Chapitre 2 ( Kaila 1955)

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Je vérifie une dernière fois ma coiffure dans le miroir, je resserre mon ruban qui entoure mes cheveux et je lisse ma robe. Je descends, prête à recevoir des remarques de ma mère sur ma tenue. Elle me tourne le dos, déjà en train de préparer le repas pour ma petite sœur que j'embrasse sur le front avant de lancer :

-J'y vais ! Annie doit m'attendre.

Ma mère se retourne alors et me lance un regard désapprobateur.

-Tu ne comptes pas sortir avec cette chose sur ta tête quand même ? Prend plutôt ton chapeau.

-Je vais à la plage maman, pas à l'église.

Elle hausse les sourcils. Ma mère déteste que je m'intéresse à la mode et surtout à celle des pin-up qui arborent un style très rock et rebelle qui bien-entendue, lui déplait au plus haut point.

-Très bien ! Si tu veux ressembler à ce genre de fille, une FILLE FACILE, vas-y je t'en prie ! Mais ne viens pas pleurer s'il t'arrive malheur.

Je hausse les épaules et je sors. J'ai appris, il y a bien longtemps maintenant, à ne plus prêter attention à ses moindres remarques telle que sur mon choix de porter un ruban.

Le point positif lorsque que l'on habite en bord de mer, est que l'on peut y allez à n'importe quel moment, entendre le bruit des vagues qui s'abattent sur le sable humide. Annie m'attend en face de la maison, déjà pied nue dans le sable chaud. Les remarques de ma mère oubliées, je cours pour la prendre dans mes bras.

-Ma chère cousine ! Vous m'avez manquez, le temps était long sans vous ! me dit-elle très gracieusement.

-Je déteste t'entendre parler comme ça, on dirait nos parents.

Nous nous mettons à rire tout en nous promenant bras dessus bras dessous sur le sable. L'été est à son apogée.

Malgré l'ambiance festive qui nous entoure, je sens bien que ma cousine n'est pas complètement avec moi et qu'elle a la tête ailleurs lorsqu'elle observe les vagues s'échouer. Je lui donne un coup d'épaule pour qu'elle tourne la tête vers moi.

-Tu peux me dire ce qui se passe dans cette jolie petite tête ? C'est la première fois que je te vois comme ça.

Elle hésite avant de me répondre. Elle joue avec le sable comme s'il allait lui donner du courage.

-Mes parents ont décidé qu'il était temps que je me trouve un mari.

-Quoi ?!

Je n'arrive pas à y croire. Je ne pensais pas que mon oncle et ma tante pourrait lui faire ça, pourrait la forcer à se marier. Ils sont tellement ouverts d'esprit et en avance sur leur temps. Je ne comprends pas, ils sont opposés à mes parents, je les voyais mal accepter ce genre de chose. Je me souviens même d'un temps où ils parlaient de l'envoyer à l'université.

-Je ne comprends pas et tes études alors ? Tu voulais bien devenir infirmière et ils avaient l'air de te soutenir, pourquoi vouloir que tu te marie d'un seul coup ?

-Honnêtement je ne sais pas. Il y a une semaine, je les ai entendus parler du fait que cela serait mal vu, si je travaillais sans avoir de mari.

-Ils sont au courant que tu ne pourras jamais travailler quand tu seras marié ? Il t'empêchera de le faire.

Elle hausse les épaules comme si tout cela ne l'affectait pas, mais je vois les larmes qui s'écrasent sur ses joues. Je la prends dans mes bras pour la réconforter même si je sais qu'elle préfèrerait gérer ça toute seule. Je n'image pas ce qu'elle vit en ce moment. Subir un mariage d'autant plus qu'elle va devoir abandonner ses rêves du jour au lendemain. Je finis par écarter Annie de mes bras pour la regarder dans les yeux. Cependant, je les vois s'illuminer d'un seul coup.

- Tourne-toi discrètement, je crois que quelqu'un t'attend, me dit-elle.

Je tourne légèrement la tête pour l'apercevoir et un sourire béat né immédiatement sur mes lèvres. Ma cousine est la seule au courant à propos de ma relation que je ne peux vivre librement. Si le village l'apprenait, si mes parents n'auraient qu'un brin de soupçon, je ne préfère même pas imaginer ce qui pourrait nous arriver. Je regarde ma cousine demandant son approbation. Je ne veux pas la laisser seule, surtout pas après la nouvelle qu'elle vient de m'annoncer. Elle me fait un mouvement de tête dans sa direction :

-C'est bon vas-y, je te couvre.

Je l'embrasse sur la joue avant de suivre discrètement celui qui fait battre mon cœur.

Après une course folle nous nous arrêtons dans une ruelle abandonnée où sûrement personne ne risque de nous surprendre. Il m'embrasse avec ardeur avant de me regarder, sourire aux lèvres.

-Ta mère a dû être ravie quand elle a vu ton ruban.

-Si seulement... mais ce n'est pas grave, j'ai l'impression d'être encore plus proche de toi comme ça.

Illian ne représente pas le gendre idéal : il passe son temps dehors, à parcourir les villages voisins à bord de sa moto, une veste en cuir sur le dos, le look typique d'un vaillant motard. Il est un peu mon Elvis Presley à moi. C'est d'ailleurs la principale raison qui nous empêche d'être ensemble : mes parents feraient une crise cardiaque s'ils l'apprenaient. Enfin, ma mère surtout.

-Je ne vois pas pourquoi, ce n'est pas avec un ruban dans les cheveux que je t'aimerai plus, me dit-il les yeux dans les yeux. Je t'aime déjà, pas besoin de fanfreluche pour ça.

Je souris. J'aime à croire que je ne suis pas la petite fille à son papa comme peut le renvoyer mon image, mais que j'ai ma part de rébellion au fond :

-Je sais, mais tu as tellement de filles autour de toi que des fois, j'oublie que dans un certain sens, que tu es à moi.

Il me sert contre lui et pendant un instant on ne dit rien. Tout serait plus facile si nous étions tous les deux du même monde. On ne serait pas obliger de se cacher et de faire croire que l'on s'intéresse à d'autres personnes afin de faire taire les rumeurs qui peuvent circuler quand les gens nous voient trop proches.

On finit par se détacher. Je ne peux pas prendre le risque de m'absenter trop longtemps, surtout en habitant dans une maison juste en face de la plage où ma mère pourrait se rendre compte de ma disparition. Je pars les épaules baissées. Cela devient de plus en plus compliqué de le laisser, sans savoir quand je pourrais le revoir. Je retourne près de ma cousine n'ayant pas bougé depuis.

-Rien à signaler, déclare-t-elle à la suite d'un clin d'œil.

-Merci, je ne sais pas comment je ferais sans toi.

Elle me prend la main et la serre fort dans la sienne :

-On serait perdues l'une sans l'autre.

Love CursedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant