Chapitre 17 (Kaila 2020)

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La lueur du jour me force à ouvrir les yeux. Quelque chose ne va pas, je ne devrais pas sentir les rayons du soleil qui traversent les rideaux et me chauffent la peau. Sauf qu'il n'y a pas de soleil au purgatoire. Lançant des regards à droite comme à gauche, je constate que je suis toujours dans la chambre de Lena. Je saute du lit et me précipite devant le miroir sur pied... et mes doutes sont confirmés. Rien n'avait changé, on se retrouve toujours dans ces corps qui nous ressemblaient que trop, ainsi que dans cette situation compliquée. Dans un excès d'agacement et d'impuissance je frappe à coups de poing le miroir qui se brise instantanément en mille morceaux. Mes phalanges saignent mais ce n'est pas ma préoccupation pour l'instant, je ne ressens presque pas la douleur. C'est mon cœur qui porte ma plus grosse blessure et on ne peut pas la soigner. La porte de ma chambre s'ouvre brusquement et la mère de Lena apparait, complètement paniquée à la vue du sang et des morceaux du miroir. En effet, j'avais presque oublié ce que c'était que d'avoir des parents.

-Ma chérie tu vas bien ? J'ai entendu un grand bruit et...

Elle s'avance et constate les dégâts de ma colère.

-Oh mon dieu mon cœur ! Viens avec moi, il faut qu'on soigne tes mains.

Je la laisse m'entrainer dans la salle de bain à côté sans rien dire. Je suis beaucoup trop occupée à la dévisager pour arriver à dire quoi que ce soit. Elle ressemble à Annie, trait pour trait, et ça me brise le cœur autant que ça me rend heureuse. J'ai l'impression d'être un peu chez moi, comme ça, même si je n'oublie pas la dernière fois que j'ai parlée à Annie, ainsi que les larmes qui ont coulé. La mère de Lena désinfecte mes plaies avec soin et même si je sens que des questions sur mon acte lui brûlent la langue, elle attend d'avoir fini pour m'en parler.

-Je peux savoir pourquoi tu as fait ça ?

Je hausse les épaules mais je ne dis rien. J'ai appris il y a bien longtemps que peu importe ce qu'on pouvait dire, les gens ont toujours du mal à nous croire. Elle soupire et s'adosse à la porte de la salle de bain.

-Parle-moi Lena s'il te plait, tu n'as plus eu de crise de rage depuis longtemps et je pensais que tout ça était fini, alors j'aimerai savoir ce qui a provoqué celle-là.

- C'est rien... maman.

Je vois des images de Lena violente, défilant sous mes yeux. Donc ce n'est pas totalement moi qui aie réagi comme ça mais un peu d'elle qui doit essayer de reprendre possession de son corps en me dirigeant. La voix de cette femme qui pansée mes plaies me ramène à la réalité.

-C'est à cause de l'exposition, c'est ça ? J'ai appris qu'elle était en ville. J'aurais dû me douter que Zoé allait t'y amener. Je sais que tu as du mal avec toute cette histoire... Je suis désolée ma puce, mais il va falloir t'y faire, on ne peut pas changer le passé.

-Tu lui ressembles tellement.

J'ai chuchoté ces mots si bas que j'ai bien cru qu'elle ne m'avait pas entendu, mais quand mes yeux croisent les siens, je vois qu'elle me regarde tendrement.

-Je sais et de ce que l'on m'a dit, tu ressembles beaucoup à Kaila mais je ne pourrais pas te l'affirmer car ces photos se font rares.

-Comment tu l'as su ?

-Comment j'ai su quoi ?

-Que la cousine d'Annie s'appelait Kaila ? De ce que je sais et pu voir à l'exposition, personne ne connait son prénom ni selon de son amour. On les a effacés pour ce qu'ils ont fait alors, comment tu le connais ?

Elle soupire encore. Des frissons parcourent mon dos, ce qui me donne l'impression que je vais en apprendre bien plus avec cette femme qu'avec n'importe quelle autre exposition sur nous.

-Car Annie a donné en deuxième prénom à son enfant, celui de Kaila, en hommage. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai fait la même chose.

J'ai envie de rire. En hommage ? C'est quoi encore cette blague ? Elle se sentait juste coupable de la trahison qu'elle m'a faite, mais ça n'excuse rien.

-Et ils l'ont laissé faire ?

-C'était un deuxième prénom alors je suppose qu'ils ne s'en préoccupaient pas. Puis Annie et le père du bébé son morts eux aussi, alors c'était peut-être une façon de conserver leurs mémoires ou quelques chose comme ça. Leur petite s'est retrouvée orpheline a même pas un an, à croire que cette famille était maudite. Mais une chose qui était sûre, c'est qu'Annie faisait perdurait la mémoire de Kaila.

Choquée, les larmes me montent aux yeux. Quand je repense à ce que j'ai fait subir à Annie, pas un seul instant je n'ai pensé au bébé. C'était en décembre 1956, Annie était le premier corps que j'occupais. La rancœur et le dégoût que j'éprouvais pour cette femme m'ont poussé à agir vite et efficacement. J'ai alors pris ce couteau, et je me le suis plantée dans le ventre — ou plutôt devrais-je dire, dans « son » ventre. Je voulais simplement qu'elle souffre autant que j'ai souffert...

-Tu sais ce qu'est devenu le bébé ? Demandé-je

-Les parents d'Annie l'ont élevé en essayant de ne pas reproduire les mêmes erreurs. Elle n'a pas eu une vie facile. Et puis elle a grandi avec l'évolution du monde. Elle a fait sa vie, et a donné naissance à un enfant qui a donné naissance à son tour et ainsi de suite jusqu'à nous.

Sur ses mots, elle m'embrasse le front. Ce geste me touche presque, probablement parce que je n'ai jamais eu de geste tendre de la part de ma véritable mère.

-Si tu as d'autresquestions, regarde dans l'album photo de famille, peut-être que ça t'aidera. J'aiconscience que cette histoire est compliqué et tu peux en vouloir à Annie, maisil ne faut pas oublier qu'elle était enceinte dans les années 1950, qu'elle avait18 ans à peine et sans être mariée. Elle voulait juste se protéger... et non tuerquelqu'un.                       

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