ne me reste plus que ça à faire ?

— Exactement !

Je souffle de dépit. Il a déjà tout prémédité, mon accord n’est qu’une simple formalité de principe. Je n’ai pas le choix. Et peu importe si je persistais à vouloir lui dire non, je n’ai aucune raison réelle de lui refuser ce qu’il me demande.

— Oui, lâché-je.

— Voilà qui est mieux.

Je me frotte les yeux comme un panda en bâillant doucement.

— Bon je vais aller me coucher, je suis fatiguée, déclaré-je.

Je tourne les talons et m’apprête à franchir le seuil de la porte lorsqu’il me lance :

— Je te rejoins.

— Pas besoin, réponds-je d’une voix sans timbre.

— Je ne te demande pas ton avis.

Je suis trop lasse pour me chamailler alors je sors sans dire un mot. Je tremblote dans les couloirs, dont l’air est froid en cette nuit hivernale. Je suis soulagée de constater en arrivant dans la chambre que le feu brûle fort dans la cheminée. Quelqu’un doit souvent venir l’entretenir en mon absence et mon petit doigt me dit que la responsable de cela est Léna. Elle est si prévenante et si douce.

J’entre vite dans la pièce pour ne pas faire entrer le froid, me déshabille rapidement pour enfiler tout aussi vite mon pyjama : un gros pull et un short. Puis, je me glisse prestement sous les draps après m’être brossée les dents et commence à fermer les paupières lorsque Dante entre. Je suis déjà presque endormie, la chaleur du lit ne m’aidant en rien à lutter contre la fatigue qui m’assaille, mais quand il commence à se déshabiller je fais de mon mieux pour parvenir garder un œil ouvert sur son corps parfait. Il fait passer son t-shirt au-dessus de sa tête faisant ainsi gonfler les muscles de ses bras et de son ventre, retire son pantalon pour laisser apparaître ses jambes musclées par l’effort et son somptueux muscle pyramidal. Il n’est plus vêtu que d’un boxer noir lorsque je le vois s’avancer vers moi. Il s’assied sur le bord du lit de mon côté et commence à caresser ma joue.

— Mon petit poussin, tu t’endors toute seule ? chuchote-t-il. Attends, je vais te tenir chaud.

Je ne dors pas vraiment, mais je somnole cependant que je l’entends contourner le lit par l’autre côté et s’installer dans mon dos. Les draps se soulèvent et des bras possessifs et chauds m’entourent la taille dans un geste protecteur. Je m’endors sans penser à rien d’autre qu’au corps de Dante collé au mien, dont je n’ai d’ailleurs ni la force ni l’envie de me défaire.

Alors, tout devient rose beige autour de moi, je baigne comme dans une sorte de liquide amniotique et de plasma. En bougeant, je constate que j’ai de toutes petites mains avec des doigts microscopiques. Mes cuisses sont fripées et boudinées, sans parler de mon gros bidon et de mon thorax plat. Je suis un bébé, ou plutôt un fœtus. La poche où je suis est alimentée par beaucoup d’amour et de tendresse, je le ressens.

Parfois l’ombre d’une main fine et gracieuse déchire ma contemplation léthargique et se pose, comme s’il s’agissait d’un oiseau, dans un coin de l’espace indéfini qui se trouve devant moi ; parfois les doigts de cette même main sont noués à ceux d’une main beaucoup plus grosse, elle les guide et tous deux se posent ensemble sur le panorama rosé, formant de saisissantes ombres chinoises. J’ai l’impression de voir des monstres chimériques se mouvoir sous mes yeux, déployer leurs ailes, étendre leur cou, dérouler leur queue. Soudain, après avoir papillonné, les deux ombres s’envolent, brusquement, tout se repeint d’une teinte plus sombre autour de moi, je vois se profiler le nuage de l’inquiétude au-dessus de la grotte rose où je flotte. De la femme qui me porte, je reçois l’influx de sentiments à la fois tristes et heureux. Elle sanglote en tressautant. J’aimerais faire quelque chose pour elle, lui montrer qu’elle n’est pas seule. Voulant témoigner mon soutien à l’être qui me porte, je prends conscience que je peux bouger mes membres et l’instinct me vient de taper plusieurs fois contre la paroi tendue devant moi. Un petit rire triste résonne à mes tympans, aussitôt l’ombre de la grosse main d’homme entre à nouveau dans mon champ de vision, une voix masculine s’élève, elle est comme cryptée, je ne l’entends pas distinctement :

— Toi aussi, je t’aime ma petite princesse… Mais je ne peux pas rester avec vous. Pour votre propre sécurité.

Le pouce bouge de haut en bas comme pour me caresser et la femme supplie alors :

— Il n’y a vraiment pas d’autre alternative ?

Un silence immobile se fait durant lequel j’ouvre grand les yeux sur ce qui m’entoure, puis la voix masculine résonne à nouveau, mais cette fois elle est gorgée de remords et de tristesse.

— Non, mon amour… Je vous aime de tout mon cœur, mais je ne veux pas que vous soyez en danger par mon égoïsme. Il n’y a pas d’autre solution, ainsi elle grandira comme une petite fille normale, elle sera heureuse et vous serez en sécurité, loin de tout ça. Mais je veux que tu saches que, toi comme elle, je vous aime plus que tout au monde.

La femme pleure de plus belle avant de susurrer :

— Alors, je l’appellerai Céleste. Parce qu’elle sera mon plus beau cadeau de toi. Céleste comme notre amour.

Je me réveille en sursaut, les yeux grand ouverts et bordés de perles d’eau salée qui coulent le long de mes joues. Je suis choquée. Cette femme, ce n’est pas n’importe quelle femme, c’est ma mère, et cet homme… C’est mon père ! Je fonds en larmes. Est-ce ma tendre mère qui m’envoie ce rêve du paradis ? C’est horrible de rêver d’elle alors qu’elle n’est plus là, que la foule de questions que réveille en moi son souvenir me rappelle cruellement au constat de son absence. Elle n’est plus nulle part, et tout cela me paraissait si réel. Pourquoi ai-je l’impression que ce n’est pas exactement un rêve, mais une vision du passé ? Et si je venais de revivre cette nuit l’histoire de ma naissance ? Cela signifierait que mon père n’est peutêtre pas finalement le salop que je croyais… Il est peut-être vraiment parti pour nous protéger toutes les deux. Mais de quoi ? Qui pouvait bien être mon père ?

Je suis secouée par des sanglots quand un étau de chair se referme autour de moi et m’enserre. Des bras conséquents, et pas n’importe lesquels, ceux de Dante, m’attirent contre son corps. Il attrape mon épaisse et longue chevelure rousse pour la repousser sur mon épaule droite et embrasse doucement ma clavicule et ma nuque en caressant lentement mes bras frêles de bas en haut.

Envoûte-moi ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant