Chapitre 10 (Kaila 1955)

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Je me réveille lentement dans un état léthargique. Je ne peux pas m'empêcher de sourire au souvenir d'hier soir. On va vraiment le faire, vraiment partir loin d'ici, de cette ville qui ne comprend rien, partir de mes parents et de tous les obstacles pour notre amour. Je nous imagine déjà dans un petit studio au bord de la mer, à l'autre bout du pays sans personne pour nous juger car personne ne nous connaitra. Je me lève et pars à la recherche de vêtements. Mes yeux finissent par se poser sur le pantalon qu'Annie m'a offert. Ma mère ne l'a pas encore vu et heureusement pour moi d'ailleurs parce qu'elle m'aurait déjà coupé la tête sinon. Mais aujourd'hui est un autre jour. J'ai l'impression que tout est possible alors je ne réfléchis pas plus longtemps et je l'enfile en l'accompagnant d'un haut noir simple. Je récupère mon ruban avant de descendre les escaliers. Sans me préoccuper de la réaction de ma mère, je me retrouve étonnée de son attitude en m'apercevant : pour la première fois depuis longtemps elle ne me dit rien, aucune remarque, aucun reproche.

-Maman tu vas bien ?

-Pourquoi ça n'irait pas ?

-Peut-être parce que je porte tout ce que tu détestes et que tu n'as pas l'air de vouloir me sauter à la gorge.

-Écoute Kaila, soupire-t-elle en essuyant ses mains sur son tablier, je n'ai pas le temps de me battre avec toi sur ta tenue plus que vulgaire. Tu devrais allez voir ta cousine, elle va avoir besoin de toi.

-Que lui arrive-t-il ?

-Ce n'est pas à moi de te le dire ma chérie.

Elle ne me l'a peut-être pas dit mais je suppose déjà la réponse. Si ma mère m'appelle « ma chérie », c'est que ça doit être grave. Je me dirige donc chez ma cousine, pas très loin de chez nous. Je lève la main pour frapper à la porte mais je m'arrête net en entendant des voix hurler à l'intérieur.

--Comment as-tu pu lui laisser autant de liberté ? C'est de ta faute si on en est là.

-Ma faute ? Je t'ai toujours dit que cette fille filée du mauvais coton mais tu n'as jamais pris la peine de m'écouter, on aurait dû l'envoyer dans un internat ça nous aurait causé moins de problèmes.

Je me décide à frapper. Après tout c'est ma famille, je n'ai pas à avoir peur. J'entends des bruits de pas se diriger vers la porte et c'est ma tante que je découvre, les yeux injectés de sang et son visage rouge à force d'avoir pleuré. Elle grimace en constatant que c'est moi.

-Rentre Kaila, je suppose que ta mère t'a parlé.

-En fait...

Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase que mon oncle arrive complètement furieux. Il me jette à peine un coup d'œil avant de me lancer :

-Si tu viens voir la dévergondée, elle est en haut !

Je ne comprends plus rien. Cette réflexion est plutôt celle de mes parents généralement. Il doit vraiment se passer quelque chose de grave pour que mon oncle parle comme ça de sa fille. Je monte les escaliers et je trouve ma cousine sur son lit. Après avoir fermé la porte derrière moi je la prends directement dans mes bras. Elle se fige, mais se détend en constatant que c'est moi.

-Tu peux me dire ce qui se passe Annie ?

Elle relève la tête vers moi. Elle aussi a beaucoup pleuré.

-Je suis enceinte.

J'ouvre grand les yeux et me maintiens au lit pour ne pas tomber. Je crois que j'ai du mal entendre ou alors elle me fait une blague. Mais je déchante vite quand je vois cette lueur dans son regard, celle de la peur.

-Tu es vraiment enceinte ? Mais comment ? De qui ? Tu comptes faire quoi ?

-Oui je suis vraiment enceinte e... et pour le « comment », je ne vais quand même pas t'expliquer comment on tombe enceinte quand même ? Je ne préfère pas te dire de qui et j... je ne sais pas quoi faire, je suis perdue pour l'instant. J'ai l'impression d'étouffer Kaila ! Mes propres parents ne me regardent même plus dans les yeux. Je les entends se disputer et je suis impuissante. À leurs yeux, je suis devenue ce genre de fille facile, vulgaire et je ne peux pas supporter l'idée de les avoir déçus. Pour finir, aucun homme ne voudra de moi.

Elle pleure sans pouvoir s'arrêter. Je ne dis rien. Je sais que ça ne changera pas la situation, que peu importe ce que je dirais, rien ne pourra l'aider. Je peux seulement lui faire sentir que je suis là pour elle.

-Dit moi qui est le père, Annie.

Elle relève son visage plein de larmes vers moi : elle est complètement paniquée.

-Je ne peux pas te le dire, la situation serait encore pire Kaila.

- Tu me connais non ? Je t'ai confié ma relation avec Illian alors tu sais que tu peux tout me dire.

-Justement... le père c'est le frère d'Illian, Kaila !

Elle baisse la tête, honteuse. Malgré cette impressionnante révélation, je tente de la rassurer en la serrant fort contre moi. J'essaye de ne pas lui montrer ma surprise et de ne pas lui poser plus de questions, surtout tant qu'elle n'est pas prête.

-Ne t'inquiètes pas Annie, je suis là et tu peux avoir confiance en moi tout comme j'ai confiance en toi.

Love CursedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant