Love Cursed

Chapitre 1 ( Kaila 2020)

J'ouvre les yeux complètement paniquée. Je fronce les sourcils et je n'arrive plus à me souvenir où je suis jusqu'au moment où je sens un bras s'enrouler autour de ma taille. Je respire enfin quand je sens la présence rassurante d'Illian à côté de moi. On se retrouve encore une fois dans un lit qui ne nous appartient pas et dans une maison qui n'est pas la nôtre, avec une famille complètement inconnue. Cette situation si on peut appeler ça comme ça commence sérieusement à me peser. Je suis reconnaissante, dans un sens, d'avoir eu une deuxième chance de pouvoir vivre un peu plus longtemps avec mon âme sœur. Seulement, quand tout retombe et que je repars dans le noir et dans l'eau froide et sinistre, je ne peux plus le supporter alors j'essaye, comme je peux, de profiter de l'instant présent. Cependant, je ne peux plus fermer les yeux sur ce que nous sommes : des voleurs... et des tueurs. Je me dis que si on était nés à un autre moment, mais surtout dans une autre époque, alors peut-être que l'on aurait vécu notre histoire d'amour normalement.

Je me lève du lit et me dirige vers le balcon de la chambre pour prendre l'air, quand une voix m'interpelle :

-Tu ne dors pas ?

Je tourne la tête et j'essaye de voir les contours d'un visage qui m'est complètement inconnu ainsi que cette voix qui ne m'est pas familière également. Après tous ce temps je devrais être habituée, mais ça me fait toujours un choc. Ce n'est pas Illian, enfin ce n'est pas le physique que je connais. À l'intérieur de cette enveloppe charnel se trouve bien l'homme que j'aime. Je hausse les épaules avant de lui répondre.

-Non j'ai fait un cauchemar et je voulais prendre un peu l'air.

Il se rapproche de moi pour me caresser les cheveux mais il ne dit rien. J'écoute le bruit des vagues qui s'écrasent contre les rochers. Ce bruit m'apaise et m'angoisse en même temps. Il me rappelle trop de mauvais souvenirs. Illian entoure ma taille de ses bras. Je peux sentir son souffle sur mon cou, puis il me tapote légèrement la tête.

-Tu peux me dire à quoi tu penses ?

Je pousse un profond soupir avant de lui répondre :

-À nous, à tout ça, je commence à devenir folle.

Il soupir à son tour et vient se placer en face de moi :

-Je sais Kaila, je te comprends mieux que personne on est deux à vivre cet enfer mais tu sais très bien pourquoi on est là.

Je le foudroie du regard. Pendant un instant je suis chamboulée de ne pas voir ses yeux d'un bleu profond qui avait le pouvoir de me faire fondre sur place à une époque que j'aimais tant. Je ne doute pas une seule seconde que ça soit aussi compliqué pour lui que pour moi de vivre ça même si on ne peut pas vraiment dire que l'on vit. Cependant, il a toujours su gérer mieux que moi, comme si tout cela ne l'affectait pas, ce qui ne peut m'empêcher d'exploser.

-Non justement, je ne sais pas pourquoi on est là, je ne sais plus. On ne devrait même pas exister et pourtant, voilà des années qu'on joue à ce petit jeux et je commence à en avoir marre. Je ne sais plus qui je suis ! Ou plutôt qui j'étais, après tout ce temps à voyager dans le corps des autres.

-On nous a offert une deuxième chance, qui est pesante certes, mais qui reste tout de même une deuxième chance. Malheureusement tout se paye dans la vie. C'est ça notre prix à payer.

Je rie jaune à sa remarque qui me met encore plus en colère.

-Tu oses appeler ça une chance ? Pour moi c'est un fardeau !

Son visage devient blême et il perd vite son sourire. Il recule sous le choc, comme si je venais de le frapper.

-Alors rester à mes côtés est un fardeau pour toi ?

-J'ai pas dit ça, tu déformes mes mots. Tu sais aussi bien que moi que l'on fait souffrir des gens et je me demande si ça en vaut vraiment la peine aujourd'hui.

-Et tu sais aussi que c'est notre malédiction. Que les personnes que l'on fait souffrir sont les causes de notre perte. Elles le méritent.

Je souffle d'exaspération.

-Ça va faire 65 ans maintenant Illian, tu ne crois pas que nous avons fait assez de mal comme ça ?

-Ils nous ont détruits uniquement parce qu'on s'aimait. Leur descendance mérite le même sort. Jusqu'à présent ça ne te poser aucun problème, tu étais même la première à leur faire subir ta colère car tu en voulais au monde entier. Je ne vois pas pourquoi ça te dérange maintenant. On est ensemble et c'est tout ce qui importe.

Je ferme les yeux et je sers les poings. Il a raison. Les premières années je faisais subir les pires souffrances à tous ceux qui nous avaient trahis ainsi qu'à leurs progénitures, mais aujourd'hui la colère a laissé place à la lassitude. Je suis fatiguée de voir des personnes souffrir et mourir par vengeance, ce qui d'ailleurs m'empêche de profiter pleinement de mes retrouvailles furtives avec Illian. Un bonheur qui reste fugace et qui porte le goût amer de la mort :

-Reviens te coucher maintenant, le soleil va bientôt se lever et il ne nous reste plus beaucoup de temps avant de repartir.

-Je te rejoins dans une minute.

Il m'embrasse sur le front et repart dans la chambre. Je me masse les tempes et je ne peux m'empêcher de penser à demain, quand les autorités vont retrouver deux corps inertes sur la plage se tenant par la main. Mort d'une cause surnaturelle et inexplicable par tous les médecins du pays. Mais aussi ces familles endeuillées, qui ne vont pas comprendre pourquoi leurs enfants sont morts d'un seul coup, sans raison alors que la veille tout allait pour le mieux. En pleine forme, une attitude probablement bizarre mais aucune forme de maladie en vue. Je chuchote pour moi-même ou peut-être pour la mer.

-J'aurais préféré être réellement morte.

Et je retourne me coucher auprès d'Illian qui me sert contre lui.